Archives de catégorie : Découvrabilité

Où et comment améliorer la découvrabilité de votre offre sur le Web.

Découvrabilité: mythes et réalité

Mise à jour 2019-05-24: ajout d’une question et sa référence, en conclusion.

La recherche du Graal de la découvrabilité, ce moyen qui accroîtra la «consommation» de nos produits culturels, peut-elle nous faire tomber dans le piège de la solution technologique qui nous fait oublier le problème ?

Solution simple et problématique complexe

Appelé « solutionnisme »  par l’historien des sciences Evgeny Morozov, c’est la proposition d’une solution technologique à un problème d’origine complexe. Ceci a pour effet d’escamoter les débats qui sont essentiels à la recherche de solutions pour le bien commun.

Moins de quatre ans se sont écoulés depuis le sommet qui a propulsé le terme « découvrabilité » jusque dans les hautes sphères décisionnelles, en culture. Depuis lors, des événements et programmes de financement de la culture ont intégré cette thématique ou certains de ces éléments les plus emblématiques, comme les métadonnées.

Je réalise, depuis quelques années, des ateliers sur la découvrabilité et les métadonnées, avec les Fonds Bell et Fonds indépendant de production. Une collaboration avec Marie-Ève Berlinger apporte à ma démarche exploratoire la dimension stratégique de la promotion numérique. C’est dans ce contexte que nous avions échangé sur les mythes de la découvrabilité, au cours du Forum avantage numérique.

Voici quelques constats qui se rapportent aux mythes qui sont spécifiques à la production de métadonnées pour les moteurs de recherche.

La découvrabilité n’est pas une finalité

La finalité d’un plan de découvrabilité est le fruit d’une réflexion stratégique. Celui-ci fournit les questions, le contexte et le cadre sans lesquels la découvrabilité n’aurait pas d’autre objectif que de fournir des données à un moteur de recherche. Ce sont les activités de marketing et de promotion qui produisent des résultats mesurables.

L’exploitation des métadonnées par les moteurs de recherche n’est qu’un des piliers de la découvrabilité. Cette approche a été illustrée dansle cadre d’un projet auquel je collabore, avec Véronique Marino et Andrée Harvey (La Cogency).

Illustration des 4 piliers de la découvrabilité, par LaCogency
Illustration tirée d’un projet de découvrabilité numérique de LaCogency.

Il est surprenant de constater que la stratégie et les moyens techniques ne sont pas intimement intégrés dans des projets numériques. Il y a une importante mise à jour des connaissances conceptuelles et techniques à opérer au sein des agences qui conseillent et accompagnent les organismes et entreprises.

La réponse n’est pas une page web

La fiche d’information qui constitue la réponse du moteur de recherche (à la droite de la liste de résultats) n’a pas pour objectif de diriger l’utilisateur vers une page web spécifique. Elle rassemble différents éléments d’information afin de fournir la réponse la plus précise possible. Il faut donc sortir de la logique de la liste de résultats et ne pas penser l’usage des métadonnées en fonction d’une destination.

Les liens entre les éléments d’information qui composent la fiche de réponse construisent des parcours qui orientent la recherche de l’utilisateur, sans nécessairement aboutir sur un site web. Par exemple, chercher une oeuvre de VanGogh, comme la Nuit étoilée, permet de mesurer la distance et les clics qui nous séparent du site web du Museum of Modern Art.

Ceci accroît la collecte des données d’usage qui permettent d’analyser l’intention, le comportement et la consommation de l’utilisateur. Plus les fonctions et choix offerts sont utiles, plus l’utilisateur demeure dans l’interface du moteur de recherche. Les agrégateurs d’information, qui font face à la désintermédiation de leur services, constateront probablement une diminution progressive du volume de données qui sont collectées sur leurs pages.

L’effet des métadonnées est dans la durée

Les résultats de l’utilisation de métadonnées pour décrire des contenus ne sont pas mesurables, au sens strict.

La qualité de l’encodage des métadonnées peut être validée, mais l’outil de test ne peut juger la logique de la description (interprétation des balises uniquement). Une validation que peu de producteurs de métadonnées semblent se donner la peine de faire. Il est également possible d’attribuer un indice de découvrabilité à  une information en fonction de critères spécifiques.

L’effet des métadonnées peut être observé sur un temps long. L’enrichissement progressif de la fiche de réponse illustre le potentiel qu’a une offre d’être liée par le moteur de recherche à d’autres informations. Il n’est pas possible de fournir des résulats immédiats et quantifiables, de façon similaire aux stratégies de référencement organique et payant de pages web.

Schema.org n’est pas le moteur de recherche

Schema est un vocabulaire commun de métadonnées qui a été développé pour les moteurs de recherche. Google recommande l’intégration des métadonnées sous forme de balises dans le code HTML d’une page afin de décrire l’offre qui y est présente. Cependant, les règles de l’algorithme évoluent au fil des expérimentations du moteur de recherche. Les métadonnées Schema qui étaient recommandées pour décrire des offres de type Movie, TVSeries et Music existent toujours. Cependant, Google n’en recommande plus l’usage et invite les entreprises concernées à faire une demande pour devenir des partenaires médias. Jusqu’où, alors, faut-il investir pour indexer une offre si le fonctionnement de l’algorithme et l’évolution du moteur de recherche nous sont inconnus ?

Une réflexion stratégique est nécessaire pour répondre à cette question. Deux avenues s’ouvrent:

1. Rendre des offres interprétables pour les moteurs de recherche (indexation) et appuyer la stratégie de référencement du site

  • Fournir uniquement les métadonnées Schema qui sont obligatoirement requises par le moteur de recherche. Ceci fait partie des bonnes pratiques du développement de sites web.
  • Tout comme pour le référencement, il est important d’assurer une veille sur l’évolution des fonctions analytiques et techniques des moteurs de recherche.

2. Valoriser les éléments d’un catalogue ou d’une collection en produisant un graphe de données liées

  • Fournir des métadonnées très riches selon le vocabulaire Schema.
  • Prévoir un important travail de modélisation (de préférence, par une personne compétente) afin de mettre en valeur des attributs et des liens, en travaillant sur les propriétés et les niveaux hiérarchiques.

Enjeux d’importance pour une stratégie numérique:

  • Aucun résultat garanti sur le traitement des métadonnées par le moteur de recherche. Ceci ne doit donc pas être l’unique objectif d’un tel projet.
  • Vocabulaire et modèle de représentation uniques: uniformisation de la représentation répondant aux objectifs d’affaires des moteurs de recherche.

Précision 2019-05-25: ce billet concerne uniquement le langage de balisage pour moteurs de recherche (métadonnées Schema) et non la représentation des connaissances avec les standards du web sémantique.

Pas de solution, mais quelques questions

L’uniformisation des modèles descriptifs est-elle un risque pour la diversité culturelle ?

La problématique de la «consommation culturelle» ne devrait-elle pas être abordée dans les deux sens ? En orientant nos projets sur la promotion,  nous oublions la relation au public et l’analyse de ce qui rend une oeuvre de création attractive. Ce rapport sur les pratiques culturelles numériques et plateformes participatives, piloté par la chercheuse Nathalie Casemajor, contient des pistes de réflexion à ne pas négliger, dont cellec-ci:

Les efforts de découvrabilité ne suffisent pas à eux seuls à créer l’appétence culturelle, et l’analyse des données consommatoires et comportementales n’est pas la panacée pour agir sur le développement des goûts et des dispositions culturelles en amont.

Nous devrions nous donner des moyens pour définir les modalités et conditions de la découvrabilité que nous souhaitons. Celles-ce se trouvent quelque part, entre le monde vu par une entreprise et celui que nous voyons au travers du prisme de nos cultures et sensibilités, d’une part,  et, d’autre part, entre lier des données pour un objectif de marketing et faire du lien social autour d’objectifs communs.

Données ouvertes et liées: le web comme base de données

Les données ouvertes et liées (linked open data) sont au cœur des grands projets numériques en culture et leur potentiel va bien au-delà de l’amélioration de la découvrabilité de contenus.

Un web plus intelligent

En 2001,  une décennie après avoir inventé une façon de partager des documents en réseau  (World Wide Web), Tim Berners-Lee propose de renforcer cet espace de collaboration en rendant des données plus facilement utilisables et interprétables par des machines.  Il décrit, dans un article, les objectifs et éléments du web sémantique.  Selon cette extension du web, des données qui sont structurées (par exemple, les métadonnées d’un catalogue de films) peuvent être partagées et réutilisées, indépendamment des enjeux d’interopérabilité technologiques, systémiques et même linguistiques.  D’abord, une mise en contexte sur cette évolution du web qui est également appelée « web de données ».

De stockage centralisé à diffusion décentralisée

La base de données n’est pas conçue pour être interopérable avec toutes les autres bases de données. C’est un mode de gestion centralisée qui date d’avant le web, ses standards et la décentralisation de l’information.  Chaque base de données a une structure et des identifiants qui lui sont spécifiques. De plus, les relations entre les données sont induites, c’est à dire qu’elles ne sont pas exprimées sous forme de données mais par la structure de la base.  Emmagasinées dans une base de données, elle sont donc inaccessibles et difficilement interprétables par des logiciels.  C’est pourquoi, pour que ces données puissent être réutilisées et reliées entre elles, il faut qu’elles soient ouvertes et liées.

Données ouvertes  pour être accessibles

La plupart des données ouvertes qui sont à notre disposition, au Québec et au Canada,  sont disponibles selon des licences qui spécifient les conditions de leur réutilisation. Cependant, celles-ci se trouvent dans des silos qui freinent leur exploitation. Il n’y a pas de structure, de métadonnées et de formats communs entre les jeux de données. Il est donc impossible, pour un agent automatisé, comme une application de recherche, de trouver, parmi les fichiers, les données qui fournissent l’information recherchée.  Il convient alors de les publier « dans le web » sous forme de données liées pour ne pas laisser d’autres sources d’information ou d’autres contenus culturels répondre aux intentions des internautes.

Données ouvertes et liées pour être référencées dans le web

Des données liées sont des données qui sont intelligibles dans un format compréhensible par des machines.  De manière similaire à une page web, on publie une donnée dans le web en lui donnant une adresse ou URI (Uniform Resource Identifier) selon le même protocole de transmission (HTTP). Grâce aux URI qui les identifient, les données ouvertes sont référencées sur le web.  À l’aide des ressources qui sont décrites par les URI, le web sémantique « met en place deux notions très importantes, soit (1) référer à des concepts (et non pas du texte) et (2) faire des liens entre ces concepts. »  Cette distinction entre les recherches navigationnelle (mots clés) et informationnelle (concepts) se trouve dans une très éclairante initiation au web sémantique rédigée par Caroline Barrière, chercheuse en traitement automatique des langues.

C’est en faisant des liens vers ces ressources , à partir de nos propres données, qui sont elles-mêmes sous forme d’URI, que nous créons des réseaux de données. Ces réseaux permettent à notre culture d’être référencée, trouvée et réutilisée.  En voici un exemple:

Croiser Robert Lepage, François Dompierre et Dominique Michel à la Bibliothèque nationale de France

La mise « dans le web » des données de la Bibliothèque nationale de France a débuté en 2011. C’est un des projets de données ouvertes et liées qui sont soutenus par l’État français, conformément à la Feuille de route stratégique sur les métadonnées culturelles.

Auteurs liées à Laurie Anderson dans data.bnf.fr, les données ouvertes et liées des collections de la Bibliothèque nationale de France.
Auteurs liées à Laurie Anderson dans data.bnf.fr, les données ouvertes et liées des collections de la Bibliothèque nationale de France.

La version web sémantique de la Bibliothèque nationale de France fournit de l’information beaucoup plus utile qu’une liste de documents correspondant aux mots recherchés: un nouveau mode d’accès à la connaissance. Grâce à ses données ouvertes et liées, la BnF rend visible les relations entre des ressources, des personnes et des activités.

C’est ainsi  qu’une recherche sur la compositrice et plasticienne Laurie Anderson nous fait naviguer de la musique au cinéma, en passant par les arts de la scène. En suivant les liens des contributions communes avec d’autres auteurs, on croise Yves Jacques et Robert Lepage (La face cachée de la lune). Et chez Robert Lepage, on peut voir les liens pointant vers les oeuvres qui ont influencé sa création, croiser Denys Arcand et jeter un coup sur une partie de sa filmographie pour découvrir les oeuvres du compositeur François Dompierre et une partie de la carrière de l’actrice Dominique Michel.

Dommage qu’il y ait si peu d’images libres de droits pour mieux représenter les personnes et les créations qui font notre culture. Il faudrait prendre l’habitude de contribuer à Wikimedia Commons, la base de données multimédia à laquelle s’alimentent des projets comme celui de BnF.

Connaissance augmentée et distribuée

Nous pouvons accroître la découvrabilité de notre culture de façon pérenne et innovante. Il est également possible d’étendre la connaissance que nous avons de nos propres ressources en liant nos données entre elles. Nous pourrions alors l’enrichir par des liens vers d’autres sources de données ouvertes et liées qui contiennent de l’information à propos de notre culture et de notre patrimoine, comme BnF, Digital Public Library of  America, MusicBrainz ou VIAF.

Ce ne sont pas les moyens qui manquent pour commencer à expérimenter de nouvelles manières de valoriser des données culturelles.  Un de ces moyens est, par exemple,  le téléversement des données dans Wikidata.

Mais, face à la complexité des enjeux techniques des métadonnées (pour preuve: cette typologie des métadonnées pour le patrimoine culturel), il manque une vision d’ensemble des parcours possibles.  Pour cela, il faut rassembler les compétences informationnelles et technologiques nécessaires pour aider des organismes ou des initiatives collectives à faire des choix afin de démarrer des projets rapidement.

Pourrait-on rêver d’un regroupement interdisciplinaire sur les données ouvertes et liées pour accompagner les démarches et projets dans le secteur culturel ?

Données liées et recommandation

I want AI-driven products to come with questions, suggestions or answers I wouldn’t have thought of.

Design Principles for AI-driven UX, Joël Van Bodegraven

Vers le métaweb. Matrice du niveau de connectivité sociale et informationnelle de Nova Spivack

Le web sémantique est cette évolution du web dont une des formes est l’utilisation d’un modèles de données structurées par des moteurs de recherche comme Google. Faire des relations sémantiques entre des données, à l’aide de métadonnées, facilite le raisonnement automatisé sur des inférences. Le web sémantique favorise la découvrabilité, mais permet surtout de repousser les limites que sont nos modèles de pensée et nos systèmes actuels.

Il est essentiel d’améliorer nos systèmes d’information et nos processus et d’adopter les meilleures pratiques du web des données  (diapos à visionner absolument) pour produire des données facilement exploitables.

Données structurées, données ouvertes et liées: est-ce la même chose ?

Données structurées et données ouvertes et liées sont des expressions dont l’usage indifférencié peut nuire à la prise de décisions qui ont une grande importance pour la réussite d’un projet dans le domaine culturel. Par données structurées , on fait ici référence à la technique d’indexation préconisée par Google (structured data). Ces expressions désignent deux manières différentes de travailler dans le web des données. Ce billet concerne les modèles de données et outils proposés afin de documenter des ressources pour les moteurs de recherche.

Un autre billet abordera les avantages spécifiques des données ouvertes et liées.

Guide des données structurées de Google pour documenter des livres.
Guide des données structurées de Google pour documenter des livres.

Google et le web sémantique

En 2013, Google effectue un des plus importants changements sur son algorithme de recherche en plus d’une décennie.

Baptisée Hummingbird , la nouvelle mouture s’appuie sur le sens et le contexte plutôt que sur la pondération de mots clés. Elle fait également appel à un savoir encyclopédique qui est organisé comme un graphe de connaissances et qui est constitué en grande partie à partir de Freebase, une base de données structurées collaborative, acquise par Google. Cette masse de données, appelée Knowledge Graph, permet de à l’algorithme de classer l’information et, de ce fait, de savoir à quelles autres informations elle est liée. C’est une logique similaire à celle de Wikipédia, où chaque article comporte plusieurs liens internes et externes.

La nouvelle version de l’algorithme peut donc effectuer des recherches en mode « conversationnel » (Où faire réparer mon téléphone?) et, surtout, améliorer les résultats de recherche grâce aux concepts du web sémantique: des métadonnées qui donnent le sens des données et qui permettent de faire des liens qui produisent de l’information. En comprenant le sens et le contexte de la demande, il devient possible, pour le moteur de recherche, de mieux interpréter l’intention de l’individu qui la transmet.

De la liste de pages web aux résultats enrichis

Depuis, la recherche de (méta)données qui font du sens prend progressivement le pas sur la recherche de mots clés. C’est une transition que l’on peut très facilement constater sur nos écrans mobiles. Nous passons donc d’une liste de pages qui comportent les mots clés recherchés à une agrégation d’informations qui résulte de liens entre des données structurées.

Il y a toujours une recherche de pages, mais ce sont les données qui décrivent des « ressources » (personnes, choses, concepts) qui sont désormais importantes. Au web documentaire, celui où l’information est présentée métaphoriquement en pages, s’ajoute le web des données, celui où toute connaissance est de la donnée qui peut être collectée et traitée par des machines. Celles des moteurs de recherche et celles de toute entité qui souhaite s’en servir pour développer un service ou un produit qui aurait de la valeur.

Schema: représentation pour moteurs de recherche

Les données structurées sont exprimées selon un modèle de métadonnées qui a été conçu par un regroupement de moteurs de recherche (Google, Bing, Yahoo! et le russe, Yandex). Ces données sont publiées dans le code HTML des pages où sont présentées les ressources qu’elles décrivent. Ces données sont publiques, mais pas ouvertes. Mais ce sont cependant des données liées puisque le modèle Schema permet de produire des triplets (symphonie pour un homme seul (sujet) – est de type (prédicat)- électroacoustique (objet)). Quelques exemples sont présentés dans un billet précédent l’usage de données structurées par Google. Le rôle des données structurées et des liens vers Wikipédia est expliqué plus en détail dans un guide sur la documentation des contenus produit pour le Fonds indépendant de production, avec la collaboration de TV5.ca et l’appui de la SODEC.

Apprendre à documenter: une étape nécessaire

Alors, documenter une ressource à l’aide de données structurées, en intégrant celles-ci dans la page web de la ressource, est-ce « travailler pour Google » ?

Oui, bien sûr. Mais, ce n’est qu’un premier pas dans l’apprentissage pratique du rôle clé des données dans une économie numérique. Mais s’en tenir à cette étape, c’est conformer notre représentation de la culture à un modèle de représentation et à des impératifs d’affaires qui sont hors de notre contrôle et qui ne répondent à des impératifs économiques qui avantagent la plateforme.

Ne pas dépendre d’entreprises qui se placent au-dessus des lois et des États est un des enjeux qui motivent des gouvernements et des institutions à soutenir, par des politiques et des programmes de financement, des projets basés sur les principes et les technologies du web sémantique qu’ils peuvent contrôler. Nous verrons, dans un prochain billet, les opportunités qu’offrent ces technologies pour l’innovation et la promotion de la culture.

Trois enjeux communs pour les métadonnées en culture

Les métadonnées, en culture, servent à décrire des choses pour les rendre repérables et à faire des liens d’association entre des éléments d’information pour générer de nouvelles connaissances. Voici trois enjeux pour la création de métadonnées culturelles qui devraient être abordés de façon prioritaire, au sein des organismes, institutions, entreprises et regroupements associatifs.

Feuille de route pour la création de métadonnées culturelles, représentée par une carte avec itinéraire.

1. Mise à niveau de nos systèmes d’information

La problématique des métadonnées en culture origine de la conception des systèmes d’information. La source de la plupart des problème se situe en amont des processus de gestion de l’information, soit lors de la saisie des données dans un un système ou un logiciel qui n’a pas été conçu pour générer des métadonnées interopérables. Il est également plus facile  de convaincre des gestionnaires d’investir dans  un nouveau site web que dans un modèle de métadonnées  normalisées et interopérables pour lequel il est difficile de fixer des indicateurs de rendement.

Qualité des données

Plus de 60% du temps de travail des experts  des données est consacré au nettoyage  et à l’organisation des données. Il est possible de produire des données qui soient exploitables, plus facilement et à moindre coût, en  mettant en application des principes de qualité inspirés, par exemple, de ceux qui guident la production de données ouvertes et liées pour l’Union européenne.

De la base de données au web de données

Au web des documents, s’est ajouté celui des données. Nous nous éveillons lentement à des modes de représentation et d’exploitation de l’information qui ne font plus référence à des pages, mais à des connaissances et à des ressources.

Dans le web, un contenu c’est de la donnée. Si les pages web s’adressant à des humains demeurent toujours utiles, ce sont les données décrivant des ressources (modèle Schema ou triplets du web sémantique) qui permettent à certaines technologies de classer et de relier l’information obtenue afin de nous fournir des réponses et, surtout, des suggestions.

Indexation de contenu et normalisation de données

Bien que des termes comme « métadonnées » et, même « web sémantique », se retrouvent désormais au programme de nombreux événements professionnels, au Québec et au Canada, trop rares sont les initiatives et projets où il est fait appel à  des équipes pluridisciplinaires comme cela se fait au sein de gouvernements, d’institutions ou d’initiatives collectives, en Europe et aux États-Unis.

Est-il possible de réaliser des projets d’une complexité et d’une envergure que l’on peine à mesurer en dehors du cadre habituel d’un projet de développement technologique ?  On peut en douter. Nous manquons de compétences en ce qui concerne la représentation de l’information sous  forme de données liées, ainsi que sur les principes et méthodes de la documentation de ressources.  Comment pourrions-nous, alors, atteindre des objectifs qui permettraient de tirer tous les avantages possibles des données qui décrivent nos contenus culturels ?

Plus concrètement, comment pourrions-nous entreprendre les démarches nécessaires à la réalisation  d’objectifs similaires à ceux du projet DOREMUS  qui  réunit Radio France, Philharmonie de Paris et Bibliothèque nationale de France ?

«Permettre aux institutions culturelles, aux éditeurs
et distributeurs, aux communautés de passionnés
de disposer :

  • de modèles de connaissance communs (ontologies)
  • de référentiels partagés et multilingues
  • de méthodes pour publier, partager, connecter, contextualiser, enrichir les catalogues d’œuvres et d’événements musicaux dans le web de données

Construire et valider les outils pédagogiques qui permettront le déploiement des standards, référentiels et technologies dans les institutions culturelles

Construire un outil d’assistance à la sélection d’œuvres
musicales.»

Il serait temps de moderniser les programmes  de formation  universitaire en bibliothéconomie et sciences de l’information et en technologies de l’information et d’encourager des intersections. Sans quoi, nous ne disposerons pas suffisamment de ressources compétentes pour passer du web des documents au web des données.

2. Décentralisation de la production de métadonnées

La centralisation de la production de métadonnées est contraire à la culture numérique car elle favorise généralement les perspectives et besoins d’une entité ou d’acteurs majoritaires. Les initiatives qui présentent le plus grand potentiel pour le développement de compétences  en matière de  production et réutilisation de données sont celles où les organismes sont appelés à participer activement à l’élaboration de leurs modèles de données, aux décisions en ce qui a trait à l’utilisation des données et à la conception de produits ou services. C’est par la pratique que les gestionnaires et entrepreneurs sont sensibilisés à l’utilité et à la valeur des données qu’ils produisent et qu’ils collectent.

Comme le signale Fred Cavazza, dans un récent billet, il nous faut réduire la dette numérique avant d’entreprendre une véritable  transformation:

«Nommer un CDO, créer un incubateur, organiser un hackathon ou nouer un partenariat avec Google ou IBM ne vous aidera pas à vous transformer, au contraire, cela ne fera que reporter l’échéance. Il est donc essentiel de réduire la distance au numérique pour chaque collaborateur, et pas seulement les plus jeunes ou ceux qui sont directement impliqués dans un projet.»

À ce titre, externaliser l’indexation des ressources culturelles (production de métadonnées) ne saurait être considéré comme un choix stratégique dans une économie numérique puisqu’il éloigne les acteurs du traitement des données et les confine à des rôles de clients ou d’utilisateurs, sans opportunités d’apprentissage pratique. En effet, se pencher  sur l’amélioration  et la valorisation de données descriptives et de données d’usage est le meilleur moyen de développer une culture de la donnée et d’acquérir les connaissances qui permettent de transformer des pratiques et de se réinventer. En plus de responsabiliser les organismes et entreprises et d’assurer la découvrabilité numérique de leurs ressources,  la décentralisation de la production de métadonnées renforce la résilience de l’écosystème; chacun des acteurs devenant un foyer potentiel de partage de connaissances et d’expérience.

3. Reconnaissance de la diversité des modèles de représentation

La centralisation de la production de métadonnées ne favorise pas la diversité des modèles de représentation et, plus spécifiquement, une réflexion post-colonialiste sur la description de productions culturelles et œuvres d’art, comme le lieu de fabrication ou la nationalité ou l’ethnie.  Une démarche centralisée conduit à adopter un  seul modèle de représentation des ressources, au détriment de la diversité des missions, des cultures,  et des pratiques. Dans le domaine du patrimoine culturel, par exemple, il existe près d’une centaine de modèles de description différents. Tous ne conviennent pas à la production de données ouvertes et liées, mais il demeure que cette diversité des modèles est essentielle car elle répond à des besoins et contextes d’utilisation spécifiques.

C’est dans le même esprit, qui a permis au web de devenir ce qu’il est (voir « small pieces loosely joined » de David Weinberger, un des penseurs du web), qu’il faut s’entendre sur des principes  et des éléments permettant de faire des relations entre différents modèles de métadonnées.  Cette démarche comporte des enjeux de nature conceptuelle, technologique, voire même économiques et de politiques publiques. Face à un tel niveau de complexité,  nous ne devrions pas tarder à rassembler, autour de ces enjeux, des spécialistes  du développement d’ontologies et des questions d’interopérabilité des métadonnées.

*

Ce ne sont pas de nouveaux portails, plateformes et applications qui nous permettront de ne pas dépendre totalement d’entreprises se plaçant au-dessus des états eux-mêmes. Une « solution technologique » aussi extraordinaire soit-t-elle, ne remplace pas une vision et des stratégies. Surtout lorsque les modèles économiques, dont nous tentons d’imiter les interfaces sans en maîtriser le fonctionnement, reposent sur l’exploitation de données par des algorithmes et des technologies d’intelligence artificielle.

Découvrabilité et métadonnées: nous sommes nuls en documentation de contenu

La documentation des contenus devient un enjeu prioritaire quand des moteurs de recherche deviennent moteurs de réponses et de suggestions. Surtout dans le domaine des arts et de la culture.  Curieusement,  nombreuses sont les initiatives qui font dans le dilettantisme en matière d’information numérisée. Car le problème est bien d’ordre documentaire.  Petite mise en perspective à la lumière de l’actualité.

Comment nettoyer les écuries d'Augias par Christian Fauré
Comment nettoyer les écuries d’Augias, par Christian Fauré (via Gautier Poupeau, lespetitescases.net)

« From search to suggest» (Eric Schmidt, Google)

Les ventes d’enceintes acoustiques intelligentes (smart speakers) dépassent celles d’autres équipements électroniques  comme les casques de réalité  virtuelle ou les vêtements  connectés. Les grandes plateformes et leurs partenaires (de nombreux manufacturiers d’enceintes acoustiques) se livrent à une concurrence effrénée, enchaînant les itérations afin de lancer et tester de nouveaux modèles.

/…/ smart speakers have become the fastest growing consumer technology in recent times, surpassing market share gains of AR, VR and even wearables.
Smart speakers are now the fastest-growing consumer technology

Depuis peu, certains constatent que ce sont des applications et des algorithmes qui nous pointent ce que nous devrions voir ou écouter.

/…/ how consumer power can meaningfully express itself within the “Suggest” paradigm, if consumer power will continue to exist at all. If the Amazon Echo, Google Home, or whatever else that comes down the pike becomes the primary way of consuming podcasts, the radio, or music, what does the user pathway of selecting what to listen look like? How are those user journeys structured, how can they be designed to push you in certain ways? (The “Power of the Default,” by the way, is a very real thing.) How would discovery work? Which is to say, how does the market look like? Where and how does the consumer make choices? What would choice even mean?
If podcasts and radio move to smart speakers, who will be directing us what to listen to?

C’est un constat que partagent plusieurs observateurs des changements qui sont à l’oeuvre dans le web , notamment chez ceux dont la puissance s’est établie sur l’indexation et le classement de l’information. Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France, est l’un de ces observateurs.

Dans tous les cas, la problématique des assistants vocaux est de passer d’un monde où on pouvait faire des recherches mises en ordre par des algorithmes, nous laissant le choix de cliquer sur le résultat de notre choix, à un monde dans lequel les besoins seront anticipés avec la proposition d’une réponse unique. Il faut donc que lorsque nous avons la bonne réponse, nous puissions être trouvés et écoutés au bon moment. C’est très compliqué, c’est nouveau pour tout le monde. Les radios ont un atout : elles partent avec un temps d’avance puisqu’elles ont une matière première. Par contre, ça ne veut pas dire que ce sera automatique. Il y aura des challenges, notamment pour réussir à être des réponses pour ces assistants vocaux.
La radio en 2018 vue par Laurent Frisch

Penser/Classer (George Perec)

Nous avons un problème: nous avons abandonné l’indexation et le classement de nos ressources à des bases de données qui ne sont pas conçues pour être interopérables avec d’autres systèmes et à des spécialistes des technologies qui n’ont ni les compétences en documentation, ni les connaissances du domaine (ontologies, taxonomie).

Nous avons cessé d’investir temps et ressources dans la documentation de nos contenus lorsque la micro informatique est entrée dans nos organisations. Nous nous sommes fiés à des structures proposées par des programmeurs guidés par leurs propres objectifs et compréhension pour créer des métadonnées et des systèmes de classement. Ces systèmes nous interdisent toute visibilité sur nos contenus, collections et répertoires et toute possibilité de lier nos données aux autres données mondiales afin que nos contenus demeurent pertinents et génèrent de  la connaissance.

Les enjeux de la découvrabilité, les métadonnées propriétaires et non standards,  ainsi que la faible qualité des données sont avant tout un problème documentaire du à l’ignorance ou au rejet de méthodes et normes qui, pourtant, existent et évoluent. Ce problème ne pourra être  résolu que si nos stratégies numériques, ainsi que nos institutions d’enseignement,  passent d’une vision technocentriste à une vision systémique du numérique.  Concrètement, cela implique l’ajout de la littératie de l’information (de quoi est faite l’information numérisée et comment circule-t-elle) aux programmes de formation, l’adoption de normes pour l’acquisition et le développement d’applications et l’inclusion des compétences en sciences de l’information à toute démarche autour des données.

Comme l’a si clairement expliqué Fabienne Cabado , directrice générale du Regroupement québécois de la danse, dans un récent billet, c’est notre modèle de pensée et nos réflexes qu’il faut changer.

/…/le virage numérique ne consiste pas à numériser nos archives ni à produire les plateformes les plus grandioses, mais plutôt à transformer nos manières de regarder le monde, de le penser, de le construire et d’y évoluer. Ils l’ont dit et répété: l’innovation réside avant tout dans l’adoption d’une pensée systémique.
Perspectives numériques

En attendant  que nos leaders prennent la mesure du problème et apprennent à se servir d’autres solutions que celles auxquelles ils sont habitués, il est encourageant de constater le cheminement des idées et leur assimilation par les têtes pensantes du secteur culturel.

Découvrabilité : quand les écrans ne sont plus nécessaires 

Présentation donnée lors de la clinique d’information du Fonds Bell, le 17 octobre 2017, à la Cinémathèque (Montréal).

Mise à jour (16 février 2018):  Cette présentation accompagnait le lancement du guide Êtes-vous repérables ? Guide pratique pour documenter vos contenus , réalisé pour le Fonds indépendant de production, avec la collaboration de TV5.ca et l’appui de la SODEC .

La découvrabilité qui devrait intéresser plus particulièrement tout créateur et producteur de contenus résulte de la présence, dans le web, de données descriptives qui sont intelligibles et manipulables par des machines. Il ne s’agit pas de campagnes de promotion, ni de référencement de pages web, mais de la documentation de  contenus (textes, images, vidéo, enregistrements sonores et toutes autres types de ressources).  Ces trois types d’activité visent des objectifs spécifiques et complémentaires.

Les changements qui affectent la visibilité et la découvrabilité

La plus grande proportion du trafic sur le web est portée par les petits écrans mobiles.

Graphique: le trafic web est porté par les écrans mobiles

Liens utiles:
Smartphones are driving all growth in web traffic
Search engine market share – Mobile – Canada
Cahier de Tendances N°11 : au delà du mobile, France Télévisions

Les moteurs de recherche s’adaptent aux petits écrans.
Lorsque l’information qui décrit un contenu est disponible dans un format que les moteurs peuvent traiter, la liste des résultats de recherche passe au second plan.

Face à la surabondance d’information et de contenus, la pertinence de la recommandation devient un facteur important de fidélisation.

Google - Résultat de recherche sur téléphone

Recherche vocale et assistants virtuels: l’information sans écran.
Plus de 30 millions d’assistants vocaux dans les foyers, aux États-Unis, d’ici la fin de l’année

Assistants virtuels ou assistants vocaux

Liens utiles:
More than 30 million ‘voice-first’ devices in US homes by year end [Report]
Report: 57% of smart speaker owners have bought something with their voice
Gartner Predicts 30% Of Searches Without A Screen In 4 Years

Ces nouvelles interfaces du web n’ont pas d’écran et ne peuvent dont nous répondre en nous fournissant une liste de résultats.
« Enfin et c’est cela qui pose à mon sens le plus gros problème dès que l’on sort de la seule sphère « commerciale », il y a … « le choix d’Alexa », c’est à dire l’idée que bien sûr Amazon / Alexa ne va pas nous « lire » une série de réponses suite à notre requête mais nous en proposer une seule, mettant naturellement en évidence des produits vendus par la marque hôte.» (La voix et l’ordre, billet d’Olivier Ertzscheid).

Moteurs de réponses et de suggestions
Lorsque les données qui décrivent un contenu sont accessibles, intelligibles et manipulables par des applications, elles peuvent être triées par des algorithmes et liées à d’autres données qui décrivent un même auteur, lieu, création, objet, producteur, etc.  Un contenu peut se trouver sur la parcours d’un internaute des décennies après sa création.

Liens utiles:
Les sites web sont-ils en voie de disparition ?
#DIVERTISSEMENT Les algorithmes vont-ils mettre fin à la tyrannie du choix ?
How Netflix will someday know exactly what you want to watch as soon as you turn your TV on

Les moteurs de recherche comprennent-ils nos contenus?

Les pages web sont faites pour être lues par des humains. Les machines ne comprennent pas le contenu de la page, mais elles peuvent manipuler des données qui s’y trouvent  lorsque celles-ci sont mises en contexte grâce à des métadonnées et sont dans un format qu’elles reconnaissent.

Pour savoir si un moteur de recherche peut faire des liens entre votre websérie et d’autres informations disponibles dans le web, il suffit de chercher celle-ci afin de voir si une fiche d’information est produite.

Validation des données structurées: recherche de la série Carmilla.
Chez Google, la fiche d’information, appelée Knowledge card, est générée grâce à  la mise en contexte des données qui décrivent le contenu avec son modèle de classification des connaissances (Knowledge graph). Ces mêmes données descriptives sont mises en relation avec celles d’autres plateformes comme Wikidata (les données structurées de Wikipédia) et, selon le contexte, avec les données de plateformes spécialisées.

Dans le domaine du cinéma, de la vidéo et de la télévision, nous pouvons retrouver les données issues des agrégateurs IMDb (Internet Movie Database,  propriété d’Amazon), AlloCiné et Rotten Tomatoes. Notez que le contenu de ces plateformes n’est pas produit par une seule organisation, mais par des utilisateurs et/ou des producteurs de contenus.

Ce sont des données structurées qui, chez les moteurs de recherche comme Google et Bing , permettent de faire des liens sémantiques qui fournissent une description succincte ou détaillée  d’un contenu dans une fiche d’information. C’est cette fiche qui tend à occuper un espace de plus en plus important sur nos écrans.

De la même manière qu’il a fourni aux développeurs des instructions pour faciliter le référencement de sites web, Google fournit désormais des instructions et des outils pour encourager la production de données structurées. L’outil de test des données structurées détecte la présence de ces données dans une page web et, le cas échéant,  signale les erreurs à corriger et les améliorations possibles.

Google: validation des données structurées: page d'accueil de Louis-Jean Cormier.

Il est également possible de produire des métadonnées pour décrire un contenu qui est présent dans une page web sans connaître le modèle de métadonnées Schema et sans programmation. L’outil d’aide au balisage des données structurées qui est proposé par Google permet de copier les données qui sont encodées en JSON-LD, un format pour les données liées, et de les coller dans le code HTML de la page web où se trouve le contenu.

Google: outil de balisage de données structurées, page web de Vincent Vallières

Cet outil présente un intérêt supplémentaire: il indique les informations qui devraient apparaître dans la page de présentation d’un contenu. De trop nombreuses pages web où sont présentés des films, spectacles, livres, pièces musicales ou œuvres d’art ne contiennent pas le minimum d’information qui permettrait aux moteurs de recherche de les lier à d’autres informations dans le web.

Plus l’information qui décrit le contenu est détaillée et riche, plus grand est le potentiel de celui-ci d’être lié à d’autres contenus et donc, d’être découvert.

Documenter nos contenus, n’est-ce pas travailler pour Google et cie?

Documenter (ou indexer) un contenu, tout comme faire du référencement de pages web, c’est normaliser et organiser la  représentation de celui-ci.  C’est, effectivement, contribuer à l’amélioration continue des applications et des algorithmes des moteurs de recherche.

Mais c’est également une étape nécessaire pour apprendre à nous servir de nos données et, par la suite, développer nos propres outils de découverte, de recommandation et de reconnaissance de ceux qui ont contribué à la création et à la production  d’œuvres.

Culture et numérique : créer une nouvelle plateforme ou adapter le système ?

N’en déplaise à ceux et celles qui n’ont vu que dénigrement et manque d’ambition dans les réactions qui ont suivi la proposition d’Alexandre Taillefer (vidéo, 43:39 min.), celle-ci a favorisé des échanges révélateurs de la véritable nature de la transformation numérique à poursuivre. Proposer la création d’une nouvelle plateforme culturelle ne fait que remettre à plus tard les nécessaires adaptations qu’un système doit entreprendre pour durer et prospérer.

Frohawk Dodo

Face à complexité: la diversité des perspectives

La réaction de Sylvain Carle, exprimée à chaud lors de cette première édition du Forum Culture + Numérique, a été répercutée sur les médias sociaux.

Tellement pas d’accord avec la vison de plate-forme « du Québec pour le Québec » de @ataillefer. Un modèle anti-internet, anti-ouverture. #fcn

— Sylvain Carle (@sylvain) 21 mars 2017

À  l’émission de radio La sphère, diffusée le samedi suivant l’événement, Martin Lessard en a fait le sujet de sa chronique. Même les médias grands publics ont repris ce qui semblait une polémique, mais qui pourrait être le début d’échanges qui n’ont jamais eu lieu de façon ouverte et avec toutes les parties concernées.

Il y aurait pourtant lieu de faire converger les différentes lectures des causes et des symptômes du malaise croissant qui afflige plus spécifiquement les domaines des arts et de la culture dans le contexte de la transformation numérique. Ces quelques publications témoignent de la diversité des perspectives et des approches proposées pour une même problématique. Cette diversité constitue, selon moi, notre meilleure outil pour faire face à la complexité des changements qui se manifestent différemment et à divers niveaux dans des systèmes qui sont tous interdépendants.

Voici quelques perspectives qui sont toutes pertinentes et guidées par la recherche de solutions:

Le grand défi n’est-il pas plutôt de faire se rencontrer ces ressources mutualisées et les usagers/consommateurs? ET si au contraire, Taillefer et toi étiez du même combat?

Ce que je vois, c’est que vous êtes sans doute du même combat, mais à deux bouts du spectre. Toi, du côté de la ressource, du produit, de l’œuvre, et la mise en place des infrastructures qui faciliterait leur découvrabilité. Mais comme tu dis : « l’offre culturelle est abondante et que notre attention, elle, est limitée. » Et le problème est tout là. Cet aspect manque à ton équation. Non seulement notre attention est limitée, mais elle est dirigée, elle est détournée… par ces grandes plateformes. Taillefer, quant à lui, avec sa proposition, ne s’occupe que de l’usager; il aimerait créer un canal pour attirer l’usager et faire pointer son « attention » ailleurs, sur d’autres produits, d’autres biens et services. Locaux, ceux-là.

Et si finalement ces deux bouts du spectre devaient travailler ensemble, travailler soutenir la visibilité des ressources et des produits, mais aussi sur cette attention dispersée des usagers ?

Mais d’accord, il faut oublier la plateforme.

  • Suzanne Lortie, professeure à l’École des médias de l’UQAM, a commenté, comme suit, un article sur Facebook:

C’est ça, je crois, qui motive Alexandre Taillefer. Et c’est bien parfait.

« What Amazon Prime is selling most of all is time. Every executive I spoke to, when asked about how it all fits together, cites this desire to get you whatever you want in the shortest window possible. Stephenie Landry, the Amazon vice president who launched Prime Now in 2014 and has overseen its expansion into 49 cities in seven countries, explains that her business merely has to answer two questions: “Do you have what I want, and can you get it to me when I need it?” The rest of the customer experience is built around answering both questions in the affirmative. »
Why Amazon Is The World’s Most Innovative Company Of 2017

Et dans ses interventions qui émaillaient le fil des commentaires, elle a évoqué le modèle de rémunération du risque dans le cadre d’investissements publics; un modèle dont l’inadéquation affecte plus spécifiquement les nouveaux produits culturels.

 » si la discussion porte en même temps sur la reconfiguration des marges des détaillants et la mutualisation de la logistique, il faut donc commencer par le commencement pour les produits culturels: revoir les notions de pari passu, les piscines qui se remplissent consécutivement. »

Les systèmes grâce auxquels nos contenus culturels et artistiques sont produits et diffusés doivent s’adapter au contexte numérique pour y jouer un rôle plus proactif. N’y a-t-il pas là  des discussions qui sont trop souvent éludées, mais qu’il faudrait avoir le courage d’accueillir ?

Politique culturelle en crise ?

Certains états d’Asie ont, dès le début du 21ième siècle et alors que se développaient de nouveaux modèles économiques, pris des mesures visant à protéger leur culture et leurs productions. La culture a été intégrée à la politique industrielle de la Corée afin de préserver son identité culturelle et de favoriser ses productions au sein des marchés national et international. Protectionnisme ? Peut-être, mais il s’agissait avant tout de rechercher un équilibre entre  productions culturelles nationales et étrangères auprès des consommateurs.

Même si la présence, dans une même phrase, des mots « culture » et « économie » soulève la méfiance de plusieurs, il faut lire les publications résultant d’ateliers menés par des universitaires en économie, arts, culture et communication à propos des échecs des économies créatives et du recadrage des politiques culturelles. Selon un des auteurs, une économie de la culture devrait avoir pour éléments clés des politiques industrielle, des médias, de la ville, des arts, des artistes et autres travailleurs culturels, ainsi que de la culture et du développement durable. Selon lui, une politique industrielle, adaptée aux spécificités du domaine culturel, ne devrait plus être uniquement une stratégie de production, mais tenir compte de l’ensemble de l’écosystème, ce qui inclut la consommation (ou l’audience).

 » if we do introduce the question of cultural value into industrial policy then this cannot be simply a strategy for production – as Nicholas Garnham saw long ago. The market, the audience, the public and how they consume, access, participate, judge, learn, share and adapt has to be an essential part of an ‘industrial’ strategy. Production and consumption have to be seen as a whole in terms of cultural as well as economic value. »
After the Creative Industries: Cultural Policy in Crisis

Nous avons eu des consultations sur le renouvellement de la politique culturelle et sur la stratégie numérique du Québec, mais rarement abordons-nous les enjeux socio-économiques auxquels nous faisons face autrement que par le biais d’initiatives aux objectifs bien spécifiques et, conséquemment, aux impacts limités. En investissant nos efforts sur la création de nouveaux éléments plutôt que d’adapter nos systèmes, ne rendons-nous pas nos industries culturelles  encore plus vulnérables aux contraintes externes ?

Pour aller plus loin: Antifragile: Things that gain from disorder, de Nassim Nicholas Taleb.

Musées: des données ouvertes aux données ouvertes et liées

Données ouvertes et liées: connexions possibles entre les données de différentes institutions.
Si nos collections étaient dans le web des données, elles pourraient se lier aux données mondiales de la culture grâce aux métadonnées descriptives.

Comment les musées peuvent-ils rester pertinents dans l’espace numérique ? Alors que la recherche et la découverte de nouvelles connaissances passent par l’intermédiation des moissonneurs de données, robots indexeurs et algorithmes de filtrage, la richesse des institutions de mémoire collective n’est ni accessible, ni compréhensible à ceux-ci.

En sortant de leurs voûtes technologiques les données qui décrivent les objets composant leurs collection, les musées peuvent multiplier les opportunités afin qu’elles se trouvent sur le parcours des machines et des internautes.

Libérer des données pour développer de nouvelles compétences numériques

Cependant, pour publier des données dans le web, il faut convertir celles-ci afin de leur donner des métadonnées et une syntaxe qui soient compréhensibles pour des machines. Même limité à une petite collection d’objets, ce chantier s’avère exigeant pour une équipe ne disposant pas des connaissances des modèles et standards de métadonnées, ainsi que des technologies du web sémantique. C’est pourquoi libérer un ensemble de données constitue un projet idéal pour se familiariser avec les concepts et les enjeux spécifiques à l’exploitation de données dans le web.

Un exemple ? Nathalie Thibault (Musée national des beaux-arts du Québec) et Isa Mailloux (Musées de la civilisation) partagent leurs expériences acquises avec des projets de données ouvertes.

De données ouvertes à données ouvertes et liées: quoi, pourquoi, comment

La vidéo précédente est tirée du dossier Données ouvertes au musée préparé par la Société des musées du Québec (SMQ).  C’est sur le thème des données ouvertes que cette dernière avait organisé les conférences et discussions de la journée professionnelle du 22 juin dernier. Dans la perspective du web des données, de l’apprentissage machine et du traitement algorithmique de l’information, les données ouvertes et liées apparaissent comme la suite logique des données ouvertes. Conçu en collaboration avec l’équipe de la SMQ, le document (PDF 11,2 Mo) qui accompagne les vidéos des présentations a pour objectif de présenter de façon accessible le quoi, le pourquoi et le comment des données ouvertes et des données ouvertes et liées dans le contexte spécifique aux collections muséales.

De la découvrabilité à l’intelligence artificielle

Publier des données dans le web permet d’opérer des changements radicaux, mais nécessaires dans un contexte de transformation numérique:

Exposer l’information et aller à la rencontre des publics

Il faut sortir l’information des voûtes technologiques, car celle-ci a plus de valeur pour l’utilisateur, lorsqu’elle peut être mise en relation, enrichie et contextualisée, que lorsqu’elle est isolée. Dans une économie de l’attention mondialisée, offrir une information tissée en réseau, navigable et exploitable dans le web est plus stratégique qu’attendre la visite d’internautes, chacun sur son site web.

Collaborer et mutualiser les ressources et compétences

Puisque les réseaux se construisent sur la confiance, il faut considérer les autres institutions et acteurs du domaine culturel comme des alliés et, possiblement, des partenaires potentiels afin de travailler collectivement à rendre nos sources d’information interopérables. Ensemble, nous pouvons réaliser beaucoup plus et beaucoup mieux.

Faire des liens et générer plus d’information

Grâce aux métadonnées qui en précisent le sens (par exemple, les métadonnées creator ou subject permettent de distinguer une personne dans son rôle de créateur d’une œuvre ou de sujet d’une œuvre), il est possible de relier entre elles des données provenant de sources différentes. Et ceci, même si les modèles de métadonnées employés ne sont pas les mêmes, pour autant que ces derniers soient issus de référentiels standards et ouverts. La recherche d’information n’est donc plus limitée à un ensemble d’éléments fini et prévisible tel que le contenu d’une base de données. Par le jeu des relations ou par inférences, elle peut déboucher sur une nouvelle information qui n’était pas présente dans l’ensemble initial.

Penser agrégation de données plutôt que sites web

Parce que les données constituent le capital de l’économie numérique, libérer des données permet d’acquérir des connaissances et pratiques essentielles pour le développement de produits et services innovants. Il ne faudrait cependant pas se satisfaire de la production d’ensembles de données constituant, même au sein du domaine muséal, des silos d’information non exploitables dans le web et non-interopérables. Les données ouvertes sont donc une étape vers les données ouvertes et liées et la possibilité de réaliser l’agrégation des données culturelles québécoises.

Le web sémantique permet d’élaborer des requêtes et de programmer des algorithmes qui réalisent des opérations de raisonnement en mettant en relation des informations faisant du sens. Les données ouvertes et liées nous amènent à l’intelligence artificielle grâce à laquelle nous pouvons étendre le champ de nos connaissances et avoir, sur nos collections, une perspective intégrée que ne peuvent nous donner des bases de données isolées les unes des autres.

Pourquoi vos métadonnées musicales sont aussi importantes que votre musique

 

TGiT - Tag ta musique: indexation de contenus musicaux

Pourquoi s’investir autant dans la création et la production d’œuvres musicales et les laisser ensuite devenir graduellement invisibles sur le Web, une fois la campagne de promotion terminée ? Pourquoi laisser aux plateformes technologiques le soin d’identifier et de catégoriser les œuvres ? Pourquoi s’insurger d’une part contre la copie illégale et de l’autre, diffuser des fichiers audio sans données détaillées sur les créateurs et les détenteurs des droits ?

Ces questions surgissent depuis que je contribue à des projets de valorisation de métadonnées dans le domaine de la culture. Ce sont également des enjeux vitaux pour la présence numérique de la musique créée et produite au Québec, Ce sont ces même raisons qui m’amenaient à assister à la présentation de Jean-Robert Bisaillon, lors du MusiQClab du 28 janvier dernier, à Montréal.

Lire la suite sur le blogue de MusiQC numériQC.