La presse écrite du Québec dans la tourmente de la vague numérique

Conflits de travail en série pour les grands quotidiens du Québec, uniformisation et mécanisation de l’information, disparition progressive des médias locaux: les effets d’un certain modèle de convergence.

Mandat de grève à The Gazette, quotidien anglophone de Montréal (propriété du groupe CanWest qui a annoncé des milliers de mises à pied en raison de la baisse des revenus publicitaires). Le Devoir rapporte:

La direction et le syndicat de la Gazette s’opposent surtout sur des questions de juridiction, le groupe Canwest Global, propriétaire du journal, souhaitant confier en sous-traitance la rédaction de textes et des tâches de mise en page.

Après la longue grève au Journal de Québec (conditions à la baisse et réduction de la pratique journalistique), un lock-out au Journal de Montréal (également propriété du groupe Québecor). Paul Cauchon, le chroniqueur des médias du journal Le Devoir rapporte que le climat de travail est pourri. Il cite un courriel transmis par la direction syndicale aux employés et qui fustigeait les

«cadres médiocres qui détruisent, jour après jour, la crédibilité de notre journal. Comment? En publiant des conneries provenant des autres plates-formes de l’empire».

Le courriel évoquait, par exemple, la couverture de l’élection fédérale ainsi que celle des Jeux olympiques de Pékin par des textes repris des journaux anglophones de la filiale Sun Media de Quebecor.

Michel Dumais, chroniqueur médias chez branchez-vous! avance même la théorie du complot.
Journal de Montréal, un quotidien en sursis. M.Dumais fait également référence aux possibles modèles de revenus évoqués par Jeff Jarvis dans The Guardian.

Les travailleurs de l’information mettent en ligne un site d’actualtés pour démontrer qu’ils sont prêts à relever les défis du numérique.
RueFrontenac.com

Recul de la presse locale

Fédération professionnelle des journalistes du Québec

Portrait de la couverture régionale et du métier d’artisan de l’information

Dévoilement des résultats du sondage au cours du 40e congrès annuel de la FPJQ (6 décembre 2008).

Billet FPJQ
on a la montréalisation que l’on mérite
Le plus grand obstacle à l’information régionale se trouve dans les régions elles-mêmes.

The Perfect Storm: la presse est touchée ici aussi

Baisse des revenus publicitaires, augmentation des coûts de production, concurrence du contenu gratuit en ligne: les mêmes causes invoquées par la plupart des groupes de presse dans le monde et ici. Annonces récentes:

La Presse – Rogers annonce des mises à pied.

Rogers Communications détient une varitété de magazines et publications  (Châtelaine, Loulou, l’Actualité, MacLean’s et publications industrielles). Une grande partie des propriétés du secteurs des communications provient de l’acquisition de MacLean Hunter, en 1994 (plus de 3 milliards de dollars).

CanWest Cuts 560 jobs Canada-wide.

CanWest is a newspaper publisher and broadcaster. Aquired Southam chain of newspapers in 2001 (among which The Gazette, Montréal’s English paper).  Elimination of 360 publishing jobs.

Quebecor begins layoffs at Sun Media

Sun Media, acquired from Osprey by Quebecor Media in 1999, has begun laying off 180 employees. ‘s newspapers include tabloids in Calgary, Edmonton, Toronto and Ottawa, the broadsheet London Free Press, six smaller dailies and dozens of weekly newspapers. Other source (Toronto Star) mentions 600 cuts.

Détroit:  en plus de l’automobile, la presse

Le Detroit News et le Detroit Free Press déclarent forfait. Perspective du blogue Newspaper Death Watch.

La presse dans la tempête: déjà un mort

La tempête frappe et c’est le début de l’hécatombe. The Perfect Storm (référence à un des thèmes discutés aux états généraux de la presse, en France, il y a quelques semaines).

Le New York Times hypothèque son siège social

Les perspectives n’étaient déjà pas très roses pour le New York Times, malgré des initiatives web, la grosse machine (et ses rotatives) continue de drainer ses ressources et de perdre du lectorat. Le célèbre journal hypothèque sa part de l’immeuble de 52 étages, oeuvre de l’architecte Renzo Piano, terminé l’an dernier.

Deux marges de crédit de 400 millions de dollars surchargées, des coûts d’opérations toujours aussi lourds et, surtout, des revenus publicitaires qui déclinent continuellement. Ceux-ci sont en grande partie composés des petites annonces que la clientèle, même parmi les plus conservateurs, délaisse pour les plateformes web spécialisées. Les grands annonceurs, qui composent l’autre partie des revenus publicitaires, sont devenus plus frileux ou vivent des difficultés  financières (automobile, finance).

Les annonceurs se sont tournés vers la publicité en ligne, mais celle-ci rapporte moins, la concurrence est forte et l’attention des lecteurs de plus en plus fragmentée et volatile.

Le groupe de presse Tribune Co. dépose son bilan

Le groupe Tribune, un des plus gros joueurs, propriétaire, entre autres, du Los Angeles Times et du Chicago Tribune, jette la serviette. Trop de dettes, chute de ses revenus publicitaires lors du 3e trimestre.

Sombre prévisions pour les médias qui dépendent de la pub

La presse sera la plus touchée des médias. Le New York Times rapporte le sujet chaud de la conférence annuelle sur les médias, pilotée par UBS (n’est ce pas le même groupe qui était en mauvaise posture financière ? Quand on se compare, on se console) fait sortir les prévisions des analystes.

Les chiffres sont désolants:

Spending for ads in newspapers next year will decline « by another 10 to 15 percent » from 2008, the Carat report said, as categories like real estate, retail and classified « all may see their newspaper spending drop by double digits. »(même source que précédemment).

…mais c’était à prévoir. Les observateurs des médias ont, depuis plusieurs années, soulignés l’urgence du renouvellement du modèle d’affaires et de la pratique du métier de journalisme.

As a result, Mr. Smith forecast a « cultural shift » in the newspaper industry, as local and regional papers adjust from 30 percent profit margins to 10 percent margins – « forever. »(idem)

Modèle d’affaires web pur

Le Huffington Post, reçoit un financement de 25 millions de dollars. Évaluée à 100 millions de dollars, la petite entreprises (46 employés) repose sur le journalisme de liens (link journalism) et les enquêtes. Elle n’a pas de dettes.  Le Post a débuté une version locale pour Chicago.

Autre modèle à l’essai: le financement par le public ou l’audience (crowfunding), expliqué de façon amusante par Alain Giraudo dans son blogue Chienecrase (ha ha) dédié aux médias et à la pratique du journalisme. Le cas Spot.us:

Bref des gens qui ont de l’imagination, il y en a. David Cohn par exemple. Voilà son idée: le journalisme est un process, pas un produit (tout le monde est d’accord?), mais ce process est consommateur de temps, le temps c’est de l’argent, donc il faut payer ceux qui réalisent ce process professionnellement (et jusque là tout le monde devrait encore être d’accord!). Or le journalisme est désormais participatif (là bien sûr j’entends des dents qui commencent à grincer) si bien qu’une façon de réaliser cette participation serait de donner la possibilité au public (on peut aussi dire les lecteurs potentiels) de financer la recherche et le traitement des informations qu’ils ont envie de lire. Et David Cohn de préciser que ce type de journalisme, catalogué comme « civique », n’a pas besoin de faire 30% de marges bénéficiaires.

Le modèle payant n’est pas mort

Dans Monday Note (point de vue de professionnels français de la presse, en fonction à l’étranger), un billet sur la résurgence du modèle payant.

Marché du livre – Google Books

Dans son récent rapport sur l’édition numérique, Bruno  Patino avait relevé la possible entrée des fournisseurs d’accès, surout les géants des télécommunications, dans la chaîne de l’édition à titre de distributeurs.

Sous ce même angle, il est intéressant de suivre l’accord que Google a conclu avec des éditeurs américains à la suite des poursuites engagées par la guilde des auteurs et l’association des éditeurs en regard du projet Google Books.

Olivier Ertzschied commente cette entente (Le marché du livre comme algorithme): « la candeur avec laquelle les éditeurs ont de facto délégué à Google la capacité de faire du marché du livre, « son » marché du livre. »

A Guide for the Perplexed: Libraries and the Google Library Project Settlement, document conjoint American Library Association et Association of Research Libraries donne le point de vue des bibliothèques.

Commentaire de Lawrence Lessig (professeur de droit et spécialiste des technologies de l’information, un Michael Geist américain) sur l’accord, On Google Book Search Agreement. Celui-ci relève la création d’un registre, administré par une organisation sans but lucratif et composée de représentants des auteurs et des éditeurs, assurerait le versement des redevances.

Des organisations ayant des missions similaires existent au Canada :

Le web 3.0 est-il le web sémantique ?

Après le web des données, aurons-nous bientôt le web du sens ? Une question de temps qui n’est pas si simple. Plusieurs gros joueurs se sont déjà lancés dans la course, en ce qui concerne les différentes technologies. Peu importe le nom de la prochaine vague, le web sémantique intéresse les publicitaires qui osnt réellement branchés.

Le web sémantique: une opportunité pour la publicité en ligne

Des opportunités pour les publicitaires, alors que même si la publicité en ligne gagne progressivement la faveur des annonceurs, ces derniers paient moins cher le CPM, surtout pour le simple affichage de bannière (rapport de Mary Meeker pour Morgan Stanley).

Un article dans Advertising Age relève les opportunités du web sémantique pour les publicitaires qui savent tirer parti des nouveaux usages du web:

Affichage contextuel

Afficher une publicité en fonction de mots clés permet de cibler les utilisateurs, mais mettre ces mots dans le contexte sémantique de l’utilisateur évite d’afficher n’importe quoi. Il suffit de jeter un coup d’oeil aux publicités Adsense de Google dans Gmail pour constater les étranges associations et les coups d’épée dans l’eau.

Mesure des médias sociaux

Les indicateurs de base (visites, pages vues, durée, etc.) ne donnent aucune information sur la qualité de l’audience et sur la teneur des conversations. L’émotion tient une place centrale dans les stratégies de marque. L’analyse sémantique permettrait aux publicitaires (et aux autres professionnels des communications) de mesurer la loyauté des utilisateurs (si enthousiasme = loyauté).

Hyperlocal – Sites d’informations locales

Le web et l’hyperlocal: nouvelle initiative dans le domaine de l’information et du journalisme.

Une station de radio communautaire et un journal de la rive sud de Montréal s’unissent pour offrir un site dédié aux informations locales, Media Sud.ca (avec l’accent).

Partenariat possible avec une institution d’enseignement collégial (Cégep Édouard Monpetit) qui offre un programme de formation sur le reportage et le documentaire.

Ceci rappelle l’initiative de The Gazette, avec le site de son édition locale pour l’ouest de l’île de Montréal (WestIslandGazette.com).

Référence également à l’expérience de Rob Curley, depuis son arrivée au journal Las Vegas Sun. Son blogue permet de suivre l’adaptation des salles de rédaction, papier et numérique, dans une petite entreprise de presse.

Les revues et le web – Une opportunité

L’avenir des revues culturelles repose sur un échange direct et bidirectionnel entre les revues et leurs communautés d’intérêt. Le Devoir du samedi 22 novembre, publie un cahier spécial consacré au domaine de l’édition. Plusieurs articles sont consacrés aux revues culturelles et aux 30 ans de la SODEP (Société de développement des périodiques culturels québecois).

Propos très intéressants et lucides d’Yves Beauregard (président de la SODEP).

M. Beauregard s’interroge sur les défis de l’édition des périodiques culturels et sur les usages du web.

Est-ce que chacun de nos périodiques devrait avoir sa copie électronique ?

D’abord, le site d’une revue ne devrait pas être la copie du numéro de la revue. Il serait une erreur de se limiter à reproduire la revue en version électronique. Celle-ci doit profiter des avantages qu’offre le web pour rejoindre des membres de sa communauté d’intérêt que la version imprimée ne rejoint pas. Un contenu électronique peut être mis à jour et commenté. On peut également y ajouter des liens vers des sources ou des informations pertinentes. On peut y insérer des liens vers des photographies, des documents audio et vidéo, des blogues. On peut attirer les contributions des acteurs et des témoins d’évènements culturels pour le bénéfice des lecteurs.

Ensuite, chaque revue doit avoir son espace sur le web, c’est essentiel pour que chaque communauté d’intérêt ait son espace et son identité propre, mais cela n’implique pas qu’il faille mettre en place une structure et des applications complexes. Les applications de bogue (Blogger, WordPress) présentent des fonctionnalités qui permettent de développer des micro sites. Ces applications sont très faciles à utiliser, ne nécessitent pas de programmation et sont gratuites (les versions entreprises permettent de gérer plusieurs blogues/microsites à la fois et ne coûtent pas 100 $).

Par contre, ces micro sites peuvent être fédérés sur un site comme celui de la SODEP. De plus, ceci contribue au référencement du contenu des sites des revues auprés des moteurs de recherche.

Devrait-on le (patrimoine culturel de nos périodiques) numériser et le rendre accessible ?

La numérisation des archives constitue une étape plus en aval des projets de publication numérique. Établir une présence forte, bien référencée sur le web et qui attire une communauté, est l’objectif principal à atteindre. Il sera ensuite pertinent l’analyser le contenu des archives et de s’interroger sur les modalités de son exploitation.

Les revues spécialisées, le web et les communautés d’intérêt

Le web n’est pas le concurrent de la version imprimée de la revue, mais un complément ou une extension. Il y a un marché pour l’objet imprimé et un pour le contenu numérique (ceci inclut les outils, applications et bases de données, offertes aux utilisateurs).

Une revue spécialisée s’adresse à une communauté d’intérêt :

  • Experts des secteurs académiques et professionnels;
  • Étudiants (futurs experts);
  • Amateurs (membres du public qui sont passionnés par le sujet et qui contribuent à la vie de la communauté d’intérêt en investissant de leur temps et efforts);
  • Public (membres du public qui sont intéressés par le sujet).

Les opportunités

Le site d’une revue permet de rejoindre cette communauté et d’établir des liens de communication directs.

Parce qu’il n’est pas limité dans le temps et dans l’espace, le site de la revue permet de constituer des thématiques et de les alimenter;

S’il est bien référencé, il peut être trouvé par des membres de la communauté d’intérêt qui ne connaissent pas la revue et en deviendraient des lecteurs;

S’il utilise efficacement les techniques de diffusion sur le web (flux RSS, réseaux sociaux, micro blogging), il peut diffuser son contenu à grande échelle sans frais;

S’il intègre progressivement et intelligemment les outils participatifs et collaboratifs, il peut s’enrichir du contenu généré par les utilisateurs;

Enfin, à l’aide de ces outils, il peut se tenir à l’écoute de la communauté et se positionner comme un lieu de référence et d’échanges pour celle-ci.

Édition numérique – Cours Économie du document

Réflexion sur les enjeux de l’édition numérique en regard du cours de Jean-Michel Salaün, Économie du document (École de Bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal).

À considérer pour l’analyse des modèle de revenu pour l’édition numérique

La publication numérique n’est pas un bien physique.

On refuse de payer pour un quelque chose d’aussi intangible que l’accès.

L’information est, de plus, souvent perçue comme jetable (aussitôt consultée, l’information perd sa valeur).

La publication imprimée ne disparaîtra pas

La publication imprimée est un bien physique.

On achète un livre parce que c’est un objet que l’on peut conserver, collectionner, prêter.

Le contenu est indissociable du médium et n’est pas affecté par les considérations technologiques telles que l’interopérabilité.

Questions

La génération des natifs du numérique posera avec encore plus de pression, des défis pour l’édition numérique. La génération qui n’a pas connu l’avant-web et qui, contrairement aux générations précédentes, surfe sur les changements, répugne à payer pour du jetable et de l’intangible. Par exemple:

  • Une infime proportion de titres de musique téléchargés par un ado sur des sites de partage il y a 3 mois est encore écoutée.
  • Par contre, ce même ado n’a pas hésité à acheter le numéro spécial d’une revue portant sur son groupe préféré et fera probablement l’acquisition d’un billet pour le spectacle du même groupe, et de son CD si celui-ci est un objet intéressant et contien des inédits.

Les consommateurs, et plus spécifiquement,  les natifs du numérique, perçcoivent-ils l’abonnement comme un engagement qui limiterait les opportunités ?

Quelle doit être l’offre des périodiques et journaux pour que celle-ci soit perçue comme ayant une valeur ?Valeur pour une communauté d’intérêt spécifique uniquement ? La longue traîne est -elle un modèle viable pour les petits éditeurs de périodiques ?

Conseil en information numérique