Difficile adaptation des stratégies marketing

Dans un billet récent Josh Bernoff souligne que les experts marketing ont encore de la difficulté à engager des échanges en mode bidirectionnel simultané (full duplex). Pour démontrer que ceux-ci n’ont pas encore compris que le consommateur n’est plus en mode écoute passive, il cite l’exemple du fameux Do not reply qui apparaît dans la plupart des envois de masse.

Dépassée, l’approche en entonnoir

Le web ayant multiplié les canaux d’information et donné un rôle actif au consommateur, les experts marketing doivent revoir leur approche s’ils souhaitent s’attirer sa loyauté.

Intitulée The Consumer Decision Journey, un article publié récemment dans The McKinsey Quarterly (inscription gratuite pour accès à une partie du contenu) illustre bien, et très simplement, le passage de la stratégie de l’entonnoir (funnel) à celle du périple de décision du consommateur.

Consommateur passif :parcours simple

Le consommateur est exposé à plusieurs marques. Pour obtenir sa loyauté, le parcours est simple: notoriété, familiarité, considération, achat. Au long de ce parcours, on trouve des points de contact (campagnes de marketing direct ou de masse) avec le consommateur pour influencer sa décision. Chaque phase de la stratégie permet d’éliminer une marque jusqu’à la décision d’achat.

Consommateur actif : périple complexe

L’entonnoir est devenu une série de boucles. Le web a multiplié les sources et des canaux d’information et permi au consommateur de participer à des milliers de conversations. Les points de contact, devenus trop nombreux, et les interférences (hyperliens, outils de recommandation, publicité virale), trop imprévisibles, la stratégie s’est complexifiée.

Suivre le consommateur dans son périple

Considération active : le consommateur est plus actif (recherche d’information sur Internet, consultation des réseaux de connaissances et des réseaux d’utilisateurs).

Loyauté active : un consommateur satisfait est plus susceptible de recommander et de participer aux stratégies marketing d’une marque.

Mais attention, le consommateur est également beaucoup plus informé et de mieux en mieux équipé pour réagir positivement ou négativement aux campagnes.

Entreprise 2.0 : les affaires d’abord

Sérendipiteux croisement: Michael Krigsman (ZDNet) et Bertrand Duperrin publient leurs impressions sur la conférence Enterprise 2.0, de Boston. Il semble que le concept d’entreprise 2.0 peine à faire son chemin à l’intérieur des organisations. Les deux experts offrent des points de vue convergents.

Cesser de prêcher aux convertis et passer à l’action

M. Krigsman se demande si les évangélistes ne se parlent pas entre eux (toujours plus de vendeurs et de consultants que de clients). Que manque-t-il aux organisations pour que l’entreprise 2.0 décolle ? Cesser de chanter en coeur les mérites de la collaboration et passer à l’action. Michael Krigsman rapporte les commentaires de Jonathan Yarmis, analyste et spécialiste en gestion des connaissances:

The Kumbaya Zone is where we all sit around the campfire, singing odes to social media, and how important it is to « engage in the conversation. » If I hear that phrase one more time, I think I’ll go crazy. Instead, we need to apply social media strategies with a sound business strategy in mind. Why should I do this? Which conversations do I want to engage in? What outcomes do I hope to achieve from engaging in those conversations?

Parler le langage de l’entreprise

Dans la même veine, Bertrand Duperrin avance qu’il faut socialiser les processus en entreprise. Parmi les quelques exemples de succès, ce sont des processus traditionnels qui ont été socialisés. Si l’entreprise 2.0 n’apprend pas à parler le langage de l’entreprise, c’est l’échec assuré :

Parlez de tout sauf ce qui conditionne la performance et les résultats mesurables et mesurés de l’organisation et vous n’avez aucune chance sauf à vouloir faire vivre des simulacres de réseaux sociaux sous perfusion, peuplés de figurants qui jouent bien leur rôle pour faire croire que ça fonctionne.

« Make sure that social media is grounded in the fundamentals of your business« , selon Lockeed Martin. Quels sont ces éléments fondamentaux ? La chaîne de création de valeur et les processus.

Bertrand Duperrin suggère de remplacer l’expression entreprise 2.0 par socialisation de la chaîne de valeur et des process (processus ?).

Entreprises 2.0, prêtes pour un changement radical ?

Nous vivons un changement de paradigme. L’évolution du nouveau médium qu’est le web remet en question plusieurs modèles et pratiques établis. Plusieurs des changements qui sont survenus ont des conséquences que les organisations, commencent à ressentir (et que la conjoncture économique actuelle a amplifiées). Les symptômes les plus évidents, et médiatisés, étant ressentis dans l’industrie des médias.

Plusieurs organisations feront l’apprentissage de l’innovation et, pour cela, elles devront changer radicalement leur méthodes de gestion. Elles devront s’inspirer des réseaux sociaux pour mobiliser toutes leurs ressources en utilisant de nouvelles technologies.

La culture organisationnelle et les barrières technologiques : deux types de changements particulièrement difficiles à réaliser pour les petites et grandes entreprises qui sont bien souvent les plus grands freins à l’innovation.

Prêtes à innover ?

Harvard Business Publishing publiait sur son blogue, un billet de William C. Taylor, auteur de Practically Radical, un ouvrage sur les changements radicaux qui affectent les entreprises. Ce billet énonce 10 questions que tout gestionnaire-agent de changement devrait se poser:

1. Do you see opportunities the competition doesn’t see?
2. Do you have new ideas about where to look for new ideas?
3. Are you the most of anything?
4. If your company went out of business tomorrow, who would miss you and why?
5. Have you figured out how your organization’s history can help to shape its future?
6. Can your customers live without you?
7. Do you treat different customers differently?
8. Are you getting the best contributions from the most people?
9. Are you consistent in your commitment to change?
10. Are you learning as fast as the world is changing?

Comment innover ?

Innover, ce n’est pas améliorer ou adapter un modèle existant; c’est sortir du modèle d’activité habituel.

When companies try to come up with new ideas, they too often look only where they always look. That won’t get them anywhere.

Quelques suggestions recueillies par des journalistes du Wall Street Journal.

  • Build scenarios.
  • Spin the Web.
  • Enlist lead users.
  • Probe and learn.
  • Mobilize the staff.
  • Cater to entrepreneurs.

Changer la culture organisationnelle ?

Les stratégies, dites 2.0, peuvent-elles rendre l’entreprise plus flexible, décloisonner les divers services et réellement encourager les membres du personnel et les clients à contribuer aux échanges d’information ?

Comme le fait remarquer Bertrand Duperrin dans son excellent billet sur les stratégies d’entreprise 2.0 :

L’entreprise 2.0 n’est pas une baguette magique qui évite de s’attaquer aux questions importantes et structurantes. Elle est justement la conséquence du fait qu’on s’y attaque.

Ce ne sont pas les solutions technologiques, aussi séduisantes soient-elles, qui feront changer les organisations.  Depuis l’avènement des plateformes collaboratives (ex.: Lotus Notes) au siècle précédent,  bien des entreprises ont investi des sommes considérables en technologies et en conseils sans modifier leur approche de gestion.

Les mêmes conditions qui prévalent à la réussite des réseaux sociaux s’appliquent au travail collaboratif. Gary Hamel a relevé les caractéristiques de la génération Facebook.

1. All ideas compete on an equal footing.
2. Contribution counts for more than credentials.
3. Hierarchies are natural, not prescribed.
4. Leaders serve rather than preside.
5. Tasks are chosen, not assigned.
6. Groups are self-defining and -organizing.
7. Resources get attracted, not allocated.
8. Power comes from sharing information, not hoarding it.
9. Opinions compound and decisions are peer-reviewed.
10. Users can veto most policy decisions.
11. Intrinsic rewards matter most.
12. Hackers are heroes.

Si la course à l’innovation ne peut être remportée que par le travail collaboratif, quelles organisations sont prêtes à relever le défi du changement ?

De l’économie du contenu à l’économie de liens

Durement affectée par les nouvelles règles d’une économie  qui doit tenir compte de  l’abondance, l’industrie des médias a vu son modèle de revenu remis en question par le déplacement des annonceurs vers d’autres espaces susceptibles d’attirer une audience, plus importante et/ou plus qualifiée.

Les observateurs et commentateurs de l’évolution de l’industrie s’entendent : la publicité n’a plus besoin des médias. La publicité a plus intérêt à suivre les individus auxquels elle s’adresse qu’à se fixer à des contenus. Et cela, en raison de la croissance exponentielle de l’offre de contenus, et de l’attention implicitement limitée des individus.

Ce nouveau paradigme devrait, cette fois, placer le consommateur au centre des stratégies d’affaires (production, distribution, marketing, …)

Extraits pertinents d’une entrevue avec Jeff Bezos (Amazon) sur l’innovation et la résilience des entreprises :

In tough times, focus on the customer
/…/That said, Bezos was clear in pointing out that his company looks at everything from a customer’s standpoint. « We do make business decisions in a very deliberate way, » he said. « We work backwards from customer needs. »

Se coller aux individus plutôt qu’aux contenus implique le passage d’une économie de contenus à une économie de liens. Jeff Jarvis a formulé les quatre impératifs de l’économie de liens, dont celui-ci:

2. The recipient of links is the party responsible for monetizing the audience they bring. In the old content-economy model of syndication, the creator sells content to another and the one who syndicates has to come up with the ad or circulation revenue sufficient to pay for it. Now in the link economy, it’s reversed: When you get traffic, you need to figure out how to benefit from it.

Ce qui l’amène à conclure, dans un autre billet sur l’économie de liens, que le contenu n’est rien sans les liens.

Links can be exploited and monetized; get links and you can grab audience and show ads and make money. Content is becoming a cost burden, what you have to have to get the links, but in and of itself, content can’t draw value without an audience, without links.

Dans la nouvelle économie, les médias ont donc besoin de Google, des blogues, des réseaux sociaux, des Delicious, YouTube, Netvibes, Twitter et autres espaces de rediffusion. S’isoler en fermant leur contenu, pourrait mettre leur survie en péril.

La logique de l’abondance

La logique de l’abondance rend impraticables les modèles d’affaires actuels qui sont basés sur la rareté.

Le médium de communication qu’est le Web n’étant plus le privilège de quelques interlocuteurs, les standards et repères d’une certaine économie sont bouleversés par cette nouvelle redistribution des moyens.

Avec le Web est arrivée l’abondance : un choix toujours grandissant de contenus, de réseaux et d’outils. Quels sont les changements prévisibles de l’abondance sur les modèles économiques actuels, basés sur la rareté (contrôle de l’accès) ? Un économiste*** a tenté de décrire cette logique de l’abondance et ses conséquences sur les modèles économiques actuels, et également sur les organisations. En voici un aperçu :

Le développement de la logique d’abondance qui prévaut dans la nouvelle économie est étroitement associée à l’effet de réseau.

L’abondance repose sur les réseaux identitaires et la confiance; elle n’est donc pas favorable aux monopoles. Les stratégies traditionnelles de positionnement et d’établissement de standards deviennent donc éphémères et sans garantie de résultats.

La logique de l’abondance rend presque impraticable la fidélisation de la clientèle. L’abondance permet la liberté de choix: le paradis du consommateur.

***Article publié par Juan Urrutia Elejalde publié sur le web sous le titre La Lógica de la Abundancia. Ce monsieur est économiste et titulaire de la chaire d’analyse économique fondamentale de la Universidad del País Vasco, ou l’Université du pays basque (Euskal Herriko Unibertsitatea), prés de Bilbao, en Espagne. Mille excuses à l’auteur si mon interprétation ne rend pas justice au texte original.

Résistance au changement et solutions miracles

Envieuse du Apps Store de l’iPhone et du Kindle d’Amazon, l’industrie des médias attend beaucoup des développements technologiques qui lui permettraient de maintenir son modèle d’affaires traditionnel, basé sur le contrôle de la distribution et de la relation avec les lecteurs.

Une des solutions en vue : contrôler la distribution par l’intermédiaire du support.

Retour à l’impression

Les abonnés du Denver Post pourront imprimer leur version personnalisée du journal. Inspiré par le modèle des manufacturiers d’imprimantes et des entreprises de télécommunications (fournir le support pour facturer le bien/service consommable), le journal croit que les abonnés seront ravis d’obtenir une imprimante à rabais (rabais que le manufacturier compensera par la vente des cartouches d’encre). Aucun détail n’a été oublié:

« We’ll know when the printer is running low on ink, » Vandevanter said, « and we’ll know how much was used to print the I-Edition. » He added, « We’re not going to pay for the ink for you to print out your novel. »

MediaNews to Begin Customized Printing in Denver Homes Next Week

Annoncée, à tort,  comme un outil de micro-édition alors qu’il s’agit d’un service d’impression sur demande, l’Espresso Book Machine est une imprimante-relieuse qui permet de reproduire les ouvrages du catalogue auquel elle est reliée. Comme d’autres bibliothèques universitaires au Canada, la bibliothèque de l’Université McGill pourra mettre à la disposition des chercheurs sa collection de documents anciens dont elle a, d’ailleurs amorcé la numérisation. Cette technologie ne permet maleureusement pas d’exploiter les avantages de la numérisation des documents (recherche dans le texte et sur le Web, annotations, partage de notes).

Le règne de la micro-édition est-il arrivé ?

Contrôler le réseau (et les lecteurs)

La liseuse Kindle est l’outil de distribution d’une entreprise commerciale (Amazon). Le concept repose sur le contrôle de l’accès, de la présentation et de l’utilisation : le contenu est indissociable du contenant. Il n’est pas possible de lire un ouvrage acheté avec le Kindle sur un autre support, pas plus qu’il n’est possible de l’annoter ou d’en partager un extrait avec d’autres.

Comme le rapporte Jeff Jarvis dans sa chronique publiée par The Guardian, News matters so much more than what delivers it :

The problems with the Kindle could be – and no doubt will be – solved. The reader works wonderfully for books. But it also tries to turn a newspaper into a book, starting us on the first page of the first story and nudging us through its awkward user interface to proceed a page-turn at a time through the entire product, as we used to on paper. The digital among us, however, no longer read news in this way. Online, we search and link and flit and explore. We are in control of the experience, not some editor somewhere.

L’industrie en état de déni

L’industrie est en état de déni et refuse le changement.

Rupert Murdoch, propriétaire du groupe média News Corp., fait clairement connaître ses intentions quant à la distribution de ses contenus.

I can assure you we will not be feeding our content rights to the fine people who created the Kindle. We will control the prices for our content and we will control the relationship with our customers. Any device maker or website which doesn’t meet these basic criteria on content will not be doing business long-term with News Corporation.

News Corporation F3Q09 Earnings Call Transcript

****Pour comprendre les craintes de Mr. Murdoch face à Amazon, voir le billet de Joe Wikert qui explique pourquoi on trouve encore peu de magazines sur la liseuse Kindle : Getting More Magazines on the Kindle.  Il raconte également comment son employeur, O’Reilly Media, trouve son compte avec Amazon.

Pas de solution miracle

Mais voilà, il n’y a pas de solution miracle. Toujours Jeff Jarvis, précédement cité.

But no single gadget will be their saviour. None will bring back the good old days – if they were that – of news and the world delivered in neat little packages we paid for.

L’innovation s’est aussi l’adaptation au changement

Comme la plupart des observateurs de l’industrie le soulignent depuis déjà longtemps,  il ne s’agit pas de la mort des médias mais d’un changement de paradigme qui rend obsolètes leurs modèles d’affaires actuels (et ceux de bien d’autres industries, à long terme). L’industrie doit tenir compte des règles de ce nouveau pradigme pour innover.

Toujours le contrôle de la distribution

Il est intéressant de constater à quel point les patrons de presse ignorent ou feignent d’ignorer les ruptures qui interviennent dans leurs modèles d’affaires depuis l’évolution du Web et qui rendent irréversibles certaines tendances.

Également, il est étonnant (devrait-on s’en étonner) que les dirigeants de groupes de médias, au Canada et aux États-Unis, qui font des déclarations publiques sur l’état des médias ne parlent pas (ou si peu) de la pratique journalistique.

Rupert Murdoch clame que la gratuité des contenus est un échec pour les journaux tout en se félicitant que le Wall Street Journal ait conservé le modèle payant. Il proclame le retour à l’ordre normal des choses.

In just three weeks, 360,000 people have downloaded the Journal’s iPhone mobile reader. As you can imagine, we will soon be making them pay handsomely for the privilege of accessing the world’s best business news source.

Murdoch Leads the Charge on Paid Content

Barry Diller, propriétaire d’une trentaine de sites Internet, pour la plupart payants (comme dating.com), renchérit en prédisant le retour au contenu payant dans 5 ans. Il ne manque qu’une bonne technologie permettant de facturer, à forfait ou à la pièce, l’accès à tout contenu informationnel et, pourquoi pas, au Web.

The right billing system, broadly applied, would remove « one of the greatest bars of buying anything » which « is the steps it takes » to complete a purchase.

The entire Internet, in effect, would become an app – or content – store.

Barry Diller: The Internet ‘Absolutely’ Will Become a ‘Paid System’. Time Projection: Within 5 Years

On pense encore au contrôle de la distribution alors que le web a libéré le contenu du contenant et permet aux citoyens de consommer l’information à leur guise : elle peut être rediffusée (entre autres par RSS ou par des API adaptées à divers supports),  intégrée à d’autres contenus, commentée, remixée, mise en relation (liens) et cela, autant par les journalistes que par n’importe quel internaute.

Journalisme de liens

Suite de mon retour sur la pelote de liens accumulée sur delicious, à propos du contenu (produit offert par les médias).

Rôle du journaliste: intermédiation en information

Question très pertinente (Un lien c’est tout ?) posée par Philippe Couve. Les questions autour de l’évolution de la pratique journalistique nous ramènent encore au contenu informationnel et à ses différentes manifestations sur le web.

Quand une interrogation dépasse, même de peu, les 140 caractères autorisés par Twitter, on est bien content de retrouver son blog.

La question est la suivante: alors que l’expression « journalisme de liens » (aka link journalism) gagne lentement du terrain, à partir de quel moment le fait de poster/partager un lien s’apparente-t-il à du journalisme?

Je ne suis pas journaliste, mais grande consommatrice d’information.

Un lien commenté tient plutôt du partage de signets. Nous nous attendrions à plus d’efforts de la part de journalistes (au minimum, un assemblage de liens, organisés, commentés et mis en relation entres eux). Tweeter c’est bien, mais nous avons besoin de repères pour reconstituer les sujets.

L’information nous parvient fragmentée et issue d’une multitude de canaux différents, il nous faut un cadre (historique, contexte) pour assurer la cohérence des messages. C’est ce qui a toujours fait cruellement défaut pour bien des produits d’information.

Le kisoque à journaux (je feuillette, mais je n’achète pas)

Prochain retour sur les changements qui modifient notre façon de consommer l’information sur le web (et leurs conséquences sur notre consommation des médias traditionnels).

Contenu, contenu, contenu

L’information qui est produite par les professionnels (journalistes) et diffusée par des entreprises (journaux) est un des enjeux les plus intéressants de la crise des médias (devenue expression courante). Peu importe le médium et les modèles d’affaires et de revenu du contenant, il faut à présent compter avec les lecteurs et le contenu devient alors beaucoup plus important qu’il ne l’a jamais été.

La publicité n’a plus besoin des médias

Mitch Joel, expert en marketing numérique, cite une sélection de très récentes constatations publiées à propos des médias. L’essor de la publicité en ligne, la diversité de ses manifestations possibles et  et les avantages inégalés du web en termes de ciblage et de mesure d’audience rendent beaucoup moins attrayante l’utilisation des supports médias.

Et cela est plus particulièrement remarquable dans l’industrie des journaux et magazines.

Le modèle d’affaires des journaux repose sur les revenus de la publicité. La production de contenus informationnels sert à attirer une audience qui justifie les tarifs proposés aux annonceurs. Jusqu’à présent, les médias traditionnels étaient les supports publicitaires incontournables.

Avec le web, la publicité a trouvé des moyens beaucoup efficaces de réaliser ses objectifs (rejoindre un marché spécifique, mesurer ses résultats et réagir rapidement). D’abord, sur le modèle traditionnel, par l’intermédiaire des plateformes numériques des médias, puis sans intermédiaire, en lien direct avec leurs marchés, grâce aux réseaux sociaux.

Les médias n’ont plus d’autre choix que celui de se réinventer

Si les journaux sont peu à peu délaissés par les annonceurs, ils devront enfin se recentrer sur leur audience et tenter de leur offrir des produits d’information qui sauront la retenir et la fidéliser. Les journaux devront s’en remettre aux journalistes pour produire une information différente de la production industrielle : enquête, analyse, historique, liens pertinents, outils de visualisation de données, etc.

Nous avons besoin des journalistes

Dans sa lettre ouverte aux journalistes, Peggy Holman (éditrice du livre The Change Handbook et contributrice du groupe de discussion Journalism that matters), la crise de confiance des lecteurs envers les journalistes (et les journaux qui les emploient).

If I – and others -believe that, why do so many of us seem hostile to the press? Because we feel betrayed. Where were you when we needed you? Where were your warnings about the state of the economy? About the lies of weapons of mass destruction? About the many stories closer to home that affect our lives and well-being? Did you miss the clues yourself? Did you know and not help us hear your messages? How could you let us down?

Et pourtant, comme Mme Holman le dit si bien,  nous avons besoin des professionnels de l’information pour cette tâche immense et essentielle de repérer des évènements et des faits, de les partager avec nous et de nous faire participer aux discussions sur ces sujets d’actualité.

I want your partnership to navigate these confusing times. You don’t need to guide me or be my gatekeeper. The fence is gone. I have the means to speak for myself. And if that makes you fear for your relevance, your ability to bridge the technical divide or the enduring values of journalism, know that we can help each other. I want you by my side – your skills, values, and all – as we, together, travel through this challenging time. Let us re-negotiate our commitments to each other.

Quelle valeur ajoutée apportez-vous?

Comme le rapporte Jeff Jarvis, une sommité du domaine du journalisme et des médias,  dans son billet Journalists, where do add value? , il ne sera plus possible de se contenter de rediffuser une information ou d’insérer un lien vers sa source.

Whether you’re a blogger or a new form of news organization, you’re going to have to ask with every move whether it will add value to the news ecosystem. If it doesn’t, you shouldn’t do it.

Peu importe le médium et le format, nous attendons des journalistes plus que la copie d’un communiqué d’entreprise ou le compte rendu d’un évènement. Alors que le web permet à chacun d’entrer en conversation avec d’autres, nous attendons aussi de pouvoir échanger avec les journalistes. Cependant, il semble que ce face à face en dérange ou en  insécurise plusieurs.

Communication bidirectionnelle

Comme le relève justement Emmanuelle Garneau-Gamache, spécialiste en marketing et en journalisme, on se préoccupait peu des lecteurs (ou consommateurs):

Dans cette histoire, on dirait que tout le monde ( journalistes / annonceurs / media ) s’arqueboute sur de vieux réflexes. Sans jamais prendre en considération l’essentiel: et le consommateur lui, il trouve ça comment ?

Ces consommateurs (d’information, comme de toute autre chose) ont acquis, grâce au Web, des rôles clés dans l’écosystème des médias. La communication n’est plus unidirectionnelle, mais bidirectionnelle.

L’hypermédiation profite aux intermédiaires

Très intéressante analyse de Frédéric Filloux du modèle d’affaires sur Internet, basé sur la publicité. Son billet, Advertising: real change must happen, examine les statistiques récentes des revenus publicitaires et met en évidence la domination de Google, le maître d’oeuvre d’un système très profitable (search ad, publicité contextuelle, surtout avec AdWords, achat de mots clés à l’encan).

L’hypermédiation: le règne des intermédiaires sur le Web

En 2000, Nicholas Carr avait publié dans Harvard Business Review, un article sous la thématique The Future of Commerce: Hypermediation: Commerce as Clickstream

Transactions over the Web, even very small ones, routinely involve all sorts of intermediaries, not just the familiar wholesalers and retailers, but content providers, affiliate sites, search engines, portals, Internet service providers, software makers, and many other entities that haven’t even been named yet. And it’s these middlemen that are positioned to capture most of the profits./…/

/…/the emerging economic structure of e-commerce: the profits lie in intermediate transactions, not in the final sale of a good.

Pour Carr, il était alors évident que deux types d’intermédiaires se partageraient la plus grosse part des revenus publicitaires sur le Web:

  • Les sites de contenu spécialisé qui occupent une niche (effet longue traîne).
  • Les entreprises dites, d’infrastructure comme les moteurs de recherche, serveurs publicitaires et réseaux d’affiliation, pour qui l’échelle et, surtout, l’innovation technologique jouent un rôle primordial.

The Web didn’t kill mediators. It made them stronger.

Pour Carr, en 2009, c’est l’hypermédiation qui est une menace pour les producteurs de contenu, plus spécifiquement, les éditeurs de journaux et de magazine. L’offre médiatique dépasse la demande.Il faut donc réduire la production, sinon les producteurs eux-mêmes.

Le coupable est, entre autres, la syndication de contenu. Celle-ci ne devrait pas être autorisée ailleurs que sur papier.

/…/it requires news organizations to begin to impose controls on their content. By that, I don’t mean preventing bloggers from posting fair-use snippets of articles. I mean curbing the rampant syndication, authorized or not, of full-text articles. Syndication makes sense when articles remain on the paper they were printed on. It doesn’t make sense when articles float freely across the global web. (Take note, AP.)

Google profite de l’hypermédiation

Frédéric Filloux, soulève le déséquilibre marqué des parts de bénéfices entre Google et ses partenaires (sites de contenus, médias).

But this strong performance comes with declining prices and a growing imbalance in Google’s favor, at the expense of its partners (i.e. media sites)./…/ You get it: media are getting less and less advertising dollars and euros from Google.

As many say, perhaps without realizing it, without intent, see the company’s Don’t Be Evil motto, Google is killing the golden goose as it preserves its fat (38%) operating margin. For many websites, especially small ones, working with The search engine becomes less attractive.

Ceci ajouté à cela:

Ce qui laisse entrevoir de possibles changements des modèles d’affaires.

Conseil en information numérique