Archives de catégorie : Faire le Québec numérique

Allons-nous vers une dette ou un déficit numérique ?

Dans un billet sur les enjeux des métadonnées, en culture, j’avais fait référence à la dette numérique. Fred Cavazza emploie cette expression pour qualifier les conséquences qui pèsent sur les organismes qui tardent à s’adapter adéquatement au changement.

Dette ou déficit numérique ? Cette question soulevée par un commentaire de Catalina Briceno, sur LinkedIn, est bien autre chose qu’un effet de style:

« notre dette numérique s’accroît »… j’espère que tu as raison. J’espère c’est bel et bien « une dette ». Cela sous-entendrait qu’il y a une capacité de « retour à niveau »… j’espère que ce n’est pas carrément un déficit… une perte pure… d’opportunités, de connaissances et de capacité d’action.

"Mind the gap", mise en garde en bordure du quai d'une gare ferroviaire.
Elliott Brown [CC BY 2.0], Wikimedia Commons
L’observation de Catalina met au jour un ensemble de questions qui témoignent de la complexité d’une problématique qui fait pression sur la culture et les médias depuis plus de 10 ans. Pour preuve, le sujet de ce billet sur le renouvellement du journalisme au secours des médias, n’a pas pris de rides.

Face aux pressions du changement, nous produisons des rapports et nous consultons.  Cependant, nous revenons invariablement aux solutions techniques et réglementaires qui font l’effet de la énième mise à jour d’un logiciel. Un logiciel qui ne serait plus ergonomique,  et  qui serait de moins en moins compatible avec de nouveaux usages et environnements.

Catalina faisait suite à ma publication, sur LinkedIn, concernant l’exploitation des données par les GAFA. Je souhaitais alors étayer un commentaire que j’avais partagé en appui à une perspective de Stéphane Ricoul, concernant la crise des médias.  Nous avons de trop rares occasions d’échanger des points de vue, hors de nos milieux respectifs. Je consigne ici, ma réponse à Catalina et les préoccupations qui accompagnent la plupart de mes missions.

Catalina, ce sera très probablement un déficit si nous persistons à financer des solutions de marketing (tablette, portail) pour résoudre des problématiques qui sont complexes et tranversales.

Nous nous contentons actuellement d’imiter les outils des entreprises qui, elles, ont investi dans du capital intellectuel et mis des années à développer d’autres modes de fonctionnement et de création de valeur.  Comment être aussi efficaces et attrayants (même pour nous, investisseurs boursiers), alors que notre compréhension du phénomène numérique est parcellaire et, trop souvent superficielle ?

Nous tentons de préserver une structure industrielle et des fonctionnements qui ne sont plus alignés sur nos propres ambitions économiques et sociales.  Parvenir, un jour, à encaisser les taxes des GAFAM, ne compensera pas l’absence de vision et la perte de connaissances.

Nos propres concurrences internes jouent contre nous, alors que nous faisons face à des entités unicéphales. Il faudrait élever le niveau de connaissances et élaborer une vision globale (et non sectorielle) et des actions transversales sur l’ensemble de nos activités.

Nous risquons, effectivement de faire face à un déficit numérique. Nous vivons dans une économie qui repose sur notre capacité à consommer toujours plus, et donc, à nous endetter. La dette (ou le déficit) numérique devient-elle, à nous yeux, aussi normale et naturelle que l’usage d’une carte de crédit pour contenter notre désir de bien-être ?

 

Produire des données : entre outils de marketing et bases de connaissances

La découverte optimisée pour les moteurs de recherche est-elle la  seule solution pour accroître la consommation de contenus culturels locaux ?  Sommes-nous à la recherche de nouveaux outils de marketing ou souhaitons-nous développer des bases de connaissances communes ?  Les résultats attendus à court terme, par nos programmes et partenaires  sectoriels, pèsent sur les choix qui orientent nos actions.

Google, je cherche un bon film à regarder

 

La découverte optimisée pour les moteurs de recherche

Google poursuit son évolution pour devenir notre principale interface d’accès à la connaissance. La tendance zéro clic est une  forme de désintermédiation des répertoires qui est similaire à celle que connaissent les sites des médias. Il y a quelques années que les réseaux de veille prédisent la transition des moteurs de recherche vers des moteurs de réponse.

Alors, est-il stratégique de baliser nos pages web avec des métadonnées (aussi appelées données structurées) pour que des machines comprennent et utilisent nos contenus dans leurs fiches de réponse ?

Améliorer le potentiel d’une information d’être repérée et interprétée par un agent automatisé est une bonne pratique à intégrer dans toute conception web, au même titre que le référencement de site web. Mais se contenter de baliser des pages  pour les seules fins de marketing et de visibilité n’est pas stratégique. Voici pourquoi:

  • Architecture de l’information conçue pour servir des intérêts économiques et culturels spécifiques.
  • Aucun contrôle sur le développement de la base de connaissances.
  • Uniformité de la présentation de l’information, quel que soit le pays ou la culture.
  • Modèle et vocabulaire descriptifs simples, mais adaptés à des offres commerciales (une bibliothèque publique est une entreprise locale).
  • Le moteur de recherche n’utilise que certains éléments du vocabulaire Schema.org et modifie son traitement des balises au gré de ses objectifs commerciaux (voir ce billet sur les mythes et réalité de la découvrabilité).

Des données pour générer de la connaissance

Les plans de marketing et de promotion ont des effets à court terme, mais ponctuels, sur la découverte. Cependant, nous devons parallèlement développer les expertises nécessaires pour concevoir de nouveaux systèmes de mise en valeur des offres culturelles et de recommandation qui répondent à nos propres objectifs. Ne pas également prioriser cette avenue, c’est accumuler une dette numérique et  accroître notre dépendance envers les plateformes et tout promoteur de solution.

Comme je l’ai souligné en conclusion d’un billet rédigé lors de recherches sur la découvrabilité et la « knowledge card » de Google, « , apprendre à documenter des contenus sous  forme de données est  une étape  vers le dévelopement de « nos propres outils de découverte, de recommandation et de reconnaissance de ceux qui ont contribué à la création et à la production d’œuvres. »

Pour cela, il faut élaborer collectivement nos propres stratégies pour faire connaître le contenu de répertoires et  rejoindre de nouveaux publics. Nous serions, alors, en mesure de concevoir des moyens  non intrusifs pour collecter l’information qui permet de comprendre la consommation culturelle.

Adopter une méthode de travail pour une réflexion stratégique

Concevoir et réaliser des projets autour de données liées (ouvertes ou non) demande un long temps de réflexion et d’échanges de connaissances entre des acteurs qui ont des perspectives différentes. L’initiative de la Cinémathèque québécoise peut être citée comme un excellent exemple de transformation organisationnelle par l’adoption d’une nouvelle méthode de travail.  Marina Gallet pilote ce projet qui vise à formaliser les savoirs communs du cinéma en données ouvertes et liées.  Elle a gracieusement partagé cette expérience lors de la dernière édition du Colloque sur le web sémantique.

Représentation de la diversité culturelle et linguistique

Il existe de nombreuses façons de décrire les oeuvres d’un album de musique ou un spectacle de danse. Pour représenter ces descriptions sous forme de données, il existe des modèles et vocabulaires pour différentes missions et utilisateurs.  Une part grandissante de ces vocabulaires est en données ouvertes et liées. Ces descriptions ne sont pas toujours structurées ou conformes aux standards du web, mais leur diversité est essentielle à la richesse de l’information. Il est vital que les vocabulaires utilisés pour décrire des offres et des contenus soient en français pour que la francophonie soit présente dans le web des données et qu’elle soit prise en compte par les systèmes intelligents.

Le Réseau canadien d’information sur le patrimoine annonçait ce printemps, la réalisation de la version française de référentiels en données ouvertes et liées. Philippe Michon, analyse pour le RCIP, explique comment ces référentiels essentiels au patrimoine culturel seront rendus disponibles en données ouvertes et liées.

Recherche augmentée: découverte selon les goût et l’expérience recherchée

Il faut cesser de reproduire des  interfaces et modes d’accès aux répertoires qui sont dépassés. On ne peut cependant améliorer la découverte sans investir le temps et les efforts nécessaires pour sortir de nos vieilles habitudes de conception.

Nos interfaces de recherche sont devenues obsolètes dès l’arrivée du champ unique des premiers moteurs de recherche. Nos stratégies de marketing de contenu pour le référencement de pages web  aident les moteurs de recherche à répondre à des questions, mais  effacent les spécificités en uniformisant l’architecture de l’information.

L’information qui décrit nos productions culturelles et artistiques est trop souvent limitée à des données factuelles. Il faut annoter des descriptions avec des attributs et caractéristiques riches et orientés vers divers publics et usages. Des outils d’analyse et de recommandation peuvent ainsi fournir de l’information ayant une plus grande valeur. Il ne faudrait pas espérer refiler ce travail à des intelligences artificielles: l’indexation automatique ne produira pas nécessairement des métadonnées utiles et pertinentes pour une stratégie de valorisation. De plus, il ne faut pas sous estimer la valeur que l’expérience humaine (éditorialisation, sélection, critique, mise en contexte) apporte à des services qui jouent un rôle prescripteur.

Soutenir le dévelopement de bases de données en graphes

La mise en valeur de répertoires et collections, ainsi que des actifs informationnels (textes, images, sons) d’organisations ne devrait plus reposer sur des bases de données classiques.  Les bases de données en graphes permettent de raisonner sur des données et de générer de la connaissance , en faisant des liens, à l’image de la pensée humaine:

Quelle est le parfum de glace préféré des personnes [qui] dégustent régulièrement des expresso, mais [qui] détestent les choux de Bruxelles ? Une base de donnée Graph peut vous le dire. Comment ? Avec des données de qualité, les bases de données Graph permettent de modéliser les données et de les stocker de la manière dont nous pensons et raisonnons dans le monde réel.

Ceci est tiré d’un bon article de vulgarisation sur les bases de données en graphe.

Choisir des méthodes de travail adaptées aux projets collectifs

Pour qu’un écosystème diversifié de connaissances (multidisciplinaire, multi acteurs) soit durable, il doit reposer sur la distribution des fonctions de production et de réutilisation des données entre des partenaires.  Il faut aussi réunir des initiatives collectives dans une démarche où le développement de connaissances et l’expérimentation ne sont pas relégués au second plan par des intérêts individuels ou commerciaux. Enfin, il faut élaborer et adopter de nouvelles méthodes de travail pour des projets collectifs.

Je reviendrai bientôt sur les éléments nécessaire pour la gestion participative d’une base de connaissances commune.

Architectures et bases de connaissances

Définir les finalités et les modalités des projets de liage de données est un long cheminement qui demande des apprentissages, des efforts concertés et du temps. Nos programmes devraient  être revus.  Mettre en place les conditions de réussite d’un projet collectif est un projet en soi. Il faut tenir compte d’un cadre de formation, d’une nouvelle méthode de travail et d’une progression dans la durée. Exiger des résultats à court terme oriente les projets vers des « solutions » et laisse peu de place à la remise en question des habitudes.

Nos initiatives doivent être conjuguées pour élaborer une architecture commune  de la connaissance.  Parce qu’elle sort du cadre de nos actions habituelles, c’est une avenue qui offre plus de potentiel, à plusieurs titres, que des stratégies de visibilité et de marketing.

Données d’usage et usage des données: une étude et un souhait

Comment encadrer l’exploitation des données des internautes canadiens sur les plateformes de diffusion de contenus culturels alors que nous peinons à comprendre leur fonctionnement ?

Comprendre ce qu’il se passe

À titre d’exemple,  contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas nos données qui ont le plus de valeur, c’est ce qu’en font les plateformes. L’analyse des données issues de nos interactions sociales et de notre utilisation des contenus leur permet de faire du ciblage comportemental et tout en développant une meilleure compréhension des produits et services à concevoir. Plus les données qui décrivent des contenus sont riches et détaillées, plus il devient alors possible d’identifier des caractéristiques susceptibles d’expliquer la relation entre l’utilisateur et le contenu. Pour cette raison, le croisement des données personnelles d’acheteurs de billets de spectacle avec une description d’offre limitée à un titre et une catégorie apportera peu d’éclairage sur les goûts, la motivation ou l’expérience recherchée.

Croisement de données descriptives et données d'usage.

C’est donc en pensant au besoin, pour les différents acteurs concernés, de développer une compréhension commune des enjeux que Destiny Tchehouali et moi avons rédigé une étude, commanditée par la Coalition pour la culture et les médias (CCM). Professeur et chercheur en communication internationale, à l’UQAM, Destiny est président du conseil d’administration d’ISOC Québec, organisme dont je fais également partie à titre d’administratrice.

Intitulée « Données d’usage et usage des données à l’ère des plateformes », cette étude à été réalisée dans le contexte de l’examen du cadre législatif de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. Elle dresse un état des lieux des principaux enjeux et défis liés à l’accès, à l’utilisation et à la gouvernance des données d’usages des plateformes de diffusion culturelle. Pour conclure, nous avons dégagé des pistes de recommandations pour un meilleur encadrement de l’utilisation des données:

  • Souveraineté numérique et responsabilité en matière d’accès et de collecte des données d’intérêt public
  • Concurrence, innovation et accès aux services
  • Neutralité d’Internet
  • Découvrabilité du contenu canadien et promotion de la diversité des expressions culturelles

Mieux apprendre un sujet complexe

Participer à cette étude m’a permis de constater, une fois de plus, la nécessité,  pour tous les acteurs du domaine culturel et tous ceux qui participent à l’élaboration de politiques publiques, de maîtriser des connaissances qui sont fondamentales pour rattraper notre retard numérique. Je ne fais pas référence à des outils et usages qui peuvent être enseignés au cours de sessions d’information. Je fais plutôt le souhait d’un programme avec une approche intégrée des volets stratégiques, technologiques, cognitifs et organisationnels  de l’information dans un monde numérique.

Projets de données: quel impact sur la transition numérique en culture ?

Salle de réunion

Dans la foulée des programmes de financement en culture, rares sont les propositions qui ne s’appuient pas sur la production ou l’exploitation de données. Nous devrions nous réjouir de la multiplication de telles initiatives car elles témoignent de la transformation progressive des modèles de pensée et des usages.

Cependant, deux constats témoignent d’une méconnaissance des conditions techniques et méthodologiques de cette transformation : de nouveaux concepts ne sont pas maîtrisés et la persistance de vieux modèles de gestion bloque la  transformation des organisations.

Voici des types de propositions, autour des données qui, sous certaines conditions, sont les plus susceptibles de favoriser la transition numérique des acteurs et des organismes culturels.

Schema.org: se représenter sous forme de métadonnées

Voici un exemple d’usage de ce que Google appelle « données structurées« . Il s’agit, en  fait, des métadonnées utilisées pour décrire des offres afin qu’elles soient interprétées par des systèmes automatisés. Le site de Patrick Watson,  musicien montréalais, contient les métadonnées décrivant les lieux , dates et salles où il se produit en concert.  Google proposera ses représentations lors de recherches sur l’artiste ou d’une simple question posée au moteur de recherche. Cette semaine, les utilisateurs géolocalisés près de certaines villes européennes se feront proposer des spectacles de M. Watson. Les offres apparaîtront en décembre pour les utilisateurs  du Québec et de l’Ontario.

Cette technique qui vise à améliorer la découvrabilité des offres est, à présent, incontournable. Rater le test des données structurées , pour un événement ou un produit culturel, c’est dépendre uniquement d’activités de promotion pour être proposé à un public. Et c’est également ne pas rentabiliser un investissement dans un site Internet.  Cependant, si celui-ci n’est plus une destination principale pour les internautes, il est un point de référence essentiel pour la validation de l’identité numérique.

Impact: culture de la donnée et identité numérique

Apprendre à indexer une offre (la représenter à l’aide de métadonnées) permet à chacun de développer sa littératie numérique ainsi qu’une culture de la donnée. Une bonne initiative viserait à former et à équiper les acteurs culturels afin qu’ils définissent eux-mêmes les données qui les concernent et qu’ils intègrent cette pratique à leurs processus et stratégies. Confier à d’autres le soin de décider de la façon de se représenter n’est ni formateur et ni stratégique.

Une description d’offres personnalisée et éloquente requiert cependant une bonne connaissance des principes d’indexation et de la structure logique du modèle Schema.org. Ce sont des compétences que des bibliothécaires et spécialistes de la documentation pourraient aider à développer auprès des acteurs du milieu culturel et artistique et des agences web.

Données ouvertes: développer une vision sur les données et leurs usages

Les données ouvertes ne constituent pas une technologie mais un moyen de mise à disposition de données selon des licences d’utilisation spécifiques. Libérer des données est, en soi, un projet auquel on doit accorder les ressources et le temps nécessaires pour produire un jeu de données répondant à des besoins. Les fichiers de données ouvertes peuvent être décrits à l’aide de métadonnées Schema. Ceci ne rend cependant pas  les données qui y sont contenues, accessibles et interprétables par des moteurs de recherche.

Impact: interdisciplinarité et orientation utilisateurs

La libération de données facilite la réutilisation des données de collections, catalogues ou fonds documentaires dans le cadre de la stratégie de visibilité et diffusion d’un organisme culturel. C’est un projet qui peut transformer des pratiques et des processus de façon durable, à la condition d’adopter une nouvelle méthode de travail collaboratif et de gouvernance de données. NordOuvert, un organisme a conçu une trousse d’outils maison pour données ouvertes pour le gouvernement canadien.

Données ouvertes et liées :  capitaliser sur des actifs numériques

Un musée pourrait décrire ses événements pour des moteurs de recherche, avec des métadonnées Schema.org. Mais serait-il pertinent de documenter ainsi tous les éléments d’une collection ? Cette question peut faire débat pour diverses raisons. Le modèle descriptif des moteurs de recherche répond à leurs propres objectifs stratégiques. Le risque encouru est l’effacement de la diversité des perspectives au profit d’un modèle uniforme et d’une certaine vision du monde. Il est également souhaitable, pour un état, de minimiser sa  dépendance à l’un des plus puissants acteurs du numérique pour l’organisation des données de la culture et du patrimoine. C’est pour ces raisons que plusieurs initiatives de données ouvertes et liées ont émergé depuis plusieurs années, à travers le monde.

Le terme « données ouvertes et liées » désigne des données qui sont ouvertes et qui peuvent être  interprétées et liées entre elles par des humains et des machines si elles sont exprimées et publiées selon les standards du web. Faire un projet de données liées est très exigeant, en ressources,  en expertises et, surtout, en temps. Ce sont des activités qui peuvent se dérouler sur plusieurs années afin de s’assurer de la cohérence des modèles de données et des liens.

Impact: responsabilisation et pouvoir d’agir sur les données

Malgré sa complexité, une véritable initiative de données ouvertes et liées peut amener une organisation à passer d’une gestion de projet centralisée à une véritable démarche collaborative, à l’interne et avec des partenaires. La transition numérique repose sur une profonde transformation des modes de gestion de l’information. Une solution issue d’un travail collaboratif a plus de chances de produire des résultats satisfaisants et durables pour tous qu’un projet classique. La production de données devient alors une responsabilité distribuée au sein d’une organisation et, par extension, au sein de son écosystème.

On ne saurait parler de production de données sans mentionner le nombre croissant d’initiatives s’appuyant sur l’infrastructure de Wikidata pour exposer des données ouvertes et liées.  Art Institute of Chicago est une des institutions ayant récemment ajouté les données de ses collections et plus de 52 000 images d’oeuvres en licence Creative Commons 0 (domaine public). Cette institution, comme tant d’autres, sort du périmètre habituel de sa stratégie de développement de publics pour expérimenter d’autres formes de circulation de l’information.

Transition: de projets à initiatives

Une initiative de données structurées, ouvertes ou liées constitue une opportunité pour une véritable transition numérique. Comme l’affirme un chercheur du MIT Media Lab dans un billet sur la nécessité de développer une littératie de la donnée: «You don’t need a data scientist, you need a data culture » :

  • Leadership: priorise et investit dans la collecte, la gestion et l’analyse de données / la production de connaissances.
  • Leadership: priorise une littératie de la donnée créative pour l’ensemble de l’entreprise, et pas seulement pour les technologies de l’information et la statistique.
  • Membres du personnel: encouragés et aidés à accéder aux données de l’organisation, à les combiner et à en tirer des conclusions.
  • Membres du personnel: savent reconnaître les données. Ils proposent des façons créatives pour utiliser les données de l’organisation afin de résoudre des problèmes, prendre des décisions et élaborer des narratifs. (traduction libre)

Ce ne sont donc ni une mise à niveau technologique, ni l’acquisition de nouveaux usages qui opéreront cette transformation.  C’est plutôt l’adoption de nouveaux modes de gestion de l’information: la décentralisation des prises de décision, l’abolition des silos organisationnels et la mise en commun de données. Pour demeurer pertinents dans un contexte numérique, nous ne pouvons faire autrement que d’expérimenter des méthodes collaboratives. Nous pouvons réussir à plusieurs ce qu’il est trop périlleux d’entreprendre individuellement. Soutenir des initiatives de données sans s’engager dans cette voie limiterait considérablement l’impact des investissements en culture.

Web sémantique: de choc culturel à transformation numérique

 

Transformation numérique: de réseau centralisé à décentralisé, puis distribué.
Par Aleixmateuc [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], de Wikimedia Commons
On ne passe pas des silos de bases de données classiques aux graphes de données liées sans remettre en question des méthodes de travail et des habitudes. Par les changements qu’il entraîne, un premier projet web sémantique constitue un choc culturel, un environnement d’apprentissage et, au final, une véritable transformation numérique pour toute forme d’organisation.

C’est que nous avons pu constater au fil des présentations de la troisième édition du Colloque sur le web sémantique au Québec. Quelle que soit la nature de la problématique, du projet et du secteur d’activité considéré, tous les conférenciers ont fait état de changements nécessaires pour profiter des avantages du web de données.

Ces changements se manifestent à plusieurs niveaux: technologique, organisationnel, culturel, professionnel et structurel.

De fragmentation à intégration

Changement technologique – Le web sémantique permet de fournir des solutions aux problèmes d’interopérabilité des systèmes en affranchissant les données des environnements matériels et logiciels ne favorisant pas les interconnexions. Il devient donc essentiel, pour les professionnels de l’informatique, de se familiariser avec les graphes de données liées et d’adopter des standards ouverts qui permettent de sortir les données des silos des bases de données classiques. Ces nouvelles connaissances sont nécessaires à l’accompagnement des autres secteurs métiers et à ce que le service informatique contribue à l’élaboration d’une définition partagée des normes, règles et processus pour la qualité des données.

▷ Pour aller plus loin: démonstration très accessible des limites de  la base de données classique et des possibilités qu’offre le graphe de données liées pour le traitement des connaissances, par Gautier Poupeau, architecte de données à l’Institut national de l’audiovisuel (INA), France.

De centralisation à distribution

Changement organisationnel – Un projet de données liées (ou ouvertes et liées) est une démarche interdisciplinaire et collaborative. À l’image du Web, qui ne se développe pas de façon centralisée mais distribuée, la qualité des données devrait être une responsabilité partagée par toutes les fonctions d’une organisation.

Pour avoir des données et métadonnées utiles, il faut améliorer les compétences des personnes qui les produisent par l’apprentissage des bonnes pratiques — comme l’usage de référentiels communs pour catégoriser des documents et l’utilisation d’outils qui favorisent l’accessibilité et le partage de données. Ceci implique également, une maîtrise du cycle de vie des données (création/collecte, traitement, analyse, conservation, accès, réutilisation) par tous les services.

Dans cette même perspective, la résilience et les bons résultats d’un projet de données liées se fondent sur de nouvelles méthodes de travail qui visent la décentralisation des décisions relatives à l’identification des problématiques, à la priorisation des projets et à la proposition de solutions. C’est une étape clé vers l’adoption de systèmes distribués et de modes de direction et d’action plus agiles et plus propices à l’innovation que les structures hiérarchiques.

▷ Pour aller plus loin: conférence de Diane Mercier, docteure en sciences de l’information, sur le web sémantique et la maturité informationnelle de l’organisation (2016). Après une véritable transformation numérique, la prise en charge de la qualité des données n’est plus uniquement du ressort de l’informatique, mais de tous les métiers et la gouvernance des données n’est plus fragmentée, mais globale.

D’uniformisation à harmonisation

Changement culturel – Lorsque différents acteurs internes et externes sont appelés à contribuer à la production de données liées, il n’est pas rare d’assister à une confrontation des savoirs, des perspectives et des vocabulaires utilisés. Pourtant, dans un projet de données liées, plusieurs modèles, standards et vocabulaires peuvent cohabiter dans un même système pour autant que ceux-ci soient conformes aux normes techniques du web sémantique. Il ne s’agit pas d’uniformiser les façons de décrire des ressources, mais de normaliser les référentiels pour les rendre interopérables, la diversité des perspectives venant alors enrichir la connaissance que nous avons de ces ressources.

Il est d’autant plus important d’accueillir cette diversité des pratiques descriptives que, dans divers domaines allant de la muséologie aux administrations publiques, nous sommes amenés à prendre conscience des biais culturels véhiculés par les différents modèles de représentation et de classification en usage au sein des organisations.

▷ Pour aller plus loin: exemple d’ONOMA, un projet du Ministère de la Culture et de la Communication (France) visant à lier les différents référentiels qui décrivent des auteurs, créateurs, producteurs et personnalités intervenant dans le cycle de vie d’un bien culturel. Une démarche d’harmonisation similaire peut être mise en œuvre dans bien d’autres domaines.

De technocentrisme à interdisciplinarité

Changement professionnel – Comment des spécialistes des TI et des sciences de la donnée peuvent-ils travailler sur le traitement de la connaissance d’un domaine hors de leur champ de compétences? Un projet web sémantique comporte des défis de nature technique et conceptuelle pour lesquelles il est impératif de rassembler une diversité de perspectives et d’expertises. Notamment, en ce qui a trait à l’organisation et au traitement de l’information, comme l’indexation de documents, la modélisation des connaissances ou la linguistique.

▷ Pour aller plus loin: billet de Fred Cavazza, spécialiste des transformations numériques, sur le rôle central des experts métiers dans des projets de traitement de données, dont des systèmes d’intelligence artificielle.

Du court terme au long terme

Changement structurel – Les programmes qui soutiennent organismes et secteurs d’activité sont généralement orientés vers l’atteinte de résultats à court terme. Or, il ne faut pas attendre de résultats immédiats de projet de données liées. Il y a donc peu d’incitatifs, pour les organisations, à réaliser des projets leur permettant d’entrer dans l’économie de la connaissance. Pour ce faire, il faut adapter les politiques et programmes afin d’encourager les investissements à moyen et long termes. Ceux-ci donneront lieu à des initiatives telles que des preuves de concept ou des prototypes, préalables nécessaires de projets plus ambitieux.

▷ En résumé – Le web sémantique ne constitue pas uniquement une évolution technologique mais avant tout une transformation profonde des modes de gestion de l’information et de gouvernance des données. Il nécessite la mise en place de nouvelles façons de travailler, tant pour la décentralisation des prises de décision que pour l’abolition des silos informationnels et la mise en commun de l’information.

Transformation pour un monde numérique

Le web sémantique nous amène à envisager le numérique comme un écosystème d’acteurs métiers et de moyens technologiques interdépendants. Contrairement aux projets informatiques « traditionnels », il nécessite l’aménagement d’un environnement d’apprentissage collaboratif et de conversations transversales dans l’organisation. Sa finalité est de faire émerger l’intelligence collective permettant de produire de la connaissance et non de développer des systèmes.

Découvrabilité et métadonnées: nous sommes nuls en documentation de contenu

La documentation des contenus devient un enjeu prioritaire quand des moteurs de recherche deviennent moteurs de réponses et de suggestions. Surtout dans le domaine des arts et de la culture.  Curieusement,  nombreuses sont les initiatives qui font dans le dilettantisme en matière d’information numérisée. Car le problème est bien d’ordre documentaire.  Petite mise en perspective à la lumière de l’actualité.

Comment nettoyer les écuries d'Augias par Christian Fauré
Comment nettoyer les écuries d’Augias, par Christian Fauré (via Gautier Poupeau, lespetitescases.net)

« From search to suggest» (Eric Schmidt, Google)

Les ventes d’enceintes acoustiques intelligentes (smart speakers) dépassent celles d’autres équipements électroniques  comme les casques de réalité  virtuelle ou les vêtements  connectés. Les grandes plateformes et leurs partenaires (de nombreux manufacturiers d’enceintes acoustiques) se livrent à une concurrence effrénée, enchaînant les itérations afin de lancer et tester de nouveaux modèles.

/…/ smart speakers have become the fastest growing consumer technology in recent times, surpassing market share gains of AR, VR and even wearables.
Smart speakers are now the fastest-growing consumer technology

Depuis peu, certains constatent que ce sont des applications et des algorithmes qui nous pointent ce que nous devrions voir ou écouter.

/…/ how consumer power can meaningfully express itself within the “Suggest” paradigm, if consumer power will continue to exist at all. If the Amazon Echo, Google Home, or whatever else that comes down the pike becomes the primary way of consuming podcasts, the radio, or music, what does the user pathway of selecting what to listen look like? How are those user journeys structured, how can they be designed to push you in certain ways? (The “Power of the Default,” by the way, is a very real thing.) How would discovery work? Which is to say, how does the market look like? Where and how does the consumer make choices? What would choice even mean?
If podcasts and radio move to smart speakers, who will be directing us what to listen to?

C’est un constat que partagent plusieurs observateurs des changements qui sont à l’oeuvre dans le web , notamment chez ceux dont la puissance s’est établie sur l’indexation et le classement de l’information. Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France, est l’un de ces observateurs.

Dans tous les cas, la problématique des assistants vocaux est de passer d’un monde où on pouvait faire des recherches mises en ordre par des algorithmes, nous laissant le choix de cliquer sur le résultat de notre choix, à un monde dans lequel les besoins seront anticipés avec la proposition d’une réponse unique. Il faut donc que lorsque nous avons la bonne réponse, nous puissions être trouvés et écoutés au bon moment. C’est très compliqué, c’est nouveau pour tout le monde. Les radios ont un atout : elles partent avec un temps d’avance puisqu’elles ont une matière première. Par contre, ça ne veut pas dire que ce sera automatique. Il y aura des challenges, notamment pour réussir à être des réponses pour ces assistants vocaux.
La radio en 2018 vue par Laurent Frisch

Penser/Classer (George Perec)

Nous avons un problème: nous avons abandonné l’indexation et le classement de nos ressources à des bases de données qui ne sont pas conçues pour être interopérables avec d’autres systèmes et à des spécialistes des technologies qui n’ont ni les compétences en documentation, ni les connaissances du domaine (ontologies, taxonomie).

Nous avons cessé d’investir temps et ressources dans la documentation de nos contenus lorsque la micro informatique est entrée dans nos organisations. Nous nous sommes fiés à des structures proposées par des programmeurs guidés par leurs propres objectifs et compréhension pour créer des métadonnées et des systèmes de classement. Ces systèmes nous interdisent toute visibilité sur nos contenus, collections et répertoires et toute possibilité de lier nos données aux autres données mondiales afin que nos contenus demeurent pertinents et génèrent de  la connaissance.

Les enjeux de la découvrabilité, les métadonnées propriétaires et non standards,  ainsi que la faible qualité des données sont avant tout un problème documentaire du à l’ignorance ou au rejet de méthodes et normes qui, pourtant, existent et évoluent. Ce problème ne pourra être  résolu que si nos stratégies numériques, ainsi que nos institutions d’enseignement,  passent d’une vision technocentriste à une vision systémique du numérique.  Concrètement, cela implique l’ajout de la littératie de l’information (de quoi est faite l’information numérisée et comment circule-t-elle) aux programmes de formation, l’adoption de normes pour l’acquisition et le développement d’applications et l’inclusion des compétences en sciences de l’information à toute démarche autour des données.

Comme l’a si clairement expliqué Fabienne Cabado , directrice générale du Regroupement québécois de la danse, dans un récent billet, c’est notre modèle de pensée et nos réflexes qu’il faut changer.

/…/le virage numérique ne consiste pas à numériser nos archives ni à produire les plateformes les plus grandioses, mais plutôt à transformer nos manières de regarder le monde, de le penser, de le construire et d’y évoluer. Ils l’ont dit et répété: l’innovation réside avant tout dans l’adoption d’une pensée systémique.
Perspectives numériques

En attendant  que nos leaders prennent la mesure du problème et apprennent à se servir d’autres solutions que celles auxquelles ils sont habitués, il est encourageant de constater le cheminement des idées et leur assimilation par les têtes pensantes du secteur culturel.

Que faire pour multiplier l’impact des initiatives numériques ?

Comment multiplier la portée des programmes de soutien à la transformation des organisations dans un contexte numérique ? En favorisant des initiatives qui ont pour objectifs des résultats  durables et transmissibles à d’autres individus, organismes ou secteurs d’activités.

Ceux qui tirent la plus grande partie des bénéfices d’une économie numérique sont ceux qui en maîtrisent les concepts clés (collecte de données, organisation et classification de l’information, traitement algorithmique) et qui prennent les moyens pour profiter du réseau (contenu généré par les utilisateurs, mobilisation de capital intellectuel).  Nous ne pouvons cependant pas tenter d’imiter des modèles qui ont nécessité des investissements colossaux et qui, après des années d’expérimentation, constituent des entités aussi riches et puissantes que des états. Mais nous ne devons pas non plus demeurer des fournisseurs de données et de contenus.

C’est pourquoi des programmes d’aide à la transformation numérique et à l’innovation, quel que soit le secteur d’activité, devraient permettre d’accroître de manière plus efficace nos connaissances en matière d’information numérisée , et de favoriser la collaboration entre organismes pour concevoir et expérimenter d’autres modèles de création de valeur.

Voici 3 notions qui sont essentielles pour sortir des vieux modèles :

1 – L’information avant les moyens technologiques

Découvrabilité, métadonnées, mise en commun de données, diffusion de contenu: bien avant d’être du développement logiciel ou la mise en place d’infrastructures, c’est un travail sur la définition et l’application de principes de traitement et d’organisation de l’information.

Découvrabilité dans le web des données

La mise en nombres binaires de l’information (soit des suites de 1 et de 0 qui représentent des caractères, puis des mots) est ce qui rend son traitement et sa transmission possibles par des machines. Par contre, pour que cette information numérisée puisse être repérable, « comprise » et exploitable par des machines qui sont, à présent, en quête de sens, il faut :

  • Décrire les données pour qu’elles soient lisibles et utilisables pour des machines.
  • Publier les données dans le web selon les standards du W3C pour les données ouvertes et liées (Linked Open Data).

De plus, pour rendre cette information découvrable dans le web, il faut préalablement réaliser une étape essentielle:

  • Libérer les données qui décrivent des ressources (contenus culturels, patrimoine vivant et immatériel, produits, services, etc.).

2 – Les données comme actif plutôt que matière première

Nous souhaitons que les moteurs de recherche et autres types de technologie utilisés pour ratisser le web repèrent les données qui décrivent nos contenus, produits et services.  Or, nous persistons à considérer la donnée comme une ressource alors que dans une économie numérique, il s’agit d’un actif. Cette nuance est extrêmement importante puisque cette ressource n’a de valeur que si elle est rare. Nous pourrions, par exemple, avoir à payer pour obtenir les données qui décrivent les titres d’un répertoire musical. Cependant, les données ne seraient donc pas repérables et accessibles pour les humains et les machines.

Considérer les données comme un actif permet de capitaliser sur la valeur de l’information qu’elles permettent de générer et sur le potentiel de découvrabilité qu’elles accordent aux contenus qu’elles décrivent.

3 – Travailler ensemble autour des données

Collaborer au sein d’une même organisation, à travers les disciplines ou entre organismes favorise l’émergence d’idées novatrices et permet de surmonter des problématiques complexes. Travailler sur des données en diversifiant les perspectives permet de générer de l’information utile pour divers objectifs, domaines d’activité et types d’utilisateurs. C’est pourquoi des initiatives qui sont mises en oeuvre par des équipes pluridisciplinaires ont de meilleures chances de succès.

Travailler ensemble sur la valorisation ou la mise en commun de données, que ce soit au sein d’un même organisme ou en partenariat avec d’autres organisations, requiert l’adoption de véritables méthodes collaboratives, notamment, pour que des enjeux relatifs à la gestion des données  et au processus décisionnel ne viennent faire obstacle à l’atteinte des objectifs.  En s’éloignant  des dynamiques de contrôle et de subordination habituelles, il est possible d’instaurer un climat de confiance et la cohésion nécessaires à un travail collaboratif.

Un vrai modèle collaboratif n’est pas centralisateur: chacun des contributeurs d’un système de traitement ou de mutualisation de données est responsable de leur production et de leur qualité.. Ceci a pour effet d’assurer une gouvernance équilibrée du système  et le transfert et développement de compétences au sein de chacune des organisations.

Pour cela, il faut apprendre à élaborer des démarches de projets qui fédèrent les participants autour d’un objectif commun tout en reconnaissant les bénéfices individuels et les limites de chacun. Ainsi, les initiatives et projets peuvent profiter du partage de connaissances au sein de réseaux internes et externes.

Pas d’évolution numérique sans maturité informationnelle

Voici la démarche des 5 étoiles du web des données, tel que conçue  par Tim Berners-Lee et soutenu par les recommandations du W3C.

∗ Rendez vos données disponibles sur le Web (quel que soit leur format) en utilisant une licence ouverte.
** Rendez-les disponibles sous forme de données structurées (p. ex., en format Excel plutôt que sous forme d’image numérisée d’un tableau).
*** Utilisez des formats non exclusifs (p. ex., CSV plutôt que Excel).
**** Utilisez des URI pour identifier vos données afin que les autres utilisateurs puissent pointer vers elles.
***** Reliez vos données à d’autres données pour fournir un contexte. (Cote de degré d’ouverture des données, Gouvernement ouvert, Canada).

Les 5 étoiles des données ouvertes et liées

 

Voici l’échelle de la maturité informationnelle des organisations, telle qu’illustrée par Diane Mercier dans le cadre de sa thèse doctorale sur le web sémantique et la maturité informationnelle des organisations.

Thèse doctorale et références : Web sémantique et maturité organisationnelle sur Zotero. 

Schéma de la maturité informationnelle des organisations

Ces deux modèles participent de la même démarche graduelle et progressive vers l’ouverture et la participation, grâce à l’adoption de principes communs. C’est cette transformation que  des initiatives numériques devraient permettre d’amorcer pour le bénéfice d’organismes et entreprises et, plus largement, pour la résilience d’un secteur d’activité ou d’un écosystème.

Découvrabilité : quand les écrans ne sont plus nécessaires 

Présentation donnée lors de la clinique d’information du Fonds Bell, le 17 octobre 2017, à la Cinémathèque (Montréal).

Mise à jour (16 février 2018):  Cette présentation accompagnait le lancement du guide Êtes-vous repérables ? Guide pratique pour documenter vos contenus , réalisé pour le Fonds indépendant de production, avec la collaboration de TV5.ca et l’appui de la SODEC .

La découvrabilité qui devrait intéresser plus particulièrement tout créateur et producteur de contenus résulte de la présence, dans le web, de données descriptives qui sont intelligibles et manipulables par des machines. Il ne s’agit pas de campagnes de promotion, ni de référencement de pages web, mais de la documentation de  contenus (textes, images, vidéo, enregistrements sonores et toutes autres types de ressources).  Ces trois types d’activité visent des objectifs spécifiques et complémentaires.

Les changements qui affectent la visibilité et la découvrabilité

La plus grande proportion du trafic sur le web est portée par les petits écrans mobiles.

Graphique: le trafic web est porté par les écrans mobiles

Liens utiles:
Smartphones are driving all growth in web traffic
Search engine market share – Mobile – Canada
Cahier de Tendances N°11 : au delà du mobile, France Télévisions

Les moteurs de recherche s’adaptent aux petits écrans.
Lorsque l’information qui décrit un contenu est disponible dans un format que les moteurs peuvent traiter, la liste des résultats de recherche passe au second plan.

Face à la surabondance d’information et de contenus, la pertinence de la recommandation devient un facteur important de fidélisation.

Google - Résultat de recherche sur téléphone

Recherche vocale et assistants virtuels: l’information sans écran.
Plus de 30 millions d’assistants vocaux dans les foyers, aux États-Unis, d’ici la fin de l’année

Assistants virtuels ou assistants vocaux

Liens utiles:
More than 30 million ‘voice-first’ devices in US homes by year end [Report]
Report: 57% of smart speaker owners have bought something with their voice
Gartner Predicts 30% Of Searches Without A Screen In 4 Years

Ces nouvelles interfaces du web n’ont pas d’écran et ne peuvent dont nous répondre en nous fournissant une liste de résultats.
« Enfin et c’est cela qui pose à mon sens le plus gros problème dès que l’on sort de la seule sphère « commerciale », il y a … « le choix d’Alexa », c’est à dire l’idée que bien sûr Amazon / Alexa ne va pas nous « lire » une série de réponses suite à notre requête mais nous en proposer une seule, mettant naturellement en évidence des produits vendus par la marque hôte.» (La voix et l’ordre, billet d’Olivier Ertzscheid).

Moteurs de réponses et de suggestions
Lorsque les données qui décrivent un contenu sont accessibles, intelligibles et manipulables par des applications, elles peuvent être triées par des algorithmes et liées à d’autres données qui décrivent un même auteur, lieu, création, objet, producteur, etc.  Un contenu peut se trouver sur la parcours d’un internaute des décennies après sa création.

Liens utiles:
Les sites web sont-ils en voie de disparition ?
#DIVERTISSEMENT Les algorithmes vont-ils mettre fin à la tyrannie du choix ?
How Netflix will someday know exactly what you want to watch as soon as you turn your TV on

Les moteurs de recherche comprennent-ils nos contenus?

Les pages web sont faites pour être lues par des humains. Les machines ne comprennent pas le contenu de la page, mais elles peuvent manipuler des données qui s’y trouvent  lorsque celles-ci sont mises en contexte grâce à des métadonnées et sont dans un format qu’elles reconnaissent.

Pour savoir si un moteur de recherche peut faire des liens entre votre websérie et d’autres informations disponibles dans le web, il suffit de chercher celle-ci afin de voir si une fiche d’information est produite.

Validation des données structurées: recherche de la série Carmilla.
Chez Google, la fiche d’information, appelée Knowledge card, est générée grâce à  la mise en contexte des données qui décrivent le contenu avec son modèle de classification des connaissances (Knowledge graph). Ces mêmes données descriptives sont mises en relation avec celles d’autres plateformes comme Wikidata (les données structurées de Wikipédia) et, selon le contexte, avec les données de plateformes spécialisées.

Dans le domaine du cinéma, de la vidéo et de la télévision, nous pouvons retrouver les données issues des agrégateurs IMDb (Internet Movie Database,  propriété d’Amazon), AlloCiné et Rotten Tomatoes. Notez que le contenu de ces plateformes n’est pas produit par une seule organisation, mais par des utilisateurs et/ou des producteurs de contenus.

Ce sont des données structurées qui, chez les moteurs de recherche comme Google et Bing , permettent de faire des liens sémantiques qui fournissent une description succincte ou détaillée  d’un contenu dans une fiche d’information. C’est cette fiche qui tend à occuper un espace de plus en plus important sur nos écrans.

De la même manière qu’il a fourni aux développeurs des instructions pour faciliter le référencement de sites web, Google fournit désormais des instructions et des outils pour encourager la production de données structurées. L’outil de test des données structurées détecte la présence de ces données dans une page web et, le cas échéant,  signale les erreurs à corriger et les améliorations possibles.

Google: validation des données structurées: page d'accueil de Louis-Jean Cormier.

Il est également possible de produire des métadonnées pour décrire un contenu qui est présent dans une page web sans connaître le modèle de métadonnées Schema et sans programmation. L’outil d’aide au balisage des données structurées qui est proposé par Google permet de copier les données qui sont encodées en JSON-LD, un format pour les données liées, et de les coller dans le code HTML de la page web où se trouve le contenu.

Google: outil de balisage de données structurées, page web de Vincent Vallières

Cet outil présente un intérêt supplémentaire: il indique les informations qui devraient apparaître dans la page de présentation d’un contenu. De trop nombreuses pages web où sont présentés des films, spectacles, livres, pièces musicales ou œuvres d’art ne contiennent pas le minimum d’information qui permettrait aux moteurs de recherche de les lier à d’autres informations dans le web.

Plus l’information qui décrit le contenu est détaillée et riche, plus grand est le potentiel de celui-ci d’être lié à d’autres contenus et donc, d’être découvert.

Documenter nos contenus, n’est-ce pas travailler pour Google et cie?

Documenter (ou indexer) un contenu, tout comme faire du référencement de pages web, c’est normaliser et organiser la  représentation de celui-ci.  C’est, effectivement, contribuer à l’amélioration continue des applications et des algorithmes des moteurs de recherche.

Mais c’est également une étape nécessaire pour apprendre à nous servir de nos données et, par la suite, développer nos propres outils de découverte, de recommandation et de reconnaissance de ceux qui ont contribué à la création et à la production  d’œuvres.

Vers un service public de la donnée culturelle ?

Google Pipes Datacenter, par Jorge Jorquera
Google Pipes Datacenter, Jorge Jorquera via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

Si la question de l’ouverture des données culturelles ne semble plus faire l’objet de débats intenses,  celle de l’accès aux données d’usage, (données relatives aux interactions des utilisateurs avec les contenus) est le nouvel enjeu essentiel du développement culturel et économique dans un contexte numérique. Un enjeu central de l’économie de la donnée qui intéresse les entreprises (par exemple, IBM), comme les états (ici, la Commission européenne).  Plus près de nous, un rapport de l’Observatoire de la culture et des communications fait état de la difficulté d’accéder à des données permettant de comprendre le comportement culturel des Québécois. .

Économie de la donnée: nouveaux oligopoles

Un article publié tout récemment dans The Economist soulève de nombreuses questions concernant l’accaparement des données d’usage par les géants du numérique. Il y est fait allusion aux lois antimonopoles qui visent à empêcher la domination du marché des produits pétroliers par un groupe industriel. Si la donnée est, à présent, devenue le pétrole des modèles d’affaires numériques, faudrait-il repenser les mesures antimonopoles afin d’assurer une dynamique de marché saine et une meilleure protection des données personnelles ? Serait-il même souhaitable que l’État s’en mêle ?

Governments could encourage the emergence of new services by opening up more of their own data vaults or managing crucial parts of the data economy as public infrastructure, as India does with its digital-identity system, Aadhaar. They could also mandate the sharing of certain kinds of data, with users’ consent—an approach Europe is taking in financial services by requiring banks to make customers’ data accessible to third parties.

Ce questionnement devrait également s’appliquer aux pratiques de nos institutions et entreprises culturelles, alors qu’elles doivent entreprendre les transformations nécessaires pour demeurer pertinentes dans un contexte numérique. On ne peut pas, d’un côté, s’élever contre le contrôle des données par les GAFA  (Google, Apple, Facebook, Amazon) et autres plateformes supranationales, et de l’autre, favoriser l’émergence d’acteurs dominants locaux qui opéreront le même contrôle.

À qui appartiennent les données d’usage ?

À ce titre, le Conseil national du numérique (ou CNNum), un groupe consultatif indépendant, en France, vient de publier un avis sur la libre circulation des données à l’intention de la Commission européenne afin de faire opposition aux lobbys qui souhaiteraient l’édiction d’un droit de propriété sur les données. Ce qui pose la question de la propriété de ces données: appartiennent-elles à ceux qui les produisent (les utilisateurs), ceux qui fournissent les senseurs, ceux qui constituent les bases de données ou ceux qui sont les propriétaires de la plateforme ?

Le CNNum n’est qu’un des nombreux collectifs et organisations à exiger des états qu’ils prennent des mesures afin que les données d’usages ne soient pas accaparées par les acteurs dominants de secteurs industriels au détriment des petites et moyennes entreprises, ainsi que des intérêts des citoyens :

Si le Conseil souscrit au lancement d’une initiative européenne pour favoriser la circulation des données en Europe, il considère que les barrières à cette circulation se situent moins au niveau des frontières nationales qu’au niveau des stratégies de lock-in et de rétention de données entre acteurs économiques et que l’action de la Commission européenne devra poursuivre en priorité l’objectif de faire émerger un environnement de la donnée ouvert, favorable à la concurrence et à la diffusion des capacités d’innovation.

Données culturelles: une ressource collective

Le financement public de la culture devrait tenir compte des enjeux clés que sont le contrôle et l’accès aux données dans une économie numérique. Nous aurions intérêt à encourager la mise en commun des données culturelles plutôt que leur cloisonnement. Voici pourquoi:

  • La donnée est un bien non-rival
    Plusieurs utilisateurs peuvent en bénéficier simultanément; leur usage, duplication ou consommation n’entraîne pas de perte directe.

Mise à jour (2017-05-06) Suite à un commentaire très pertinent de Martin Ouellette, fondateur de l’ex-agence Commun (et un des rares publicitaires que j’admire), sur Facebook:
« Je considère que la donnée est un bien rival. Elle peut permettre des prédictions qui donneront un avantage concurrentiel. »
C’est probablement vrai quand on traite un jeu de données structurées et homogènes, provenant d’une source unique. M ais à présent, quand on constate la complexité du traitement nécessaire pour faire parler des données hétérogènes, non structurées et non alignées, l’avantage concurrentiel tient moins à l’accès aux données et beaucoup plus à l’accès aux ressources et expertises pour les nettoyer, les aligner et écrire les algorithmes qui permettent d’en tirer de l’information utile.

  • La valeur de la donnée réside dans ce qu’on en fait
    Comme l’affirme, Hal Varian, économiste en chef chez Google: ce sont les algorithmes, et non la quantité et la qualité des données, qui font une différence.
  • Les données dans des silos produisent moins de valeur
    On obtient une information plus riche par le croisement de données de sources diverses.
  • Produire et réutiliser des données requiert des investissements 
    La mutualisation des expertises et des ressources permettrait à tous les acteurs économiques participants d’acquérir des compétences sur la donnée et de développer une intelligence de marché qui sont essentielles pour la résilience de tout l’écosystème culturel.

L’exploitation collective de données culturelles serait plus favorable à l’émergence de nouveaux modèles d’affaires et la création de services, chez les petites et grandes entreprises. Elle permettrait de produire l’information qui fait actuellement défaut pour comprendre le comportement des consommateurs et repérer les opportunités de marché, et ce , où que ce soit dans le monde.

Culture et numérique : créer une nouvelle plateforme ou adapter le système ?

N’en déplaise à ceux et celles qui n’ont vu que dénigrement et manque d’ambition dans les réactions qui ont suivi la proposition d’Alexandre Taillefer (vidéo, 43:39 min.), celle-ci a favorisé des échanges révélateurs de la véritable nature de la transformation numérique à poursuivre. Proposer la création d’une nouvelle plateforme culturelle ne fait que remettre à plus tard les nécessaires adaptations qu’un système doit entreprendre pour durer et prospérer.

Frohawk Dodo

Face à complexité: la diversité des perspectives

La réaction de Sylvain Carle, exprimée à chaud lors de cette première édition du Forum Culture + Numérique, a été répercutée sur les médias sociaux.

Tellement pas d’accord avec la vison de plate-forme « du Québec pour le Québec » de @ataillefer. Un modèle anti-internet, anti-ouverture. #fcn

— Sylvain Carle (@sylvain) 21 mars 2017

À  l’émission de radio La sphère, diffusée le samedi suivant l’événement, Martin Lessard en a fait le sujet de sa chronique. Même les médias grands publics ont repris ce qui semblait une polémique, mais qui pourrait être le début d’échanges qui n’ont jamais eu lieu de façon ouverte et avec toutes les parties concernées.

Il y aurait pourtant lieu de faire converger les différentes lectures des causes et des symptômes du malaise croissant qui afflige plus spécifiquement les domaines des arts et de la culture dans le contexte de la transformation numérique. Ces quelques publications témoignent de la diversité des perspectives et des approches proposées pour une même problématique. Cette diversité constitue, selon moi, notre meilleure outil pour faire face à la complexité des changements qui se manifestent différemment et à divers niveaux dans des systèmes qui sont tous interdépendants.

Voici quelques perspectives qui sont toutes pertinentes et guidées par la recherche de solutions:

Le grand défi n’est-il pas plutôt de faire se rencontrer ces ressources mutualisées et les usagers/consommateurs? ET si au contraire, Taillefer et toi étiez du même combat?

Ce que je vois, c’est que vous êtes sans doute du même combat, mais à deux bouts du spectre. Toi, du côté de la ressource, du produit, de l’œuvre, et la mise en place des infrastructures qui faciliterait leur découvrabilité. Mais comme tu dis : « l’offre culturelle est abondante et que notre attention, elle, est limitée. » Et le problème est tout là. Cet aspect manque à ton équation. Non seulement notre attention est limitée, mais elle est dirigée, elle est détournée… par ces grandes plateformes. Taillefer, quant à lui, avec sa proposition, ne s’occupe que de l’usager; il aimerait créer un canal pour attirer l’usager et faire pointer son « attention » ailleurs, sur d’autres produits, d’autres biens et services. Locaux, ceux-là.

Et si finalement ces deux bouts du spectre devaient travailler ensemble, travailler soutenir la visibilité des ressources et des produits, mais aussi sur cette attention dispersée des usagers ?

Mais d’accord, il faut oublier la plateforme.

  • Suzanne Lortie, professeure à l’École des médias de l’UQAM, a commenté, comme suit, un article sur Facebook:

C’est ça, je crois, qui motive Alexandre Taillefer. Et c’est bien parfait.

« What Amazon Prime is selling most of all is time. Every executive I spoke to, when asked about how it all fits together, cites this desire to get you whatever you want in the shortest window possible. Stephenie Landry, the Amazon vice president who launched Prime Now in 2014 and has overseen its expansion into 49 cities in seven countries, explains that her business merely has to answer two questions: “Do you have what I want, and can you get it to me when I need it?” The rest of the customer experience is built around answering both questions in the affirmative. »
Why Amazon Is The World’s Most Innovative Company Of 2017

Et dans ses interventions qui émaillaient le fil des commentaires, elle a évoqué le modèle de rémunération du risque dans le cadre d’investissements publics; un modèle dont l’inadéquation affecte plus spécifiquement les nouveaux produits culturels.

 » si la discussion porte en même temps sur la reconfiguration des marges des détaillants et la mutualisation de la logistique, il faut donc commencer par le commencement pour les produits culturels: revoir les notions de pari passu, les piscines qui se remplissent consécutivement. »

Les systèmes grâce auxquels nos contenus culturels et artistiques sont produits et diffusés doivent s’adapter au contexte numérique pour y jouer un rôle plus proactif. N’y a-t-il pas là  des discussions qui sont trop souvent éludées, mais qu’il faudrait avoir le courage d’accueillir ?

Politique culturelle en crise ?

Certains états d’Asie ont, dès le début du 21ième siècle et alors que se développaient de nouveaux modèles économiques, pris des mesures visant à protéger leur culture et leurs productions. La culture a été intégrée à la politique industrielle de la Corée afin de préserver son identité culturelle et de favoriser ses productions au sein des marchés national et international. Protectionnisme ? Peut-être, mais il s’agissait avant tout de rechercher un équilibre entre  productions culturelles nationales et étrangères auprès des consommateurs.

Même si la présence, dans une même phrase, des mots « culture » et « économie » soulève la méfiance de plusieurs, il faut lire les publications résultant d’ateliers menés par des universitaires en économie, arts, culture et communication à propos des échecs des économies créatives et du recadrage des politiques culturelles. Selon un des auteurs, une économie de la culture devrait avoir pour éléments clés des politiques industrielle, des médias, de la ville, des arts, des artistes et autres travailleurs culturels, ainsi que de la culture et du développement durable. Selon lui, une politique industrielle, adaptée aux spécificités du domaine culturel, ne devrait plus être uniquement une stratégie de production, mais tenir compte de l’ensemble de l’écosystème, ce qui inclut la consommation (ou l’audience).

 » if we do introduce the question of cultural value into industrial policy then this cannot be simply a strategy for production – as Nicholas Garnham saw long ago. The market, the audience, the public and how they consume, access, participate, judge, learn, share and adapt has to be an essential part of an ‘industrial’ strategy. Production and consumption have to be seen as a whole in terms of cultural as well as economic value. »
After the Creative Industries: Cultural Policy in Crisis

Nous avons eu des consultations sur le renouvellement de la politique culturelle et sur la stratégie numérique du Québec, mais rarement abordons-nous les enjeux socio-économiques auxquels nous faisons face autrement que par le biais d’initiatives aux objectifs bien spécifiques et, conséquemment, aux impacts limités. En investissant nos efforts sur la création de nouveaux éléments plutôt que d’adapter nos systèmes, ne rendons-nous pas nos industries culturelles  encore plus vulnérables aux contraintes externes ?

Pour aller plus loin: Antifragile: Things that gain from disorder, de Nassim Nicholas Taleb.