Initialement publié dans le blogue de Direction informatique, le 2 octobre 2013.
Les systèmes informatiques et les sites Internet sont des parties intégrantes d’écosystèmes complexes. Or, demander à des fournisseurs de répondre à un appel d’offres pour la réalisation de projets numériques sans effectuer au préalable une véritable démarche d’analyse revient à demander à différents médecins de prescrire un traitement, basé uniquement sur une description de notre état de santé, sans examen, ni test. Un tel choix de traitement ne se ferait pas sans inquiétude.
Visibilité presque nulle
Il n’est pas surprenant de trouver dans les médias de nombreux cas de dépassement de coûts, comme celui du remplacement du système de commande de la Société de transport de Montréal. Bien que perçu comme un instrument de contrôle des coûts, le contrat à prix fixe est depuis longtemps décrié – cherchez « fixed cost projects » sur Google – comme un des principaux éléments qui contribuent à l’échec des projets en technologie de l’information. Cependant, peu de spécialistes se sont intéressés au problème de visibilité qui est courant dans un processus d’appel d’offres. Tim Bray, un développeur canadien qui a dirigé l’unité des technologies Web chez Sun Microsystems et qui travaille à présent au service des développeurs chez Google, s’est exprimé ainsi sur son blogue :
[…] that kind of thing simply cannot be built if you start with large formal specifications and fixed-price contracts and change-control procedures and so on. So if your enterprise wants the sort of outcomes we’re seeing on the Web (and a lot more should), you’re going to have to adopt some of the cultures and technologies that got them built.
Traduction libre :
Ce genre de chose ne peut être conçu si vous débutez avec de grandes spécifications formelles, des contrats à coûts fixes, des procédures de contrôle des changements et autres. Alors si votre organisation souhaite le genre de résultats que nous voyons sur le Web (et il y en aura plus encore), vous allez devoir adopter les cultures et technologies qui les ont rendus possibles.
À une note de veille que j’ai publiée en 2010, sur les projets dinosaures, Sylvain Carle avait ajouté, en commentaire, cette réflexion qui tient toujours la route :
Donc plus de petits projets, qui fonctionnent ensemble, sur des protocoles et standards web, small pieces loosely joined. Si c’est assez sécuritaire et « scalable » pour Amazon qui gère des millions en transaction chaque année, ça devrait être bon pour un gouvernement (en tenant compte des spécificités comme la vie privée, bien entendu, autre débat).
Complexité accrue
Les projets sont complexes parce qu’ils répondent à une variété de besoins et d’enjeux, dans un contexte qui change constamment. Ainsi, à une administration qui souhaitait faire développer une application pour publier des documents électroniques, j’ai soumis une liste d’éléments nécessaires à produire, dont voici un aperçu :
- Analyse détaillée du contenu (propriétaires, audiences cibles, besoins spécifiques, typologie des documents);
- Documentation de l’environnement technologique existant;
- Sélection d’un format de publication;
- Structure de classement;
- Modèle de métadonnées;
- Processus de traitement documentaire;
- Sélection d’un logiciel de gestion documentaire;
- Politique de gestion du système;
- Interfaces Web et gestion des accès.
S’agissant d’un projet qui semblait limité à la seule dimension technologique, ce fut pour certains une grosse surprise. Ces éléments constituent pourtant des informations essentielles afin d’assurer la visibilité nécessaire à la préparation des offres de services. Ils contribuent également à évaluer le degré de complexité d’un projet pour mieux s’y préparer. Devrait-on encore faire des appels d’offres pour la réalisation de projets numériques d’une façon similaire aux appels d’offres pour l’achat de mobilier de bureau ou le pavage des routes? Est-il possible de rédiger une proposition sans pouvoir effectuer une analyse et un diagnostic précis? Les appels d’offres sont le maillon faible de nombreux projets numériques. Sommes-nous trop peu nombreux à partager cette opinion?
Mise à jour – 3 octobre 2013
Merci pour la large diffusion et les commentaires reçus; ceux-ci témoignent de la pertinence du sujet. Mais selon vous, comment s’assurer de la réussite d’un projet (échéancier, budget, atteinte des objectifs)? Quels sont les obstacles à l’amélioration du processus d’appel d’offres?