Archives de catégorie : Médias mutants

Contenu, contenu, contenu

L’information qui est produite par les professionnels (journalistes) et diffusée par des entreprises (journaux) est un des enjeux les plus intéressants de la crise des médias (devenue expression courante). Peu importe le médium et les modèles d’affaires et de revenu du contenant, il faut à présent compter avec les lecteurs et le contenu devient alors beaucoup plus important qu’il ne l’a jamais été.

La publicité n’a plus besoin des médias

Mitch Joel, expert en marketing numérique, cite une sélection de très récentes constatations publiées à propos des médias. L’essor de la publicité en ligne, la diversité de ses manifestations possibles et  et les avantages inégalés du web en termes de ciblage et de mesure d’audience rendent beaucoup moins attrayante l’utilisation des supports médias.

Et cela est plus particulièrement remarquable dans l’industrie des journaux et magazines.

Le modèle d’affaires des journaux repose sur les revenus de la publicité. La production de contenus informationnels sert à attirer une audience qui justifie les tarifs proposés aux annonceurs. Jusqu’à présent, les médias traditionnels étaient les supports publicitaires incontournables.

Avec le web, la publicité a trouvé des moyens beaucoup efficaces de réaliser ses objectifs (rejoindre un marché spécifique, mesurer ses résultats et réagir rapidement). D’abord, sur le modèle traditionnel, par l’intermédiaire des plateformes numériques des médias, puis sans intermédiaire, en lien direct avec leurs marchés, grâce aux réseaux sociaux.

Les médias n’ont plus d’autre choix que celui de se réinventer

Si les journaux sont peu à peu délaissés par les annonceurs, ils devront enfin se recentrer sur leur audience et tenter de leur offrir des produits d’information qui sauront la retenir et la fidéliser. Les journaux devront s’en remettre aux journalistes pour produire une information différente de la production industrielle : enquête, analyse, historique, liens pertinents, outils de visualisation de données, etc.

Nous avons besoin des journalistes

Dans sa lettre ouverte aux journalistes, Peggy Holman (éditrice du livre The Change Handbook et contributrice du groupe de discussion Journalism that matters), la crise de confiance des lecteurs envers les journalistes (et les journaux qui les emploient).

If I – and others -believe that, why do so many of us seem hostile to the press? Because we feel betrayed. Where were you when we needed you? Where were your warnings about the state of the economy? About the lies of weapons of mass destruction? About the many stories closer to home that affect our lives and well-being? Did you miss the clues yourself? Did you know and not help us hear your messages? How could you let us down?

Et pourtant, comme Mme Holman le dit si bien,  nous avons besoin des professionnels de l’information pour cette tâche immense et essentielle de repérer des évènements et des faits, de les partager avec nous et de nous faire participer aux discussions sur ces sujets d’actualité.

I want your partnership to navigate these confusing times. You don’t need to guide me or be my gatekeeper. The fence is gone. I have the means to speak for myself. And if that makes you fear for your relevance, your ability to bridge the technical divide or the enduring values of journalism, know that we can help each other. I want you by my side – your skills, values, and all – as we, together, travel through this challenging time. Let us re-negotiate our commitments to each other.

Quelle valeur ajoutée apportez-vous?

Comme le rapporte Jeff Jarvis, une sommité du domaine du journalisme et des médias,  dans son billet Journalists, where do add value? , il ne sera plus possible de se contenter de rediffuser une information ou d’insérer un lien vers sa source.

Whether you’re a blogger or a new form of news organization, you’re going to have to ask with every move whether it will add value to the news ecosystem. If it doesn’t, you shouldn’t do it.

Peu importe le médium et le format, nous attendons des journalistes plus que la copie d’un communiqué d’entreprise ou le compte rendu d’un évènement. Alors que le web permet à chacun d’entrer en conversation avec d’autres, nous attendons aussi de pouvoir échanger avec les journalistes. Cependant, il semble que ce face à face en dérange ou en  insécurise plusieurs.

Communication bidirectionnelle

Comme le relève justement Emmanuelle Garneau-Gamache, spécialiste en marketing et en journalisme, on se préoccupait peu des lecteurs (ou consommateurs):

Dans cette histoire, on dirait que tout le monde ( journalistes / annonceurs / media ) s’arqueboute sur de vieux réflexes. Sans jamais prendre en considération l’essentiel: et le consommateur lui, il trouve ça comment ?

Ces consommateurs (d’information, comme de toute autre chose) ont acquis, grâce au Web, des rôles clés dans l’écosystème des médias. La communication n’est plus unidirectionnelle, mais bidirectionnelle.

L’hypermédiation profite aux intermédiaires

Très intéressante analyse de Frédéric Filloux du modèle d’affaires sur Internet, basé sur la publicité. Son billet, Advertising: real change must happen, examine les statistiques récentes des revenus publicitaires et met en évidence la domination de Google, le maître d’oeuvre d’un système très profitable (search ad, publicité contextuelle, surtout avec AdWords, achat de mots clés à l’encan).

L’hypermédiation: le règne des intermédiaires sur le Web

En 2000, Nicholas Carr avait publié dans Harvard Business Review, un article sous la thématique The Future of Commerce: Hypermediation: Commerce as Clickstream

Transactions over the Web, even very small ones, routinely involve all sorts of intermediaries, not just the familiar wholesalers and retailers, but content providers, affiliate sites, search engines, portals, Internet service providers, software makers, and many other entities that haven’t even been named yet. And it’s these middlemen that are positioned to capture most of the profits./…/

/…/the emerging economic structure of e-commerce: the profits lie in intermediate transactions, not in the final sale of a good.

Pour Carr, il était alors évident que deux types d’intermédiaires se partageraient la plus grosse part des revenus publicitaires sur le Web:

  • Les sites de contenu spécialisé qui occupent une niche (effet longue traîne).
  • Les entreprises dites, d’infrastructure comme les moteurs de recherche, serveurs publicitaires et réseaux d’affiliation, pour qui l’échelle et, surtout, l’innovation technologique jouent un rôle primordial.

The Web didn’t kill mediators. It made them stronger.

Pour Carr, en 2009, c’est l’hypermédiation qui est une menace pour les producteurs de contenu, plus spécifiquement, les éditeurs de journaux et de magazine. L’offre médiatique dépasse la demande.Il faut donc réduire la production, sinon les producteurs eux-mêmes.

Le coupable est, entre autres, la syndication de contenu. Celle-ci ne devrait pas être autorisée ailleurs que sur papier.

/…/it requires news organizations to begin to impose controls on their content. By that, I don’t mean preventing bloggers from posting fair-use snippets of articles. I mean curbing the rampant syndication, authorized or not, of full-text articles. Syndication makes sense when articles remain on the paper they were printed on. It doesn’t make sense when articles float freely across the global web. (Take note, AP.)

Google profite de l’hypermédiation

Frédéric Filloux, soulève le déséquilibre marqué des parts de bénéfices entre Google et ses partenaires (sites de contenus, médias).

But this strong performance comes with declining prices and a growing imbalance in Google’s favor, at the expense of its partners (i.e. media sites)./…/ You get it: media are getting less and less advertising dollars and euros from Google.

As many say, perhaps without realizing it, without intent, see the company’s Don’t Be Evil motto, Google is killing the golden goose as it preserves its fat (38%) operating margin. For many websites, especially small ones, working with The search engine becomes less attractive.

Ceci ajouté à cela:

Ce qui laisse entrevoir de possibles changements des modèles d’affaires.

La peur de ce qu’on ne comprend pas

Le Devoir, sous la plume d’un de ses collaborateurs, publie une critique (?) de l’édition française du livre d’Andrew Keene, Le culte de l’amateur – Comment Internet tue notre culture.

Le web est apparemment le seul médium de communication où on trouve de la manipulation, de la désinformation, des mensonges et des rumeurs non fondées, de la paresse intellectuelle, des pirates d’œœuvres protégées et surtout, des individus qui sont les agents d’une entreprise de destruction de la culture (avec un grand C).

Le collaborateur du Devoir, qui signe la critique du livre, semble ignorer que tous ces apparents méfaits se manifestent régulièrement dans les médias traditionnels.  Et que M. Keene se sert de ces démonstrations beaucoup trop sensationnalistes pour être justes pour se faire l’avocat d’un plus grand contrôle du Web.

On cherche encore l’approche critique dans cet article qui ne contient que des extraits du livre et dont la conclusion dénote la position de son auteur :

Fidèle à la méthode d’argumentation américaine qui procède par une dynamique combinaison d’anecdotes et d’idées afin d’illustrer une thèse, l’ouvrage d’Andrew Keen nous met efficacement en garde contre «le chaos démocratisé du contenu autoproduit», qui risque de tuer le meilleur de notre culture au profit d’une insignifiante culture de soi.

Pourtant, lors de la parution de la version originale du livre (The Cult of the Amateur), un critique du New York Times, qui n’est pas un évangéliste du Web, avait une perception plus nuancée des propos de M. Keene.

This book, which grew out of a controversial essay published last year by The Weekly Standard, is a shrewdly argued jeremiad against the digerati effort to dethrone cultural and political gatekeepers and replace experts with the « wisdom of the crowd. » Although Mr. Keen wanders off his subject in the later chapters of the book – to deliver some generic, moralistic rants against Internet evils like online gambling and online pornography – he writes with acuity and passion about the consequences of a world in which the lines between fact and opinion, informed expertise and amateurish speculation are willfully blurred.

Pris à parti, comme bien d’autres personnalités du Web 2.0, Jimmy Wales, le fondateur de Wikipedia, a directement répondu à M. Keene en mettant à nu son manque d’objectivité intellectuelle.

Voir la vidéo du débat entre Jimmy Wales et Andrew Keene.

Il aurait été de bon aloi de faire une petite recherche (sur le Web) pour trouver un bon nombre des arguments de M. Keene réfutés, ainsi que des démonstrations que le Web n’est pas plus méchant que les autres médias.

Lobbying intense des médias auprès de Google

Extraits de Media Giants Want to Top Google Results. Publié dans Advertising Age, 23 mars 2009.

En novembre 2008, lors de la dernière rencontre, sur invitation seulement, des membres du Publishers Advisory Council de Google, les géants des médias se sont fait plus pressants :

« You should not have a system, » one content executive said, « where those who are essentially parasites off the true producers of content benefit disproportionately. »

Ils en ont contre les critères des algorithmes de Google, dont le fameux PageRank qui repose entre autres sur le nombre de liens que reçoit une page. Les médias réalisent enfin combien les principes d’optimisation de contenu et la connaissance pratique des usages des réseaux sociaux sont importants. En ces temps difficiles où les annonceurs en veulent réellement pour leur argent, apparaître dans la troisième page de résultats sur Google est devenu alarmant.

Nouvelle charge des médias en janvier dernier :

/…/ Martin Nisenholtz, New York Times Co. senior VP-digital operations, got up at the annual Online Publishers Association summit in Florida, an event closed to the press, to blast both the algorithm and the results presentation on the screen.

Mais c’est le 30 avril, à la prochaine rencontre privée du Publishers Advisory Council, de Google que les grands éditeurs prévoient agir de concert pour obtenir une réponse à leur demande (et un engagement clair):

They’re also beginning to cast around for new leverage. Publishers on both sides of the Atlantic are increasingly adopting the Automated Content Access Protocol, which intends to tell search engines what they can use and how. It’s focused on copyright, but widespread adoption might give publishers new clout with Google.

Voir commentaire critique d’Ars Technica, A Skeptical Look at The Automated Content Access Protocol, sur le procédé.

Les grands médias ne profitent-ils pas eux aussi des efforts des autres joueurs (blogueurs, nouveaux médias, communautés) plus audacieux qu’eux sur le web?

La presse en acte de déni de la révolution appréhendée

…et ce n’est malheureusement pas le seul secteur d’activité à souffrir de ce problème.

Les modèles d’affaires basés sur des technologies et sur des modes de distribution dépassés par le Web (presses, galettes de plastiques, bobines de film) sont forcés au changement par l’adoption, et plus encore, par l’appropriation massive de nouvelles technologies. Les usages évoluent beaucoup plus rapidement que ces industries qui comptent pourtant parmi elles un bon nombre d’utilisateurs des nouvelles technologies.

Question: pourquoi ces industries persistent-elles à nager à contre-courant?

Réponse avancée par Clay Shirky, gourou du numérique dans son très long billet,  Newspapers and Thinking the Unthinkable.

When someone demands to know how we are going to replace newspapers, they are really demanding to be told that we are not living through a revolution. They are demanding to be told that old systems won’t break before new systems are in place. They are demanding to be told that ancient social bargains aren’t in peril, that core institutions will be spared, that new methods of spreading information will improve previous practice rather than upending it. They are demanding to be lied to.

There are fewer and fewer people who can convincingly tell such a lie.

Shriky mentionne que les révolutions technologiques comme celle de l’imprimerie surviennent si rapidement que les industries concernées ont peine à s’adapter. Le processus de changement et de renouvellement des modèles d’affaires requérant beaucoup de temps pour expérimenter de nouvelles voies.

Sa perspective sur la presse (fin possible) et sur le journalisme (Society doesn’t need newspapers. What we need is journalism.) a suscité de très nombreux commentaires.

Nouveaux médias et désintermédiation

Le Web permet de s’auto-produire et de s’auto-distribuer facilement et, ainsi de réduire ou éliminer certains intermédiaires pour accéder de manière plus directe à un public. La désintermédiation, un changement dans la chaîne déjà amorcé dans l’industrie du disque,  se retrouve également dans les domaines de l’édition.

Déjà notée dans ce carnet, la désintermédiation est un des constats du rapport Patino sur le livre numérique (France).

Commentaire de  Jon Reed, auteur du blogue Publishing Talk (UK), sur les (possibles) nouveaux rôles des éditeurs, qu’il s’agisse de journaux, magazines ou livres.

The possibility of publishing increasingly becoming an activity done by authors rather than (or as well as) publishers is a very real one.

So will publishing as we know it become a service industry and provide production and marketing services to authors? Will it become a rights business? Will its value be in editorial judgment, gatekeeping and filtering? In providing a brand identity?

Imprimer facilement (surtout à moindre coût) un journal ou magazine. Printcasting, un projet financé par la fondation Knight (News Challenge) : Preserving the news and information function of local communities in a sustainable way, like creating a local printable newspaper.

Le journalisme à l’ère d’Internet – Documentaire

Florian Sauvageau et Jacques Godbout, l’un, journaliste et l’autre, réalisateur, bien connus du paysage médiatique québécois, ont réalisé un documentaire sur le journalisme à l’ère d’Internet.

Bruno Guglielminetti rapporte la nouvelle dans son carnet. Ayant eu l’occasion de visionner le documentaire, Derrière la Toile, le quatrième Pouvoir, M. Guglielminetti commente : »c’est probablement ce que j’ai vu de mieux depuis plusieurs années pour remettre en contexte le nouveau paysage de l’info, chez nous et ailleurs, et surtout, le remettre en perspective dans un contexte où les habitudes des citoyens sont également en mutation. »

M. Sauvageau rappelle un autre documentaire réalisé en 1978 avec Jacques Godbout, sur le journalisme : Derrière l’image (Office national du film).

Date de diffusion sur Radio-Canada non encore annoncée.

La presse écrite du Québec dans la tourmente de la vague numérique

Conflits de travail en série pour les grands quotidiens du Québec, uniformisation et mécanisation de l’information, disparition progressive des médias locaux: les effets d’un certain modèle de convergence.

Mandat de grève à The Gazette, quotidien anglophone de Montréal (propriété du groupe CanWest qui a annoncé des milliers de mises à pied en raison de la baisse des revenus publicitaires). Le Devoir rapporte:

La direction et le syndicat de la Gazette s’opposent surtout sur des questions de juridiction, le groupe Canwest Global, propriétaire du journal, souhaitant confier en sous-traitance la rédaction de textes et des tâches de mise en page.

Après la longue grève au Journal de Québec (conditions à la baisse et réduction de la pratique journalistique), un lock-out au Journal de Montréal (également propriété du groupe Québecor). Paul Cauchon, le chroniqueur des médias du journal Le Devoir rapporte que le climat de travail est pourri. Il cite un courriel transmis par la direction syndicale aux employés et qui fustigeait les

«cadres médiocres qui détruisent, jour après jour, la crédibilité de notre journal. Comment? En publiant des conneries provenant des autres plates-formes de l’empire».

Le courriel évoquait, par exemple, la couverture de l’élection fédérale ainsi que celle des Jeux olympiques de Pékin par des textes repris des journaux anglophones de la filiale Sun Media de Quebecor.

Michel Dumais, chroniqueur médias chez branchez-vous! avance même la théorie du complot.
Journal de Montréal, un quotidien en sursis. M.Dumais fait également référence aux possibles modèles de revenus évoqués par Jeff Jarvis dans The Guardian.

Les travailleurs de l’information mettent en ligne un site d’actualtés pour démontrer qu’ils sont prêts à relever les défis du numérique.
RueFrontenac.com

Recul de la presse locale

Fédération professionnelle des journalistes du Québec

Portrait de la couverture régionale et du métier d’artisan de l’information

Dévoilement des résultats du sondage au cours du 40e congrès annuel de la FPJQ (6 décembre 2008).

Billet FPJQ
on a la montréalisation que l’on mérite
Le plus grand obstacle à l’information régionale se trouve dans les régions elles-mêmes.

The Perfect Storm: la presse est touchée ici aussi

Baisse des revenus publicitaires, augmentation des coûts de production, concurrence du contenu gratuit en ligne: les mêmes causes invoquées par la plupart des groupes de presse dans le monde et ici. Annonces récentes:

La Presse – Rogers annonce des mises à pied.

Rogers Communications détient une varitété de magazines et publications  (Châtelaine, Loulou, l’Actualité, MacLean’s et publications industrielles). Une grande partie des propriétés du secteurs des communications provient de l’acquisition de MacLean Hunter, en 1994 (plus de 3 milliards de dollars).

CanWest Cuts 560 jobs Canada-wide.

CanWest is a newspaper publisher and broadcaster. Aquired Southam chain of newspapers in 2001 (among which The Gazette, Montréal’s English paper).  Elimination of 360 publishing jobs.

Quebecor begins layoffs at Sun Media

Sun Media, acquired from Osprey by Quebecor Media in 1999, has begun laying off 180 employees. ‘s newspapers include tabloids in Calgary, Edmonton, Toronto and Ottawa, the broadsheet London Free Press, six smaller dailies and dozens of weekly newspapers. Other source (Toronto Star) mentions 600 cuts.

Détroit:  en plus de l’automobile, la presse

Le Detroit News et le Detroit Free Press déclarent forfait. Perspective du blogue Newspaper Death Watch.