Le rapport sur la découvrabilité en ligne des contenus culturels francophones résulte d’une mission conjointe des ministères de la Culture du Québec et de la France. Il dresse un bon état des lieux d’un ensemble de phénomènes et d’actions, sans égarer le lecteur dans les détails techniques. Un excellent exercice de synthèse, donc, réalisé par Danielle Desjardins, auteure de plusieurs rapports pour le secteur culturel et collaboratrice du site de veille du Fonds des médias du Canada.
Cependant, dans le schéma des 12 leviers à activer pour une meilleure découvrabilité des contenus culturels francophones (voir plus haut), il manque à mon avis deux éléments essentiels:
- Est-ce aux acteurs culturels que revient la charge de rendre l’information concernant leurs créations ou leurs offres numériquement opérationnelle?
- Quel espace numérique offre les meilleures conditions de repérabilité, d’accessibilité et d’interopérabilité de l’information ?
Premier levier: mises à niveau des métiers du Web
Il est important de sensibiliser les acteurs culturels à l’adoption de pratiques documentaires telles que l’indexation de ressources en ligne. Ceci dit, la mise en application des principes, ainsi que le choix de modèles de représentation de contenus en ligne, sont des compétences qui ne s’acquièrent pas comme on apprend à se servir d’un logiciel. On ne peut pas attendre de toute personne et organisation du secteur culturel de tels efforts d’apprentissage. D’autant plus que la production de l’information pour le numérique fait appel à des méthodes et savoirs relevant des domaines du langage et de la représentation des connaissances autant que des technologies numériques.
Si les données structurées sont perçues comme des solutions pouvant accroître la visibilité d’offres culturelles sur nos écrans, elles appartiennent à des domaines de pratiques pas suffisamment maîtrisés au sein des métiers du Web. C’est pourtant bien vers des spécialistes en développement, intégration, référencement et optimisation que se tournent les acteurs culturels cherchant à rendre le contenu de leurs sites web plus interprétable par des machines. Or, à ma connaissance, il n’existe actuellement pas de formation et de plan de travail tenant compte de l’interdépendance des volets sémantiques, technologiques et stratégiques du web des données.
Il devient de plus en plus impératif d’identifier les connaissances à développer ou à approfondir chez les divers spécialistes contribuant à la conception de sites web aux contenus plus repérables. Il serait également souhaitable de soutenir un réseau de veille interdisciplinaire ayant pour objectif de contextualiser et d’analyser l’évolution de l’écosystème numérique.
Exemple: dans la foulée d’une étape importante de ses capacités d’interprétation (traitement automatique du langage), Google a mis à jour, cet été, ses directives d’évaluation de la qualité de l’information. Il va sans dire que c’est important.
Deuxième levier: modernisation des sites web
Dans le Web des moteurs de recherche intelligents, la reconnaissance des entités passe par l’indexation de pages web et l’analyse des contenus. Les sites web devraient donc être des sources d’information de première qualité, tant pour les internautes que pour les moteurs de recherche.
Est-il normal de ne pas trouver toute l’information, riche et détaillée, sur le site de référence d’une entreprise culturelle? Pour le bénéfice des projets numériques, il est vital de concevoir des contenus pertinents pour les machines, lesquelles évaluent à présent la qualité des sources d’information afin de générer la meilleure réponse à retourner à l’utilisateur.
Pour une productrice ou un artiste, il est beaucoup plus stratégique de faire de son site web une source primaire, en attribuant une page spécifique à la description de chaque œuvre, que de créer un article sur Wikipédia. Rappelons que Wikipédia n’est pas une source primaire pour les moteurs de recherche. De plus, l’usage du vocabulaire (Schema.org) ne leur fournit qu’un signal faible sur la nature d’une offre.
Un savoir commun, entre information et informatique
L’adaptation des contenus culturels à l’environnement numérique repose, avant tout, sur de meilleurs sites web. Ces espaces offrent les conditions optimales d’autonomie, repérabilité, accessibilité et interopérabilité. Leur modernisation requiert des acteurs clés, que sont les spécialistes du Web, une mise à niveau rapide de leurs connaissances et de leurs pratiques.
Finalement, afin d’opérer cette mise à niveau et de développer ces savoirs communs, il faut bien entendu insister sur l’interdisciplinarité entre les métiers du web et, notamment, le domaine des sciences de l’information.
Merci pour cet article très intéressant! Je suis loin d’être une experte et je ne suis pas certaine de comprendre tous les concepts évoqués dans l’article. Mais je réfléchissais au fait que les sites web d’une grande partie des artistes visuels sont créés et maintenus par les artistes eux-mêmes. Et cela à cause du manque d’argent. Donc ce serait à nous de devenir plus intelligents avec nos outils web. Aussi les organismes culturels pourraient venir en aide aux artistes de toutes disciplines si leur notion d’association n’était pas si chatouilleuse. Au sens où les organismes culturels veulent absolument choisir avec qui ils seront associés. Comme si la culture était complètement contaminée par tous les jurys devant qui chacun doit comparaître, constamment.
Bonjour Diane,
Merci pour votre commentaire. Ces concepts sont familiers pour des spécialistes d’un tout autre domaine que celui de l’art. Il est de même dans les nombreux événements et publications où les artistes et entreprises culturelles sont invités à “faire du numérique”. Il n’est pas facile de vulgariser: les simplifications et les raccourcis peuvent masquer des choix qui peuvent affecter le cours d’un projet.
Mais, vous avez bien saisi le fond du problème avec phrase: ” Donc ce serait à nous de devenir plus intelligents avec nos outils web.” Il s’agit de mieux utiliser les outils: d’abord le Web.
Par exemple: lorsque la publication d’une galerie offre plus d’information sur l’œuvre et la carrière d’une artiste que le site web de celle-ci, on reconnait que le document imprimé est une source d’information plus complète que le site de l’artiste. Il ne devrait pas en être ainsi puisque le Web est l’espace le plus universellement accessible (humains et machines) est le Web.
Nous ne pourrions imaginer visiter une exposition et ne pas trouver l’information et les références nécessaires pour accompagner les œuvres et renseigner sur la démarche et le contexte (courants artistiques, apprentissage, influences). Pourtant, la très grande majorité des sites d’artistes et, aussi, de galeries d’art, ne contiennent que quelques brèves descriptions et offrent très peu de liens pour enrichir nos connaissances. Il manque, sur nos sites web, l’information utile et de qualité qui serait aussi importante pour des visiteurs que pour des moteurs de recherche. Il n’est pas étonnant que Wikipédia ait pris une telle importance: ses articles sont bien souvent des sources d’information plus complètes et intéressantes que les sites des sujets.
Le moyen technologique qui est à la portée de tous ceux qui ont des sites web pour rendre leur contenu plus repérable est l’écriture. Voici ce que vous pouvez faire:
-Produire une bonne page d’information pour chaque œuvre;
-Accompagner les images de légendes (titre, artiste, médium, date de création);
-Fournir des renseignements qui contribueront à mieux vous faire connaître (processus créatif, inspirations);
-Faire des liens vers d’autres sites (personnes et choses qui sont importantes pour votre parcours).
Il ne faut pas laisser les moyens technologiques s’interposer entre ce que vous avez à dire sur votre œuvre et toute personne et machine qui pourraient trouver ou découvrir dans vos mots et vos images, ce qui fait du sens et des connexions pour elles.
Merci de me lire et que 2021 vous soit propice.
Josée