Cet article de @FabienDeglise, du journal Le Devoir, nous rappelle que lorsque nous sommes sur les réseaux sociaux, nous entrons dans une logique marchande. Cependant, un élément, au début de l’article, a retenu mon attention.
Après s’être immiscés dans le quotidien de millions d’internautes à travers le monde sans rien demander en échange, les réseaux sociaux cherchent désormais à monétiser l’incroyable dépendance qu’ils ont créée.
Un marché de dupe ?
Les utilisateurs des réseaux sociaux paient leur accès avec leurs informations personnelles. Il faut comprendre cela pour saisir l’importance du changement induit par la révolution numérique sur les modèles économiques. Les géants de l’Internet, Google, Facebook et cie, l’ont compris.
Dans la logique commerciale du Web, les données personnelles (incluant le suivi de nos activités) sont d’une très grande valeur. Nous en cédons l’usage à des entreprises, bien souvent de façon insouciante.
Alors que le Web devrait permettre aux individus et aux collectivités de jouer un rôle de premier plan dans les nouveaux modèles socio-économiques, n’aurions-nous encore qu’un rôle de consommateur ?
Internet n’existerait pas s’il avait fallu un plan d’affaires pour le développer, a écrit Hal Varian, économiste et chercheur bien connu du domaine des TIC.
Des chercheurs et théoriciens des sciences humaines et sociales et des technologies ont répondu à 10 questions à propos d’Internet. J’ai retenu le texte du prof Varian que m’ont fait découvrir mes études en bibliothéconomie et science de l’information.
Il faut lire ce texte pour connaître l’histoire d’un changement qui se manifeste dans nos industries et nos usages et pour en tirer des leçons.
À la question « Has the Internet Fundamentally Changed Economics? » Varian répond par l’affirmative dans un court essai intitulé : « Computer-Mediated Transactions ». Il y décrit les quatre types d’innovations qui ont changé (ou à tout le moins, accéléré) la façon de gérer des entreprises et de faire des affaires. Il rappelle que, tout comme Internet, le Web n’a pas été conçu par une entreprise, mais est advenu grâce à la communauté des chercheurs.
Comme le moteur à essence, Internet est une innovation capitale, mais elle se distingue de toutes les avancées technologiques précédentes. Une technologie des communications, l’Internet a permis le développement d’applications, en concurrence et n’importe où dans le monde. Ces innovations parallèles accélèrent la fréquence des changements technologiques et favorisent les ruptures, ces changements dont les effets sont étendus et irréversibles.
En guise d’appât, voici un passage sur l’histoire de la publicité en ligne qui démontre comment cohabitent les intérêts divergents des éditeurs de sites et des annonceurs:
The publisher (i.e. the content provider) has space on its Web page for an ad and wants to sell ad impressions to the highest bidders. The advertiser does not care directly about ad impressions, but does care about visitors to its website, and ultimately, the sale of its products. Hence, the publisher wants to sell impressions, but the advertiser wants to buy clicks.
Rapport de Dominique Payette sur le journalisme et l’avenir de l’information au Québec.
Parmi les points intéressants:
Pour le soutien financier de l’État et pour un statut distinct entre le journaliste professionnel et l’amateur. «Nous préconisons une intervention de l’État pour soutenir la mission d’informer des médias. Les mesures avancées nécessiteront la définition d’un statut pour les journalistes professionnels.»
L’Internet haute vitesse comme service essentiel pour assurer la diffusion de l’information et favoriser le développement des contenus informationnels numériques.
État de l’information au Québec: mise en garde contre la concentration des médias afin de protéger la diversité des points de vues.
Nouveau contexte technologique: les technologies font tomber les barrières entre les usages. Pour les journalistes, la maîtrise des nouveaux outils de production et de diffusion de contenu est devenue essentielle.
Financement de la presse écrite en France : les bonnes et les mauvaises idées
États généraux de la presse écrite, France (2009) où on a, entre autres, préconisé le développement du réseau… des kiosques à journaux pour accroître la diffusion.
Rapport Cardoso sur la gouvernance des aides publiques à la presse, France (2010). Plus d’un milliard d’euros est consacré par l’État français à la presse écrite. Faut-il également financer le virage numérique ?
Deux des enjeux analysés dans ce rapport de l’Observatoire du documentaire ont également des échos dans l’industrie de la musique:
Financement de la production de contenu
Qui doit financer la production de contenu ? Les producteurs indépendants et les radiodiffuseurs doivent-ils assumer la quasi-totalité du financement alors que les géants des télécommunications récoltent les revenus toujours croissants de notre utilisation d’Internet ?
Nouveaux modèles de gestion du droit d’auteur
Comment faciliter la distribution et la diffusion des œuvres dans un contexte de multiplication des contrats d’exploitation (formats et plateformes) ? comment protéger les droits des créateurs tout en permettant la copie privée ?
Se servir de supports électroniques pour vendre plus de publications imprimées est une mauvaise idée. Cette stratégie n’exploite pas les avantages spécifiques du numérique et ne tient pas compte du changement de comportement d’une partie grandissante des consommateurs.
Inclure les tablettes numériques dans votre stratégie de distribution (ou de visibilité par la diffusion) est une meilleure idée.
While this trend may ultimately curtail print editions, it also creates a new distribution method for those newspapers willing to move out of their comfort zone. Several large newspapers, including the WSJ, The New York TImes, and the London-based City A.M., are making that transition and have released iPad apps.
Et alors ?
Les habitudes des consommateurs évoluent plus rapidement que l’industrie des médias. N’oubliez pas vos utilisateurs actuels et potentiels lorsque vous élaborez votre stratégie de marché.
Cessez de tenter de reproduire ce que vous connaissez, vous n’êtes plus en territoire connu (les nouvelles technologies n’ont peut-être pas encore changé votre façon de voir les choses, nous ne sommes qu’au début d’une vague de changements). Comme bien d’autres, sortez de votre zone de confort en explorant de nouveaux usages.
Attention aux mirages : le modèle de distribution d’Apple n’est pas avantageux pour tous les éditeurs de contenu (iPad au secours des vieux modèles ?).
Robert G. Picard, un expert des modèles économiques de l’industrie des médias, dénonce les « fermes de contenu », ces entreprises qui ont pour unique objectif d’attirer des visiteurs pour générer des revenus publicitaires.
These enterprises are providing high quantity, low quality material on topics designed to produce many search hits and driven by the desire to make money from advertising received as high traffic sites. Some are proving quite successful.
Figurant parmi les 25 sites les plus visités, ces entreprises utilisent des milliers de pigistes sous payés et peuvent publier 4 000 articles par jour.
These producers and a whole range of similar organizations are producing material in content farms that rely on freelancers who are paid as little as $1 an article or get no payment except for number of page views for their specific work. It is a throwback to the penny-a-word days of journalism in the 19th century.
Ce tiers-monde des médias compte de grands groupes de presse parmi ses clients. C’est une véritable industrie du contenu : les revenus publicitaires passent avant la qualité de l’information. Un modèle d’affaires qui n’est pas confiné au territoire américain.
Mitch Joel parle de Wikileaks, non pas pour nous donner un millionième avis sur cette affaire, mais pour partager les leçons à en tirer sur la conduite des affaires à l’ère du Web.
Les 2 dernières leçons sont particulièrement intéressantes. La 6ième, parce que l’anonymat est généralement décrié sur les réseaux sociaux parce qu’il est à l’opposé des valeurs de transparence et d’authenticité. La 7e parce qu’on ne répètera jamais assez que nous sommes entrés dans une ère où le changement est continu.
Leçon 6 : l’anonymat a de la crédibilité
As Social Media allows individuals to open up, publish their lives and share everything, there will be many other places where anonymity will prevail, and the content will be as (if not more) credible than the content where full disclosure is happening.
Leçon 7 : Nous ne sommes pas prêts (à ceux pour qui la culture Web est encore étrangère)
It’s awkward and because of that, it feels both strange and threatening. It simply validates that we are not ready for the massive changes that are happening and that will continue to happen.
Ne plus discriminer le logiciel libre au gouvernement est un choix politique. L’éthique, l’autonomie, le partage et la collaboration qui sont valorisées par le logiciel libre pourront-elles changer la culture de l’appareil gouvernemental ?
Voici l’allocution prononcée (sans notes et, il faut le dire, avec naturel) par la présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, lors de la clôture du Salon du logiciel libre du Québec, le 7 décembre 2010.
Notes prises au cours de l’allocution:
Reconnaissance de la discrimination du logiciel libre dans les processus d’approvisionnement du gouvernement (il aura fallu la poursuite intentée par Savoir-faire Linux pour en arriver là);
Constat de l’effet de silo résultant de la décentralisation de la gestion des ressources informationnelles (« la main gauche ne sait pas ce que fait la main droite »);
Retard numérique du Québec (le fameux plan numérique, brièvement mentionné);
Modernisation des architectures technologiques et des méthodes de gestion de projets (passer de fossile à agile);
Attention aux chantiers éléphantesques (projet GIRES, de funeste mémoire) : morceler les projets;
La politique cadre ciblera particulièrement les secteurs de la santé et de l’éducation;
Il faudra s’armer de patience pour qu’un logiciel libre remplace un logiciel propriétaire lorsqu’il s’avère être la meilleure solution. Le changement n’adviendra pas du jour au lendemain. Il faudra 2 à 3 ans pour la mise en œuvre de la politique cadre;
Expertise interne : manque de connaissances informatiques adéquates au sein de l’appareil gouvernemental.
Changement organisationnel et culturel (numérique) profond et de très grande ampleur (il affectera les fournisseurs externes) : un nouveau Klondike pour les sociétés conseils ?
Le texte de loi confirme le retour à une gestion centralisée des ressources informationnelles. Il met en lumière la question du manque de compétences de pointe en informatique, faute d’avoir externalisé graduellement cette expertise, à l’image des services d’ingénierie (contrecoup des partenariats public-privé). Un enjeu aussi stratégique que la maîtrise et l’exploitation des TIC doit demeurer sous la vigilance et le contrôle de spécialistes compétents de l’administration publique.
Souhaitons que cette centralisation améliorera les pratiques de gestion dans l’appareil gouvernemental (moins de silos, plus de collaboration, meilleure communication et surtout, amélioration de la supervision et de la coordination des initiatives).
Politique cadre
Publiée par le Ministère des Services gouvernementaux, la politique cadre contient les principes d’application pour la mise en œuvre des changements qui seront requis et/ou entraînés lorsque le projet de loi aura été approuvé par l’Assemblée nationale.
Il s’agit également de l’annonce d’une première stratégie gouvernementale d’exploitation des technologies de l’information et des communications (on oublie trop souvent le «C» lorsqu’on parle des TI). C’est un appel aux directions technologiques à élargir leur vision notamment en matière d’intégration des nouveaux usages du numérique.
La direction des ressources informationnelles devra faire preuve de vision et de leadership pour piloter ce chantier.
Le choix du logiciel libre est une des manifestations de la révolution numérique. Le gouvernement 2.0 en est une autre. Ce sont des choix qui peuvent changer positivement la façon dont on fait de la politique.
Voici une très intéressante application de gouvernement 2.0 fourni par Bertrand Duperrin (@bduperrin), qui suivait le fil #s2lq malgré le web et le décalage horaire. La Ville de Bordeaux a mis en ligne un environnement interactif pour permettre aux citoyens de participer au processus décisionnel.
***** Mise à jour (10 décembre 2010)
Commentaire critique deNelson Dumais sur le projet de loi 133 (carnet Technaute) sur l’annonce gouvernementale, certes, c’est une perspective toute personnelle, mais combien intéressante (et réjouissante pour les sceptiques).
En ouverture de l’évènement, Cyrille Béraud (pdg de Savoir-faire Linux et instigateur de la poursuite contre la Régie des rentes du Québec qui a acheté des licences logicielles sans appel d’offres) a souligné l’importance de 3 chantiers de développement social et économique pour le Québec. Ces chantiers n’ont rien à voir avec le béton, mais ont pour objectif l’accès aux outils de développement pour les individus et les organisations:
Connectivité Internet;
Logiciel libre;
Données gouvernementales ouvertes.
Activisme pour un choix de société
Richard Stallman (alias RMS), fondateur du mouvement pour le logiciel libre et activiste, a livré une présentation de près de 2 heures 30, en français, sans notes et sans aucun support visuel.
RMS ne tolère pas les compromis, ce qui lui vaut les critiques de certains, parmi ceux qui sont favorables au logiciel libre. Comme l’a formulé Marc Boivin sur Twitter: « Je respecte énormément les idées de @richardstallman mais très peu l’argumentaire et leur défense ».
Les programmes propriétaires sont « privateurs »- ils privent les utilisateurs de leur liberté d’expression et, ce faisant, font obstacle à la créativité et l’innovation pour le bien commun.
Celui qui professe que la liberté sociale et politique est plus importante que la technologie a énoncé les 4 libertés essentielles au développement du logiciel libre :
Usage du programme;
Étude du code source;
Diffusion des copies;
Amélioration du code et contribution à la communauté en retournant à celle-ci les nouveaux programmes ainsi développés.
Selon Stallman, le logiciel libre est un choix de société : liberté individuelle, solidarité sociale et démocratie contre le pouvoir du codeur (l’éditeur du logiciel).
…et ça marche le libre ?
Comme tout évangéliste, Richard Stallman a une approche idéaliste quant aux modèles économiques du logiciel libre : « ce qui est important, ce n’est pas d’être rentable, c’est de faire le bien» .
Quelques publications concernant les modèles économiques de l’industrie du logiciel libre:
Mardi le 7 décembre 2010, au cours de la cérémonie de clôture, la présidente du Conseil du Trésor et ministre responsable de l’Administration gouvernementale, Michelle Courchesne, devrait dévoiler la politique gouvernementale sur le logiciel libre tant souhaitée par les individus et entreprises qui en font la promotion.
Nous verrons demain si les mesures attendues, notamment celles qui concernent l’encadrement des appels d’offres gouvernementaux, seront à la hauteur des attentes.