La peur de ce qu’on ne comprend pas

Le Devoir, sous la plume d’un de ses collaborateurs, publie une critique (?) de l’édition française du livre d’Andrew Keene, Le culte de l’amateur – Comment Internet tue notre culture.

Le web est apparemment le seul médium de communication où on trouve de la manipulation, de la désinformation, des mensonges et des rumeurs non fondées, de la paresse intellectuelle, des pirates d’œœuvres protégées et surtout, des individus qui sont les agents d’une entreprise de destruction de la culture (avec un grand C).

Le collaborateur du Devoir, qui signe la critique du livre, semble ignorer que tous ces apparents méfaits se manifestent régulièrement dans les médias traditionnels.  Et que M. Keene se sert de ces démonstrations beaucoup trop sensationnalistes pour être justes pour se faire l’avocat d’un plus grand contrôle du Web.

On cherche encore l’approche critique dans cet article qui ne contient que des extraits du livre et dont la conclusion dénote la position de son auteur :

Fidèle à la méthode d’argumentation américaine qui procède par une dynamique combinaison d’anecdotes et d’idées afin d’illustrer une thèse, l’ouvrage d’Andrew Keen nous met efficacement en garde contre «le chaos démocratisé du contenu autoproduit», qui risque de tuer le meilleur de notre culture au profit d’une insignifiante culture de soi.

Pourtant, lors de la parution de la version originale du livre (The Cult of the Amateur), un critique du New York Times, qui n’est pas un évangéliste du Web, avait une perception plus nuancée des propos de M. Keene.

This book, which grew out of a controversial essay published last year by The Weekly Standard, is a shrewdly argued jeremiad against the digerati effort to dethrone cultural and political gatekeepers and replace experts with the « wisdom of the crowd. » Although Mr. Keen wanders off his subject in the later chapters of the book – to deliver some generic, moralistic rants against Internet evils like online gambling and online pornography – he writes with acuity and passion about the consequences of a world in which the lines between fact and opinion, informed expertise and amateurish speculation are willfully blurred.

Pris à parti, comme bien d’autres personnalités du Web 2.0, Jimmy Wales, le fondateur de Wikipedia, a directement répondu à M. Keene en mettant à nu son manque d’objectivité intellectuelle.

Voir la vidéo du débat entre Jimmy Wales et Andrew Keene.

Il aurait été de bon aloi de faire une petite recherche (sur le Web) pour trouver un bon nombre des arguments de M. Keene réfutés, ainsi que des démonstrations que le Web n’est pas plus méchant que les autres médias.

Lobbying intense des médias auprès de Google

Extraits de Media Giants Want to Top Google Results. Publié dans Advertising Age, 23 mars 2009.

En novembre 2008, lors de la dernière rencontre, sur invitation seulement, des membres du Publishers Advisory Council de Google, les géants des médias se sont fait plus pressants :

« You should not have a system, » one content executive said, « where those who are essentially parasites off the true producers of content benefit disproportionately. »

Ils en ont contre les critères des algorithmes de Google, dont le fameux PageRank qui repose entre autres sur le nombre de liens que reçoit une page. Les médias réalisent enfin combien les principes d’optimisation de contenu et la connaissance pratique des usages des réseaux sociaux sont importants. En ces temps difficiles où les annonceurs en veulent réellement pour leur argent, apparaître dans la troisième page de résultats sur Google est devenu alarmant.

Nouvelle charge des médias en janvier dernier :

/…/ Martin Nisenholtz, New York Times Co. senior VP-digital operations, got up at the annual Online Publishers Association summit in Florida, an event closed to the press, to blast both the algorithm and the results presentation on the screen.

Mais c’est le 30 avril, à la prochaine rencontre privée du Publishers Advisory Council, de Google que les grands éditeurs prévoient agir de concert pour obtenir une réponse à leur demande (et un engagement clair):

They’re also beginning to cast around for new leverage. Publishers on both sides of the Atlantic are increasingly adopting the Automated Content Access Protocol, which intends to tell search engines what they can use and how. It’s focused on copyright, but widespread adoption might give publishers new clout with Google.

Voir commentaire critique d’Ars Technica, A Skeptical Look at The Automated Content Access Protocol, sur le procédé.

Les grands médias ne profitent-ils pas eux aussi des efforts des autres joueurs (blogueurs, nouveaux médias, communautés) plus audacieux qu’eux sur le web?

Christian Marclay et l’avenir du disque

Sérendipité: Christian Marclay et l’actualité

Visite, en famille, de l’expo Christian Marclay, REplay, à la Fondation DHC et série d’articles du Devoir sur la crise de l’industrie du disque. La vidéo Record Players, 1984, souligne la fragilité du support. Le processus de destruction rythmée des disques est, en soi, une création sonore.

Le disque de vinyle, ce support incongru, par sa fragilité et son mode d’utilisation, aux yeux de ma fille de 17 ans qui n’utilise plus que des fichiers mp3.

Série d’articles du Devoir (21 mars 2009) sur la crise de l’industrie de la musique au Québec.

ADISQ – Les rencontres (15 et 16 avril 2009)

On a l’impression que l’industrie de la musique commence enfin à comprendre le changement en marche depuis le début des années 2000 (Napster, Kazaa).

Rencontres québécoises de l’industrie de la musique, le grand rendez-vous annuel des professionnels du monde de l’enregistrement sonore, du spectacle et de la radio, au Québec. Avec la multiplication des services en ligne et des dispositifs de communication sans fil, la musique, toute la musique, est désormais accessible en tout temps, en tout lieu, avec une offre de plus en plus personnalisée aux goûts et préférences de l’utilisateur.

Les solutions proposées par l’industrie pour régler la crise sont principalement de nature juridique et financière (licence globale: facturer les fournisseurs d’accès Internet).

Aucune amorce de réflexion quant au modèle d’affaires, toujours basé sur le support physique. Que fera-t-on lorsque que la virtualisation (cloud computing) aura été massivement adoptée ?

Malgré les très nombreuses études et publications qui font l’analyse des changements qui frappent l’industrie de la musique, celle-ci semble ne s’intéresser qu’aux moyens de protéger ses revenus (ce qui est légitime, tout comme la protection du droit d’auteur). A-t-elle fait cas de ce qui a amené tant d’amateurs de musique à transgresser les lois ?

Ce que les plateformes d’échanges permettent (au delà de la gratuité de la copie):

Communautés d’intérêt (découvrir d’autres musiques avec ceux qui partagent les mêmes goûts que moi, et non me faire pousser un palmarès dicté par des impératifs de marketing ou par la moyenne des ours, soit  l’amalgame des préférences d’individus sans intérêts communs).

La possibilité d’écouter gratuitement un nombre illimité de titres juste pour la découverte. Ne pas regretter ses coups de tête du moment (combien de CD achetés pour une chanson à la mode, rendue kétaine le mois suivant ?).

Sélectionner un titre et ne pas être obligé de prendre tout l’album.

Le plus vaste catalogue d’œuvres (du plus commercial au plus petit bout de la queue de la longue traîne).

Pas de barrières géographiques. Quelque soit votre pays de résidence, le système n’utilisera pas le géopositionnement (adresse IP) pour vous interdire l’accès au contenu. Très utilisé pour la distribution de vidéos, notamment par iTunes, ce système encourage les internautes à se tourner vers les sites de téléchargement illégal alors qu’ils seraient prêts à payer pour une copie de bonne qualité.

Ce que les plateformes d’échanges n’offrent pas:

Des enregistrements de haute qualité (et complets).

Des métadonnées structurées et exactes (interprètes, auteurs, titre, titre alternatif, instruments, historique de publication, et pourquoi pas, les paroles en v.o. et leur traduction).

Réinventer le modèle

L’avenir de l’industrie de la musique passe par la réinvention du modèle d’affaires, qui ne peut plus être basé sur la distribution d’une galette de plastique. Un modèle qui doit faire une place importante au public (il serait temps de s’intéresser à la communautique, pas uniquement à Facebook, mais à l’appropriation des technologies et des médias de communication par les citoyens).

24 mars, journée Ada Lovelace

2009 marque les vingt ans du Web, dont le concept avait été présenté par Tim Berners Lee en mars 1989.

2009 est également l’année qui voit naître un mouvement pour la reconnaissance du premier programmeur… qui est en fait, une femme : Ada Lovelace, fille de Lord Byron, le poète et d’Annabella Milbanke, une mathématicienne.

Ada Lovelace était l’assistante de Charles Babbage, le concepteur d’une machine analytique, l’ancêtre mécanique de l’ordinateur. Elle a formulé la première description d’un ordinateur et d’un logiciel, en 1843.

Elle est morte dans l’oubli et ses travaux ont été remis au jour au XXe siècle, dans les années 70, avec l’avènement de l’informatique.

Pour AdaLovelaceDay09

La presse en acte de déni de la révolution appréhendée

…et ce n’est malheureusement pas le seul secteur d’activité à souffrir de ce problème.

Les modèles d’affaires basés sur des technologies et sur des modes de distribution dépassés par le Web (presses, galettes de plastiques, bobines de film) sont forcés au changement par l’adoption, et plus encore, par l’appropriation massive de nouvelles technologies. Les usages évoluent beaucoup plus rapidement que ces industries qui comptent pourtant parmi elles un bon nombre d’utilisateurs des nouvelles technologies.

Question: pourquoi ces industries persistent-elles à nager à contre-courant?

Réponse avancée par Clay Shirky, gourou du numérique dans son très long billet,  Newspapers and Thinking the Unthinkable.

When someone demands to know how we are going to replace newspapers, they are really demanding to be told that we are not living through a revolution. They are demanding to be told that old systems won’t break before new systems are in place. They are demanding to be told that ancient social bargains aren’t in peril, that core institutions will be spared, that new methods of spreading information will improve previous practice rather than upending it. They are demanding to be lied to.

There are fewer and fewer people who can convincingly tell such a lie.

Shriky mentionne que les révolutions technologiques comme celle de l’imprimerie surviennent si rapidement que les industries concernées ont peine à s’adapter. Le processus de changement et de renouvellement des modèles d’affaires requérant beaucoup de temps pour expérimenter de nouvelles voies.

Sa perspective sur la presse (fin possible) et sur le journalisme (Society doesn’t need newspapers. What we need is journalism.) a suscité de très nombreux commentaires.

Première réunion des milieux documentaires québécois

La révolution numérique qui transforme les pratiques et usages industriels, économiques et sociaux frappe également les spécialistes de la documentation et de l’information. À l’heure où on peut emprunter un livre en format numérique à la bibliothèque municipale et où la validation de l’information n’a jamais été aussi importante, le milieu de la documentation tente lui aussi de s’approprier cette nouvelle dimension.

Pour la première fois, 7 associations du domaine de la documentation seront réunies pour la tenue du premier congrès des milieux documentaires au Québec. Le congrès Investir le monde numérique aura lieu à Montréal, du 11 au 14 novembre 2009.

  • Association des bibliothécaires du Québec/Quebec Library Association (ABQLA);
  • Les Bibliothèques publiques du Québec (BPQ);
  • Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED);
  • Association pour la promotion des services documentaires scolaires (APSDS);
  • Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec (CBPQ);
  • Réseau BIBLIO du Québec;
  • Special Libraries Association, section de l’Est du Canada (SLA)

Nouveaux médias et désintermédiation

Le Web permet de s’auto-produire et de s’auto-distribuer facilement et, ainsi de réduire ou éliminer certains intermédiaires pour accéder de manière plus directe à un public. La désintermédiation, un changement dans la chaîne déjà amorcé dans l’industrie du disque,  se retrouve également dans les domaines de l’édition.

Déjà notée dans ce carnet, la désintermédiation est un des constats du rapport Patino sur le livre numérique (France).

Commentaire de  Jon Reed, auteur du blogue Publishing Talk (UK), sur les (possibles) nouveaux rôles des éditeurs, qu’il s’agisse de journaux, magazines ou livres.

The possibility of publishing increasingly becoming an activity done by authors rather than (or as well as) publishers is a very real one.

So will publishing as we know it become a service industry and provide production and marketing services to authors? Will it become a rights business? Will its value be in editorial judgment, gatekeeping and filtering? In providing a brand identity?

Imprimer facilement (surtout à moindre coût) un journal ou magazine. Printcasting, un projet financé par la fondation Knight (News Challenge) : Preserving the news and information function of local communities in a sustainable way, like creating a local printable newspaper.

Le journalisme à l’ère d’Internet – Documentaire

Florian Sauvageau et Jacques Godbout, l’un, journaliste et l’autre, réalisateur, bien connus du paysage médiatique québécois, ont réalisé un documentaire sur le journalisme à l’ère d’Internet.

Bruno Guglielminetti rapporte la nouvelle dans son carnet. Ayant eu l’occasion de visionner le documentaire, Derrière la Toile, le quatrième Pouvoir, M. Guglielminetti commente : »c’est probablement ce que j’ai vu de mieux depuis plusieurs années pour remettre en contexte le nouveau paysage de l’info, chez nous et ailleurs, et surtout, le remettre en perspective dans un contexte où les habitudes des citoyens sont également en mutation. »

M. Sauvageau rappelle un autre documentaire réalisé en 1978 avec Jacques Godbout, sur le journalisme : Derrière l’image (Office national du film).

Date de diffusion sur Radio-Canada non encore annoncée.

Et l’infrastructure technologique ?

Une lettre d’opinion de Jonathan Vianou, journaliste et ingénieur, dans Le Devoir, relève l’absence de mesures concernant l’infrastructure technologique dans le budget fédéral récemment présenté le gouverment de Stephen Harper.

Les programmes d’infrastructure qui y sont présentés sont créateurs d’emploi et essentiels au maintien des voies de transport, cependant, selon M. Vianou, il y a de quoi s’alarmer du manque d’intérêt pour le développement de l’économie numérique au Canada.

Dans l’économie du savoir, Internet haute vitesse doit être considéré comme essentiel, au même titre que la poste, le téléphone et la télévision. Or, le Canada perd progressivement son leadership à ce chapitre. Deuxième en 2002 parmi les 30 pays membres de l’OCDE, en termes d’abonnés à Internet haute vitesse, il récolte maintenant une 10e position. Pire, il se classe 27e pour son rapport qualité de vitesse et prix! Sans compter que la limite de téléchargement moyenne canadienne de 60 Go par mois est rapidement atteinte, comparativement à celle américaine, qui est de 250 Go.

Le Canada ne semble pas vouloir suivre les propositions de l’OCDE pour l’intégration de la cyberéconomie. De sa position de tête, en 2001, le Canada a rapidement perdu du terrain, tant pour la tarification que pour laqualité du service.

Chiffres pour le moins déconcertants publiés par  David Crane, un chroniqueur de la revue d’affaires BCBusiness dans son article From First to Worst:

Canada’s broadband prices are higher than 20 other countries in the Organization for Economic Co-operation and Development (OECD). In fact, Canadian prices are nearly 30 times as high as those in Japan, 12 times as high as in France, 11 times as high as in Sweden and just over 10 times as high as in Korea.

Canada also has one of the slowest average advertised broadband speeds, ranking 15th in the OECD. Compared with Canada, Japan’s downloading speeds are nearly 12 times as fast, France’s and Korea’s nearly six times as fast and Sweden’s three times as fast.

En milieu rural,  et surtout pour les régions éloignées des centres de services, l’accessibilité aux services par Internet constitue un facteur essentiel du développement économique et social.  Pourtant, l’accès Internet à haute vitesse n’est pas encore disponible sur tout le territoire du Québec, sur la Côte-Nord, en Gaspésie  et même dans certaines aglomérations de l’Estrie. Encore moins accessible sur l’ensemble du territoire canadien (env. 80% des communautés n’y ont pas accès).

Et pour ajouter à la somme des obstacles au développement de la nouvelle économie : la pratique de ralentissement délibéré du trafic (throttling), récemment autorisée par le CRTC,  par les géants des télécommunications.

Musique en ligne – Choruss, modèle proposé par Warner

Nouvelle forme de licence globale pour les universités américaines. Signalement provenant du service de veille d’un gros joueur de l’industrie de la musique. Ce n’est plus de la veille, c’est de la vieille (info).

En mars 2008, Warner a recruté Jim Griffin, gourou des modèles  pour la musique en ligne, pour piloter le projet récemment baptisé Choruss. Amusant, parce Jim Griffin siège au conseil des sages de la Electronic Frontier Foundation, orgnaisation qui a apporté son soutien à certaines individus poursuivis pour téléchargements illégaux par la RIAA.

Choruss, créé et piloté par Warner, est un projet qui réunit également deux autres gros joueurs de l’industrie du disque, EMI et Sony. Universal, le plus virulent des partisans du contrôle et de la punition,  n’a apparamment pas encore compris le modèle.

Jim Griffin a donc présenté aux plus prestigieuses universités (Cornell, Stanford, Coumbia, etc.) Choruss, son concept de licence collective. Il s’agit d’un concept de licence collective offerte, dans un premier temps, aux universités. Des frais mensuels seraient facturés aux étudiants par les université pour une licence globale de téléchargement.

Ce concept a également été présenté sur le site de la EFF: Collective Licensing of Music Files Sharing.

La présentation a été reprise sur quelques blogues. Warner a exprimé ses réserves sur certains blogues, mentionnant qu’il s’agissait du concept de M. Griffin et non d’une proposition du groupe Warner. Fuite contrôlée pour tester les eaux ? Probablement:  les commentaires n’ont pas tardé.

Entre autres critiques, celles de Rick Carnes, président de la Songwriters Guild of America:

The proposed Choruss music service appears to be an idea whose time has passed. While creators work hard to support cooperative business models that respect copyright and economic rights online, Choruss essentially waves a wand of legality over bandwidth-hogging file « sharing » programs without any of the accountability required of legitimate services like iTunes and Hulu.

Choruss seems to plan on extending this plan to ISPs if it is « successful » on college campuses. It is hard to see why any ISP would want to be the collection agent for Choruss when the legitimate music services could easily be wrapped into a broadband or other ISP offering.

While legitimate services offer all of the accounting resources and control necessary to run a successful business, Choruss is lost searching for spare change under the cushions in a house of cards.

Également le blogue New Music Business, qui se fait la voix des producteurs de musique adeptes des nouvelles technologies, pointe une des faiblesses du modèle proposé:

Choruss will/should fail because too many rights holders will not/should not sign on because payments are based on estimates rather than solid usage.

Conseil en information numérique