Plan numérique ou révolution de l’information ?

Moi aussi je suis étonnée. Pas tant en raison du retard numérique du Québec (les appels pour l’adoption d’un plan numérique ne datent pas d’hier), mais en regard des demandes exprimées au travers des propositions contenues dans la lettre.

Je suis tout aussi étonnée de la démarche choisie, par les tenants du web 2.0, pour les formuler et les communiquer publiquement. Comment faire la leçon du web 2.0 et de la démocratie ouverte aux entreprises et administrations publiques lorsqu’on emploie la même stratégie de communication ?

Agence gouvernementale

Proposer une nouvelle structure me semble d’un autre âge: celui du « on va mettre un homme là-dessus ». Ceci est une façon commode de déléguer le problème à un appareil administratif; on l’extériorise et on démobilise et on déresponsabilise ceux qui devraient être les acteurs des solutions de changement.

 Priorité au « numérique »

Le « quelque chose » numérique est un outil, un moyen d’arriver à des fins spécifiques. Je crois que c’est le changement de culture qui constitue la priorité. Sans ce changement, dans nos usages personnels, en société, en entreprise et, surtout dans nos administrations publiques, nous ne pourrons profiter pleinement des avantages des technologies de l’information. C’est comme être organisés comme des moines copistes à l’ère de l’imprimerie.

On ne peut pas critiquer une solution sans apporter de contribution à la démarche de résolution de problème. En prévision de l’ouverture du blogue annoncé par un des signataires de la lettre, Mario Asselin, voici comment je décrypte le problème et quelle est la piste de solution proposée.

Appel au changement

Cet appel au gouvernement pour un plan numérique est un appel au changement. Ce changement n’est pas de nature technologique, mais de nature profondément humaine. Les technologies de l’information, contrairement à ce qui est prétendu par les vendeurs de « solutions » ne sont que des instruments ou, au mieux, des catalyseurs: votre prochain projet numérique pourrait changer votre entreprise.

Donc, ce changement c’est revoir nos rapports:

  • comme citoyens, avec ceux à qui nous accordons la permission de nous représenter pour gérer nos collectivités dans notre intérêt commun.
  • comme employés ou patrons, au sein des organisations afin d’être reconnus pour nos compétences et nos contributions, et non pour le contrôle que nous exerçons sur l’information .
  • comme individus sociaux afin d’être connectés au monde qui nous entoure pour que nous réalisions que nos choix et nos actions individuels ont des conséquences à l’échelle planétaire.

Au coeur du plan numérique: l’information

« Privilégier le savoir sur l’avoir », énonce la 5e des 6 demandes, mais ce n’est pas le savoir, c’est l’information qui est au coeur de cette transformation. Une information surabondante qui est, paradoxalement, si difficile à trouver et à exploiter pour nos objectifs humains.

C’est le développement de nos capacités à analyser l’information, à la synthétiser et à raisonner et à prendre des décisions que nous devrions cibler derrière ce plan numérique. « Education is the new oil » a lancé Jim Whitehurst, le PDG de Red Hat, au cours d’une conférence TED sur l’économie de la révolution de l’information. Le savoir résulte de l’interaction de nos capacités intellectuelles avec l’information.

Si nous choisissons de privilégier le savoir sur l’avoir, c’est l’accès à l’information qu’il faut assurer par les moyens suivants:

  • Gouvernance de l’information
  • Gouvernance de projets
  • Ouverture des données publiques
  • Choix de technologies libres autant que possibles
  • Accessibilité de l’information pour tous : personnes handicapées, moins nanties, vivant en région éloignée.

7 réflexions sur « Plan numérique ou révolution de l’information ? »

  1. Ton billet fait écho à notre discussion au webcom 🙂

    Je suis d’accord avec toi que l’information doit être au coeur du plan numérique.

    Mais le premier écueil – et pas nécessairement le plus gros, quoique… – c’est comme dirait Luc Gendron: l’analphabétisme des dirigeants et leaders. Nous l’avons vu durant la dernière campagne électorale et par la suite: ils n’y comprennent pas grand chose.

    Donc, en prémisse, il faudrait « former » ceux qui prennent les décisions au sein du gouvernement, à moins que la décision soit de faire ce changement sans eux.

    Merci pour ton billet qui ajoute un angle complémentaire.

  2. Merci pour ce commentaire, Mathieu, qui me pousse à exprimer mon inquiétude.
    Sensibiliser les gestionnaires aux nouveaux usages demande-t-il la création d’une nouvelle structure administrative ? Qu’est-ce qu’on entend par « former » ? Donner des cours de « numérique », ça ressemble à quoi ? Je ne crois pas que donner des formations sur les usages des réseaux sociaux (par exemple) transforme le paradigme actuel de la gestions des relations et des organisations. Combien d’organisations ont implanté des « solutions » de web social sans avoir changer quoi que ce soit à la culture et aux comportements organisationnels ? Je crains qu’on se consacre uniquement aux outils numériques et non au coeur du problème: le changement de culture organisationnelle et civique. Le changement est humain et non technologique.
    Il est important que que cette approche soit discutée en public et que les parties prenantes visées par ce changement (secteur public et privé) y prennent une part active.

  3. J’ai eu exactement la même réaction que vous concernant la structurite qui me semblait émaner de la lettre. J’ai commenté cet article du Devoir sur le sujet : http://www.ledevoir.com/politique/quebec/364249/appel-a-la-creation-d-un-plan-numerique.

    Il me semble que les signataires de cette lettre plus associés au mouvement du logiciel libre auraient pu faire sentir leur présence un peu plus. Ou c’est moi qui ne lis pas entre les lignes …

    Au plaisir,

  4. Merci, Yves, pour ce commentaire.

    Il y a bien, parmi les signataires, des personnes associées au logiciel libre, ce vecteur de transformation est cependant de la liste des demandes.

  5. @Josée désolé pour le délai de ma réponse.

    Oui, même chose de mon côté pour la structure. Y a-t-il un réel besoin ? Où est-ce la façon de faire ? Mais bon, je ne connais pas cet aspect-là.

    Pour revenir à la formation, il s’agit avant tout de remettre les gens en avant-plan et d’expliquer le déphasage qui se creuse de plus en plus, de questionner les processus en place qui ne répondent plus adéquatement, et au final seulement, d’imaginer les systèmes requis.

    Bien d’accord avec toi sur ce point: le changement est avant tout humain. Oublions les perspectives marketing et technologique un instant.

    Donner des cours de numérique, ça ressemble à revenir aux bases (pêle-mêle): la communication, les valeurs, la culture, les motivations, la mobilisation, le changement, la gestion du temps, la valeur ajoutée et la création de valeur, …

    Lorsque tu dis: « il est important que cette approche soit discutée en public », comment vois-tu la chose ?

  6. @Mathieu,

    Dans un projet de société, parce que c’est de ça qu’il est question, le numérique n’est pas une fin, mais un vecteur de changement. D’où ma crainte de perdre de vue que le but, c’est de changer et non uniquement d’implanter des technologies.

    Sujet épineux que la formation: qui élaborera le programme ? qu’est-ce qu’on enseignera ? Ça me semble bien abstrait ces notions. Là aussi, je crains qu’on ait des programmes de formation qui aient peu d’impact (trop difficile à mesurer) et qui ne profitent qu’à leurs créateurs.

    « il est important que cette approche soit discutée en public »: je crois qu’un blogue sera ouvert cette semaine. L’important est qu’il soit un espace d’accueil et de discussion des contributions de ceux qui souhaitent participer et non une plateforme de communications traditionnelle (je publie, vous commentez, mais je contrôle le sujet).

    Cependant, je fais confiance à Sylvain Carle et Jean-François Gauthier. Attendons la suite des choses, on verra bien.

  7. Deux des signataires de cette lettre ont eu droit à mes récriminations sur le sujet aussi. Je suis un peu ambivalent autant sur le quoi que le comment. C’est peut être un peu exagéré, mais j’ai parfois l’impression que nous essayons de parler à des organismes vivant qui parlent une autre langue (la lingua administrativa) et que d’une certaine manière il faut adopter les us et coutumes de ces organismes pour s’en faire comprendre.

    Ce faisant, je pense que nous sommes plusieurs à avoir fait comprendre aux 13 étonnés que la manière aurait pu être différentes. Souhaitons qu’ils en tiennent compte. Pour l’heure je pense qu’il est important de soutenir cette initiative tout en espérant que nos commentaires seront entendu.

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