Les médias sont-ils bien conseillés sur les nouveaux usages et les opportunités du web ? Ou, comme bien d’autres entreprises, sélectionnent-ils des experts-conseil qui partagent la même vision qu’eux ?
Un débat intéressant, cette semaine, au sujet de l’économie de liens, met en évidence certaines lacunes qui sont plutôt gênantes pour un conseiller qui aide les médias à sortir de la crise.
Dans un article, The Fallacy Of The Link Economy, Aron Miskin prétend que l’économie de liens n’est qu’une illusion entretenue par les agrégateurs de contenu pour utiliser gratuitement l’information dans le but de générer des revenus publicitaires.
M. Mishkin, qui a été un expert du web pour le Boston Consulting Group, conseille l’agence Associated Press dans les négociations que tente de mener celle-ci avec Google concernant la monétisation des liens que l’agrégateur de nouvelles fournit aux internautes.
Le problème vient des autres (plus opportunistes)
Selon Aron Mishkin, si les sites des journaux peinent à générer du trafic qui leur rapporte, c’est que les consommateurs ne lisent plus que les titres ou qu’ils sont détournés par les agrégateurs de contenu. Même logique nombriliste et déficiente que celle des industriels de la musique : si les ventes baissent c’est uniquement dû au piratage. Pendant qu’elle cherche des coupables, tout un écosystème de production et de distribution est en train de changer et s’organisera différemment avec des partenaires inventifs.
Rien n’a changé avec le web
Aron Mishkin a une perception erronée du comportement des internautes parce qu’il se réfère à un paradigme qui ne tient plus la route (voir La logique de l’abondance). Les internautes consomment une grande quantité d’information, et pas uniquement des titres. Ils ont accès à des sources d’information en croissance exponentielle . De plus, s’ils ne cliquent pas certains liens c’est que le sujet ne les intéressent pas ou qu’il n’est pas présenté de façon intéressante.
Les internautes sont manipulés
Autre élément qui démontre à quel point M. Mishkin est déconnecté des consommateurs (le principal marché des médias se sont les annonceurs, et non les lecteurs):
Others will say that the site that gets linked to can keep the user using the site. But the opposite is happening – users are being trained to increase their usage of (and thus value to) the linker rather than the creator .
Argument méprisant pour les internautes qui seraient dressés à utiliser les agrégateurs (Google, Digg et même, certains blogueurs). M. Mishkin aurait intérêt à comprendre les nouveaux usages et la culture du web pour mieux conseiller ses clients. Les agrégateurs sont des outils appréciés (kiosque à journaux virtuel) et certains blogues contribuent de façon significative au trafic sur certains articles de journaux parce qu’ils ciblent une audience intéressée et qu’ils constituent une recommandation fiable et reconnue parmi les membres d’une même communauté d’intérêt.
Les habitudes de la vieille économie
Jeff Jarvis, ciblé par l’article d’Aron Mishkin, répond avec On the link economy, aux arguments avancés par M. Mishkin en les reprenant un à un. Voir, parmi les commentaires, celui de M. Mishkin qui répond à Jeff Jarvis en s’adressant à lui à la troisième personne, comme dans le courrier des lecteurs d’un journal. Aron Mishkin n’a pas saisi le concept de conversation.