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Redéfinir la découvrabilité pour une pensée stratégique

Matrice pour analyse des forces, faiblesses, opportunités et menaces d'un projet donné.
Matrice pour analyse des forces, faiblesses, opportunités et menaces d’un projet donné. Illustration: Xhienne, [CC BY-SA 2.5], Wikimedia Commons.
Des données ou des algorithmes de recommandation peuvent-ils vraiment résoudre une problématique aussi complexe qu’une baisse de la consommation de contenus culturels? Bien sûr que non. La définition actuelle de la découvrabilité laisse pourtant entendre que la solution repose sur le contenu mis en ligne:

Potentiel pour un contenu, disponible en ligne, d’être aisément découvert par des internautes dans le cyberespace, notamment par ceux qui ne cherchaient pas précisément le contenu en question.

C’est une vision qui rend attrayante une solution aussi improbable que des métadonnées pour influencer Google. Mais surtout, une telle démarche élude l’étape la plus importante d’un projet qu’est la réflexion stratégique.

Comprendre une problématique multidimensionnelle

Une analyse stratégique permet pourtant d’identifier les facteurs internes (forces, faiblesses) et externes (opportunités, menaces) qui peuvent faciliter ou entraver la réalisation des objectifs souhaités. En voici des exemples:

Force (facteur interne): la connaissance de l’environnement technologique préconisé est suffisamment maîtrisée par la direction pour communiquer clairement sur les résultats tangibles attendus (ce que ça peut faire) et dissiper le fantasme du techno solutionnisme (ce que ça ne fait pas).

Menace (facteur externe): des pratiques industrielles et modèles d’affaires rendent des contenus indisponibles ou introuvables, comme l’affirme Philippe Falardeau dans cet article sur la possible fermeture d’un distributeur de films.

Rechercher des résultats concrets

Voici une définition plus précise de la découvrabilité et qui m’apparaît encourager une démarche stratégique:

La découvrabilité est le résultat potentiel de stratégies et moyens mis en œuvre, dans un environnement technologique donné, afin de favoriser des liens entre les intérêts de publics cibles et une offre qu’ils ne connaissent pas ou ne cherchent pas.

Elle comprend les éléments clés d’un questionnement préalable à la recherche d’une solution:

  • Le but: problème ou besoin concret (achat, visite, développement de compétences)?
  • Les publics cibles: quels sont-ils et quels sont leurs profils d’intérêts?
  • L’environnement technologique choisi: quelles sont les particularités de l’espace numérique choisi pour favoriser la découverte? Quelles sont les expertises requises?

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Il serait essentiel de redéfinir la découvrabilité afin que chaque initiative numérique du domaine des arts et de la culture entreprenne une analyse stratégique. C’est en réalisant une telle démarche, en amont de la recherche d’une solution,  que les organisations peuvent développer leur capacité d’adaptation et d’innovation.

Wikidata: pour Google ou pour le Web des données?

Wikidata améliore-t-il la découvrabilité sur Google? Non.

Contrairement à une hypothèse que j’ai parfois évoquée il y a plusieurs années, puis maintes fois remise en cause,  Wikidata n’est pas une solution de découvrabilité sur Google. C’est l’une des bases de connaissances permettant de valider une entité, et non de fournir une réponse. Ce n’est pas un moyen de promouvoir une information pour quiconque interroge Google, et encore moins pour qui ne la cherche pas.

Verser des données dans Wikidata ne rend donc pas un objet culturel plus visible ou découvrable parmi les résultats du moteur de recherche. Cependant, c’est une initiative à fort potentiel de créativité et de transformation numérique si l’on poursuit un tout autre but que la promotion d’une offre, soit la réutilisation de données interopérables et interconnectables, partout sur la planète.

Wikidata pour le Web des données

Par contre, comme je l’ai précisé dans un billet  sur le choix d’un environnement technologique, contribuer à Wikidata peut favoriser la découverte de données sur cette plateforme. La maîtrise du langage d’interrogation SPARQL est cependant une courbe d’apprentissage plutôt abrupte pour les non-spécialistes. Même  l’assistant de recherche est inaccessible pour qui n’a pas l’habitude de composer des requêtes destinées à des bases de données.

Les organisations versant leurs données dans Wikidata devraient offrir, sur leurs propres sites, des interfaces de recherche avec des requêtes pré-construites. L’exemple présenté ci-dessous est un projet réalisé par le Musée de Saint-Raymond à Toulouse (France) en partenariat avec Wikimedia France.

Palladia, moteur de recherche d'une partie des collections du Musée de Saint-Raymond (France) qui est présente sur Wikidata et Wikimedia Commons.
Palladia, moteur de recherche d’une partie des collections du Musée de Saint-Raymond (France) qui est présente sur Wikidata et Wikimedia Commons.

Pour s’en inspirer davantage, voici l’historique des projets Crotos et Palladia sur WikiArchives, avec un lien complémentaire vers un billet de Marie D. Martel datant de 2017 mais qui demeure tout à fait pertinent: #wikimania Le modèle d’une pratique professionnelle alternative à bâtir avec les GLAMs.

Cette réutilisation des données dans les deux sens — dans l’environnement ouvert et collaboratif de Wikidata et dans la perspective spécifique d’une institution — présente de précieux avantages:

Impulsion d’une véritable transformation

Un projet de données ouvertes et liées peut contribuer à la transformation d’une organisation dans un contexte numérique. Il ne s’agit pas d’informatisation, mais d’un projet fédérateur qui peut transformer les rapports à l’information et à la communication. Si c’est un choc culturel pour certaines institutions, c’est potentiellement un environnement d’apprentissage et, au final, une véritable transformation numérique pour toute forme d’organisation.

Modernisation d’un système de gestion documentaire

Des données liées offrent un énorme potentiel de découverte et de connaissance car elles ne sont pas figées dans un modèle où les relations sont prédéfinies. Ceci accorde à une base de données en graphe (appelée aussi graphe de données liées) la capacité d’effectuer du raisonnement, ce que la technologie des bases de données classiques n’offre pas.

Contournement des défis du Web sémantique

Wikidata réduit considérablement les coûts, délais et expertises requises pour la réalisation d’un projet de données ouvertes et liées en fournissant, entre autres, la plateforme et l’ontologie. Bien plus complexe qu’un vocabulaire, une ontologie est la spécification d’une conceptualisation, à l’aide de types d’objets, de leurs propriétés et de leurs différents types de relations. C’est un exercice d’abstraction réalisé par un petit nombre de spécialistes

Interopérabilité accrue des données

L’ontologie qui permet de modéliser les données pour Wikidata n’est pas conçue pour représenter le concepts propres à chaque domaine de connaissance. C’est un avantage: alors qu’une base de données classique est conçue pour répondre aux besoins et usages d’un domaine ou discipline, Wikidata ne cloisonne pas la connaissance et favorise, de ce fait, les interconnexions.

Petit rappel

Une base de données classique et un graphe de données liées ne sont pas exploitables pour les moteurs de recherche comme Google.

Deux grands défis d’un projet de données

Un projet de données liées comporte des défis qui doivent impérativement être identifiés et analysés en amont de toute conception ou acquisition de technologie. Voici deux de ces défis:

Expérience de recherche

Des données liées doivent permettre d’offrir des fonctions de recherche différentes de (et supérieures à) celles d’une base de données classique.

Une recherche par auteur, titre et sujet n’apportera pas de nouvelles connaissances. Les critères d’une recherche avancée ne sont pas de bons moyens pour faire découvrir une collection à qui ne cherche rien en particulier.

Mobilisation des utilisateurs(trices)

Changer le comportement de personnes qui accèdent à de l’information en posant simplement une question (Google, ChatGPT) ou de façon passive (flux des réseaux sociaux) est très certainement l’un des plus grands défis des nouvelles base de données en ligne.

Comment faire d’un site une destination préférée pour chercher ou découvrir de l’information? Hélas, nombreux sont les projets qui ne reposent que sur une campagne de promotion pour modifier des habitudes devenues des réflexes.

Wikidata: oui, mais pour des résultats concrets

Le versement de données dans Wikidata ne devrait pas être promu comme une bonne pratique de référencement web et de découvrabilité sur Google.

Cependant, un projet avec Wikidata peut faire converger deux buts: développer une culture de la donnée et amorcer une véritable transformation numérique impliquant de nouveaux modes d’organisation et de collaboration.

Découvrabilité: des métadonnées, oui, mais dans quel but?

Machinerie (chaîne de montage)
Machine à produire des résultats. Tetra Pak [CC BY-SA 2.0], Wikimedia Commons
Il faut encore le répéter: produire des métadonnées n’est pas une stratégie et se contenter d’intégrer des balises Schema.org dans une page web ne garantit pas nécessairement la découvrabilité d’une offre. À l’inverse, par contre, une bonne stratégie permet de choisir les bons outils et les bonnes métadonnées.

Retour sur des notes prises en lisant des propositions de projets numériques.

À la recherche de la stratégie perdue

L’absence de réflexion stratégique est le talon d’Achille de la plupart des propositions de projets et de plans de découvrabilité. Pourtant, qu’il s’agisse de baliser des types de contenu à l’intention des moteurs de recherche ou de décrire des ressources dans un catalogue en ligne, la production de métadonnées utiles s’appuie sur la connaissance des publics cibles et des résultats recherchés.

La meilleure façon d’évaluer le résultat des efforts déployés pour qu’une offre ou un contenu rejoigne ses publics est de fixer des objectifs mesurables et réalistes. Et pour cela, il faut avoir élaboré une stratégie basée sur la connaissance du marché, des opportunités et des contraintes propres à l’organisation.

Les connexions entre votre offre et ses publics cibles

Les algorithmes des plateformes évoluent vers une personnalisation accrue des réponses qu’elles proposent en s’appuyant sur les profils de leurs utilisateurs. Nos sites web devraient faire de même en fournissant des éléments d’information qui « parlent » aux publics cibles et qui, conséquemment, facilitent le travail des moteurs de recherche.

Petit rappel: nous découvrons de l’information sur l’interface d’un moteur de recherche, mais c’est celui-ci qui la trouve. Et cela, en fonction d’un traitement algorithmique fondé sur :

  • la popularité (ou l’autorité) des contenus;
  • leur similarité avec le profil et l’historique de navigation de l’utilisateur.

Avant de tout miser sur des métadonnées

Voici quelques éléments clés sur lesquels réfléchir avant de déterminer les activités à réaliser dans le cadre d’un plan de découvrabilité:

  • Peu importe les activités évoquées par le terme, la découvrabilité n’est mesurable qu’à l’aide des objectifs déterminés par la stratégie. Pas de stratégie: pas d’objectifs donc pas d’évaluation des résultats. Et cela s’applique autant à une stratégie de promotion qu’à des initiatives de mutualisation de données et de modélisation de connaissances pour le web sémantique.
  • Les moteurs de recherche ne sont que l’un des vecteurs de la découverte. Celle-ci n’advient pas que par l’entremise de machines car la recommandation est encore largement sociale — réseaux sociaux, réseaux professionnels et académiques, bibliothécaires, libraires, médias et publications spécialisées. Les métadonnées ne sont que l’un des moyens à mettre en œuvre, au même titre qu’une page Facebook ou une chaîne YouTube, au service d’une stratégie.
  • Se contenter d’intégrer des balises ne permet pas aux moteurs de recherche de fournir aux utilisateurs les réponses correspondant le plus à leurs profils ni de différencier une offre au sein d’une même catégorie, comme des événements, par exemple.
  • Les deux cotés d’une même page :
    • Métadonnées dans le code HTML: les modèles Schema.org permettent aux moteurs de recherche de catégoriser des types de contenu.
    • Données dans le contenu d’une page web: certains éléments d’information repérables, tels que des entités nommées et des mots clés, facilitent la contextualisation et la personnalisation des résultats de recherche.
  • Il faut se tenir bien informé de l’évolution du moteur de recherche et de ses consignes d’utilisation avant d’indexer des offres avec Schema.org. Les objectifs de Google varient dans le temps, selon les types de contenu et selon les ententes qu’il conclut avec certaines grandes sources de données, comme par exemple, des plateformes musicales.
  • Un site web qui fournit de l’information structurée pour des machines et qui contribue à un écosystème de liens utiles pour des humains est un excellent investissement stratégique.
  • Tous les acteurs de l’écosystème numérique d’une offre culturelle contribuent au rayonnement de celle-ci par l’information offerte sur leurs sites web . Ceux-ci participent également au déploiement d’un réseau d’hyperliens fournissant des données contextuelles aux moteurs de recherche et des parcours de découverte aux humains.
  • Un bon plan de découvrabilité résulte d’une connaissance des publics cibles et de l’utilisation réfléchie et coordonnée de différents outils: référencement, modèles Schema.org, contributions à Wikipédia et Wikidata, publications sur des réseaux sociaux, campagnes de promotion et publicité.

Il n’existe pas de recette gagnante: une stratégie de visibilité et de rayonnement est spécifique à chaque projet. Le succès d’un plan découvrabilité dépend de choix qui sont alignés sur cette stratégie afin de publier la bonne information, dans le bon format, au bon endroit et pour le bon public.