Tous les articles par Josée Plamondon

Plan numérique ou révolution de l’information ?

Moi aussi je suis étonnée. Pas tant en raison du retard numérique du Québec (les appels pour l’adoption d’un plan numérique ne datent pas d’hier), mais en regard des demandes exprimées au travers des propositions contenues dans la lettre.

Je suis tout aussi étonnée de la démarche choisie, par les tenants du web 2.0, pour les formuler et les communiquer publiquement. Comment faire la leçon du web 2.0 et de la démocratie ouverte aux entreprises et administrations publiques lorsqu’on emploie la même stratégie de communication ?

Agence gouvernementale

Proposer une nouvelle structure me semble d’un autre âge: celui du « on va mettre un homme là-dessus ». Ceci est une façon commode de déléguer le problème à un appareil administratif; on l’extériorise et on démobilise et on déresponsabilise ceux qui devraient être les acteurs des solutions de changement.

 Priorité au « numérique »

Le « quelque chose » numérique est un outil, un moyen d’arriver à des fins spécifiques. Je crois que c’est le changement de culture qui constitue la priorité. Sans ce changement, dans nos usages personnels, en société, en entreprise et, surtout dans nos administrations publiques, nous ne pourrons profiter pleinement des avantages des technologies de l’information. C’est comme être organisés comme des moines copistes à l’ère de l’imprimerie.

On ne peut pas critiquer une solution sans apporter de contribution à la démarche de résolution de problème. En prévision de l’ouverture du blogue annoncé par un des signataires de la lettre, Mario Asselin, voici comment je décrypte le problème et quelle est la piste de solution proposée.

Appel au changement

Cet appel au gouvernement pour un plan numérique est un appel au changement. Ce changement n’est pas de nature technologique, mais de nature profondément humaine. Les technologies de l’information, contrairement à ce qui est prétendu par les vendeurs de « solutions » ne sont que des instruments ou, au mieux, des catalyseurs: votre prochain projet numérique pourrait changer votre entreprise.

Donc, ce changement c’est revoir nos rapports:

  • comme citoyens, avec ceux à qui nous accordons la permission de nous représenter pour gérer nos collectivités dans notre intérêt commun.
  • comme employés ou patrons, au sein des organisations afin d’être reconnus pour nos compétences et nos contributions, et non pour le contrôle que nous exerçons sur l’information .
  • comme individus sociaux afin d’être connectés au monde qui nous entoure pour que nous réalisions que nos choix et nos actions individuels ont des conséquences à l’échelle planétaire.

Au coeur du plan numérique: l’information

« Privilégier le savoir sur l’avoir », énonce la 5e des 6 demandes, mais ce n’est pas le savoir, c’est l’information qui est au coeur de cette transformation. Une information surabondante qui est, paradoxalement, si difficile à trouver et à exploiter pour nos objectifs humains.

C’est le développement de nos capacités à analyser l’information, à la synthétiser et à raisonner et à prendre des décisions que nous devrions cibler derrière ce plan numérique. « Education is the new oil » a lancé Jim Whitehurst, le PDG de Red Hat, au cours d’une conférence TED sur l’économie de la révolution de l’information. Le savoir résulte de l’interaction de nos capacités intellectuelles avec l’information.

Si nous choisissons de privilégier le savoir sur l’avoir, c’est l’accès à l’information qu’il faut assurer par les moyens suivants:

  • Gouvernance de l’information
  • Gouvernance de projets
  • Ouverture des données publiques
  • Choix de technologies libres autant que possibles
  • Accessibilité de l’information pour tous : personnes handicapées, moins nanties, vivant en région éloignée.

Écoute et engagement sur le Web social

Hashtag-ifying for a better democracy

Engagement civique - Indicateur du Vivre mieux, OCDE
Engagement civique au Canada – Indicateur du Vivre mieux, OCDE

La présentation que Claude Théoret et moi avions proposée à South By Southwest dans la catégorie «Government and Civic Engagement» n’a pas été retenue. Dommage. En voici les grandes lignes :

In an era of unprecedented cynicism and distrust towards the electoral process, the self-organization of the social web is becoming a new space of civic engagement. Are hashtags the town halls of the future? Lessons learned from the student uprising in Québec.

  • How is trust established in policy debate online?
  • Why are facts sacred (and opinion worthless)?
  • Why should you engage with your adversaries?
  • What policy makers can learn from social listening?
  • Why is the emergence of the interest graph so important for policy planning?
Nous aimerions bien la réaliser, car le concept de l’engagement est un des piliers de la nouvelle économie du partage (voir l’article mentionné dans mon billet sur le sociofinancement ou financement collaboratif).

Plan numérique: faciliter le changement organisationnel

Un plan numérique peut-il être mis en oeuvre sans que soit opéré au préalable un profond changement de la culture organisationnelle ainsi que la révision des règles et procédures d’appels d’offres ? Ceux qui, comme moi, ont préparé des offres de services pour des projets gouvernementaux et privés comprendront l’ampleur et la profondeur des efforts à consentir pour faire advenir le virage numérique souhaité pour le Québec.

Dilbert.com

Changement organisationnel

Comme tous les ans depuis que je tiens ce carnet de notes, la demande d’un plan numérique pour le Québec refait surface. Cette année, un groupe de travail bénévole s’est constitué  et c’est très bien. Mais ma question initiale est d’autant plus pertinente quand on réalise que la culture et les procédures sont en grande partie responsables du peu d’avancement de ce qui aurait pu nous mener vers une stratégie numérique gouvernementale.

Une de mes notes de veille sur les projets dinosaures fait référence à cette problématique que Tim Bray a formulée très clairement:

The point is that that kind of thing simply cannot be built if you start with large formal specifications and fixed-price contracts and change-control procedures and so on. So if your enterprise wants the sort of outcomes we’re seeing on the Web (and a lot more should), you’re going to have to adopt some of the cultures and technologies that got them built.

It’s not going to be easy; Enterprise IT has spent decades growing a defensive culture based on the premise that you only get noticed when you screw up, so that must be avoided at all costs.

Sylvain Carle y avait ajouté un commentaire :

Donc plus de petits projets, qui fonctionnent ensemble, sur des protocoles et standards web, small pieces loosely joined. Si c’est assez sécuritaire et « scalable » pour Amazon qui gère des millions en transaction chaque années, ça devrait être bon pour un gouvernement (en tenant compte des spécificités comme la vie privée, bien entendu, autre débat).

Gouvernance de l’information

Ce texte vaut la peine d’être relu maintes fois afin de bien saisir tous les enjeux du changement qui sont liés à une façon de faire des projets informatiques qui n’a pas changé depuis la période pré-Web au Québec. J’insiste sur le qualificatif « informatiques » puisque ces projets sont essentiellement sous le contrôle des directions des technologies de l’information. Ce qui amène un autre élément essentiel de la mise en oeuvre d’un plan numérique : la gouvernance de l’information où toutes les parties prenantes sont réunies autour des projets numériques.  N’oublions pas qu’un projet est un  moyen pour atteindre des objectifs et non une fin en soi. Le rapport Gautrin, rendu public en mai 2012, fait une place importante à la gouvernance de l’information. Souhaitons que notre nouveau gouvernement ait la bonne idée de capitaliser  les efforts investis dans cette démarche.

Ceux qui sont visés par le changement

Changer la culture organisationnelle et les procédures internes et instaurer une gouvernance de l’information: on aura compris qu’un plan numérique pour le Québec ne pourra se réaliser sans la mobilisation et la participation active, et ce dès maintenant, des représentants de ceux qui sont visés directement par le changement: les fonctionnaires de l’État.

 

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Moment Twitlight Zone: lors de la publication de son billet, Doing it wrong, Tim Bray, était à l’emploi de Sun Microsystems, il est par la suite devenu Developer Advocate chez Google. Sylvain Carle occupe à présent une fonction similaire à celle de Tim, chez Twitter et les derniers billets de leurs blogues respectifs (sous les hyperliens) correspondent de façon étonnante.

La 3e révolution industrielle: survivre ou prospérer ?

Billet publié initialement sur le blogue de MusiQcNumeriQc, un groupe informel de réflexion sur le virage numérique en culture, et plus spécifiquement sur la musique.

La culture est un moteur économique

Voici un très bon argumentaire à l’usage de ceux qui doivent soutenir les investissements publics dans des projets culturels. Il nous est servi par le directeur des communications et affaires publiques de CGI.

Notre productivité est faible. Notre niveau de dérochage est élevé. On parle sans cesse d’une société du savoir où les travailleurs instruits doivent être plus productifs et compétitifs. Investir en culture, c’est soutenir notre productivité et c’est créer de la richesse.

On y mentionne également, un des trop rares débats sur la culture, au cours de la dernière campagne électorale (La culture n’a pas de prix, Les Affaires, 31/08/2012).

Locomotive - Improved road locomotiveAprès celles de la vapeur et du pétrole, une nouvelle ère post-énergies fossiles.

La révolution numérique est sans retour

Investir en culture, nous sommes « pour », évidemment. Mais plus importante que la mondialisation, c’est la troisième révolution industrielle qui pose les plus grands défis pour la culture (et bien d’autres secteurs d’activité économique) au Québec.

La 3e révolution industrielle repose sur l’économie des réseaux (distribution) et les énergies vertes. Plusieurs pays sont en train d’adapter progressivement leurs modèles économiques traditionnels afin d’échapper aux diktats du marché actuel des énergies fossiles. Ces changements (positifs et négatifs) ont des répercussions, à divers niveaux, dans de nombreux secteurs d’activité. La culture n’y échappera pas.

Investir dans des programmes d’alphabétisation numérique nous donnerait les moyens nécessaires pour vivre (et non survivre) les bouleversements qui changent irrémédiablement les modes de production/distribution et les modèles économiques.

Les jeux sont faits, avec ou sans nous

Si la plupart des entreprises du Québec tardent encore à saisir l’urgence du virage numérique, d’autres organisations ont compris. Les gros joueurs de l’industrie du divertissement revoient leurs positions et tissent de nouvelles alliances afin d’occuper l’espace numérique et de tenter de contrôler les réseaux/plateformes de communication/distribution. Excellent rapport de veille du FMC sur ces nouvelles entreprises qui sont déjà géantes dès leur naissance.

Adapter les programmes

Que faire ? Les programmes de soutien aux activités culturelles sont actuellement inadéquats, déconnectés de la réalité numérique. Il semble évident que la culture numérique et les connaissances liées aux nouveaux usages n’ont pas encore remonté dans le percolateur de l’appareil gouvernemental. Exigeons de nos associations professionnelles, nos organismes et nos conseils sectoriels une prise de position sur le virage numérique en culture. Ceci aura pour effet d’obliger ces derniers à s’informer et à consulter leurs membres pour ensuite relayer leurs demandes aux administrations qui sont responsables des programmes de soutien.

 

Écouter pour mieux se connecter aux réseaux

« Connexion » est le concept qui devrait se trouver au centre de toute stratégie de communication. Pour se connecter avec  les bonnes personnes (ouvertes, réceptives, ayant besoin d’information ou d’attention), il faut d’abord les repérer, puis les écouter et, par la suite, interagir.

Ces derniers jours, à lire les commentaires dans le Globe and Mail et sur les pages FB d’amis anglophones, on se croirait en 1976, après la première élection du PQ. Je constate que les médias anglophones n’en ont eu que pour la politique linguistique et la souveraineté alors que ces enjeux étaient bien secondaires dans les médias francophones et sur les médias sociaux. On constate la même différence avec les liens les plus retweetés (le plus souvent, des articles de journaux) par les anglophones et les francophones.

Le fossé des enjeux

Sauf sur quelques plateformes de média citoyen, les deux groupes linguistiques se sont peu engagés sur les mêmes enjeux. Si on fait abstraction des répercussions de l’attentat, au lendemain des élections, les échanges des citoyens anglophones se sont cristallisés autour de leurs principales préoccupations face à un gouvernement du Parti Québécois (même minoritaire). La carte lexicale des échanges en anglais sur Twitter (flux des principaux hashtags employés au cours de la campagne) relève clairement les préoccupations liées aux droits linguistiques, à la question nationale et à l’identité (québécois vs les autres). Il y a là un malaise sur lequel les élus devraient se pencher urgemment.

Dès que la question de l’identité est abordée, on n’est jamais loin de la loi de Godwin (le mot « hitler » a été suffisamment employé pour se trouver en périphérie de la carte lexicale (sur la gauche et à mi-hauteur du graphique).

Carte lexicale - Élections Québec - Anglais
Nexalogy - Carte lexicale des échanges en anglais - Élections, Québec, 05/09/2012

À l’écoute des citoyens ?

Les politiciens ne devraient pas déserter les médias sociaux après les élections. Ils devraient les utiliser pour se tenir à l’écoute des citoyens et pour les informer de leurs projets, pour engager avec eux des échanges constructifs et pour faire remonter dans l’appareil politique les préoccupations susceptibles de faire obstacle à ces projets. On a beaucoup parler de la présence des candidats sur les médias sociaux, cependant ils s’en sont servis comme tribune pour livrer leurs messages,  dans une démarche de communication traditionnelle (à sens unique).

Politique micro et hyperlocale ?

La notoriété d’un individu, la popularité d’un compte (nombre d’abonnés, nombre de tweets) et la viralité d’un contenu ont retenu l’attention des médias. C’est une perspective de média de masse, une approche macro et de plus, en temps réel, sans le temps nécessaire à l’analyse et la mise en contexte. Il faut encore du temps pour apprivoiser le nouvel écosystème informationnel et de nouveaux outils d’analyse et d’interprétation. Pour les professionnels de l’information et les politiciens, il y de nombreux usages en mode micro à développer et à expérimenter. Verrons-nous des partis tenir des assemblées de cuisine impromptues sur Twitter ?

Mise à jour 2012/09/07

À propos de ma démarche

En portant attention aux contenus des échanges et des hyperliens sur Twitter au cours de la campagne, j’ai repéré des différences; la reconnaissance de formes (patterns), surtout dans les flux informationnels, me passionne. J’ai, par la suite, vérifié ce qui m’apparaissait comme un signal en effectuant deux requêtes dans une base de données (flux des principaux hashtags sur Twitter).

Le billet que j’ai écris ne fait que partager l’observation des résultats obtenus. N’ayant pas l’expertise requise pour l’analyser et l’interpréter, je ne peux que commenter et souhaiter que d’autres spécialistes s’y intéressent et, en retour, partagent leurs réflexions.

Élections 2012 : capital de confiance et bataille des faits

Le débat des partis a lieu ce soir (dimanche 19 août). Les candidats se livreront à une joute oratoire dont nous seront les spectateurs. Je retiens 2 choses:

Capital social, capital de confiance

L’importance, pour les individus et partis, de constituer un capital social en développant et en entretenant un réseau de relations bâti sur la confiance, la crédibilité et le partage des connaissances (information, expertise, expérience).

Bataille des faits

Dans un débat, où chacun des participants aura préparé son arsenal de vérités et de statistiques, et où les citoyens par médias sociaux interposés pourront y apporter leurs commentaires, les professionnels de l’information jouent également de leur capital de confiance.

Conversation

Changer la façon de faire de la politique… malgré elle

Les commentaires très pertinents de Marc Levasseur, spécialiste en communication et affaires publiques (qui emploie également la technologie de Nexalogy), à propos de mon précédent billet, m’obligent à y apporter quelques précisions.

Qui est actif sur Twitter ? Des gens ordinaires ou des professionnels de la communication ?

Twitter est un microcosme, on y trouve même des robots. Ceux-ce composeraient une bonne partie des abonnés des grandes marques et des personnalités médiatiques. Ce politicien italien se défend bien d’avoir une audience plus ou moins réelle.

Cependant, contrairement aux médias traditionnels, les plateformes de publication et les réseaux de diffusion sur Internet sont accessibles à chacun. Il est donc fort plus probable qu’il y ait du « vrai monde » sur les réseaux sociaux.

Twitter (ou Facebook) ne représente pas la réalité, mais il cependant un excellent laboratoire pour les nouveaux usages. Je m’efforce d’observer les interactions et contenus échangés en faisant abstraction des usages politiques conventionnels. La pratique de la veille concurrentielle m’a appris à sortir de mon cadre de référence pour déceler les signaux faibles du changement.

Les 2 cas cités sont-ils des initiatives pilotées par des partis politiques ?

Les deux cas retenus dans le précédent billet permettent de mettre en évidence des pratiques moins organisées, moins structurées, moins populaires (donc moins facilement repérables), mais qui sont les signaux faibles d’une appropriation croissante des réseaux sociaux pour des enjeux civiques. De nombreux utilisateurs de Facebook et Twitter constatent d’ailleurs la politisation croissante (sujets incluant les conflits et causes mondiales) du contenu des flux qu’ils suivent. Martin Lessard (dont le billet Faire de la politique autrement est à lire) et moi avons souvent discuté de la prédominance des pratiques commerciales sur les usages civiques sur les médias sociaux.

Même si Geneviève Tardif (L’obstineuse) bénéficiait de conseils professionnels pour sa présence numérique, il demeure que cette initiative sera sans doute suivie par d’autres individus, quelque soit leur motivation.

Peut-on donc réellement parler de dialogue et d’écoute? De participation citoyenne? Ou plutôt de débats entre partis qui se font par personnes ou plutôt par profils interposés?

Je mets de côté les évidences afin de repérer les signaux faibles du changement. Je souligne qu’il n’y a pas encore réellement d’écoute et de dialogue de la part des organisations politiques. Cependant, il y a des échanges entre individus politisés (pas nécessairement   identifiés comme militants actifs pour un parti). La force des ces interactions, même si elles ne durent pas et ne concernent que quelques individus, est leur grand nombre, leur spontanéité et leur formation organique (facteur essentiel du nouvel écosystème des relations, voir « wirearchy » dans ce billet). Si les organisations n’entrent pas dans les conversations, elles s’éloignent de leur base et perdent l’avantage de la proximité qu’offre Internet. Voir mon billet sur la présence et le comportement du SPVM sur Twitter pendant les manifestations étudiantes.

Pour que les organisations politiques aient des stratégies réellement efficaces sur les médias sociaux, il faudrait qu’elles soient plus agiles et qu’elles intègrent les activités de certains de leurs partisans qui sont actifs et bien implantés dans leurs réseaux (et non leurs militants, pas assez spontanés, trop ligne de parti). Les usages actuels donnent à penser qu’on emploie un outil 2.0 dans des stratégies de communication (marketing) pour faire de la politique traditionnelle.

Les organisations changent, et souvent, malgré elles. Tout comme en entreprise, où les nouvelles générations (X, Y, natifs du numérique) ont secoué la culture organisationnelle, les citoyens changent la façon de faire de la politique.

Élections québécoises 2012 – Politique 2.0 : les citoyens prennent les devants

  • Les stratèges des partis politiques doivent désormais tenir compte de l’engagement très actif de certains citoyens.
  • Le partage d’information est au centre de la lutte pour la crédibilité alors que la confiance se fait rare.

Ce sont les constats qui sautent aux yeux alors que je suis la campagne électorale québécoise en décortiquant les liens et les relations des flux recueillis par Nexalogy (Élections québécoises 2012Élections québécoises 2012 – Partis politiques)

Élections Québec - Intérêts, 16-08-2012
Élections québécoises 2012 sur Twitter - Carte lexicale - Nexalogy

Nous sommes des médias

Des citoyens mettent temps et efforts (conception de pages web, recherche d’information, rédaction, animation de conversations sur les réseaux sociaux) pour se faire entendre des politiciens et rassembler leurs concitoyens autour des enjeux qui les préoccupent.

Parmi les liens les plus largement diffusés, on retrouve ceux qui pointent vers un site dont l’instigatrice est une jeune femme au pseudonyme qui fait sourire : Geneviève L’obstineuse. Il existait bien avant le début de la campagne, mais n’a que récemment attiré l’attention du Directeur général des élections et du Parti Libéral. Si les dépenses des partis politiques sont surveillées en période électorale, rien ne restreint le droit des individus à exprimer leur opinion. Voilà un facteur de perturbation avec lequel devront compter les organisations politiques. Il faut ajouter à cela le facteur d’incertitude des électeurs (électrons libres) qui ne se réclament d’aucun parti.

Si le Parti Libéral a répliqué aux affirmations du site Liberaux.net , il n’en reste pas moins que les affirmations et leurs sources qui sont diffusées (et mises à jour) demeurent populaires. La réplique de l’organisation libérale et la couverture médiatique qui a suivi ont également contribué à une plus large diffusion du site Liberaux.net et des tweets de son instigatrice.

Les Faits, un compte piloté par l’équipe des communications du Parti Libéral a rapidement trouvé une contre-partie. Parmi les comptes les plus retweetés, on retrouve fréquemment Les Vrais Faits, un autre exemple d’initiative personnelle. L’auteur du compte effectue une veille informationnelle sur les déclarations des candidats du parti Libéral et publie régulièrement des liens vers des sources d’information, assortis de commentaires.

Comment is free, but facts are sacred

Cette célèbre phrase de Charles P. Scott (rédacteur en chef du Guardian de 1872 à 1929) démontre le rôle essentiel d’une information de qualité (sources vérifiables) dans la lutte pour la crédibilité des individus et, potentiellement, l’obtention du soutien populaire. Le partage d’information qui a une valeur pour l’audience recherchée, permet d’engager des conversations. Les répliques humoristiques et personnelles ont la cote sur Twitter, mais un fait exposé de façon claire et concise, accompagné d’une source fiable et commenté trouvera facilement des relayeurs et des commentateurs.

L’information est abondante, accessible, les outils de recherche sont performants et la publication en ligne est à la portée de tous : libre à chacun de se lancer dans la campagne, en solo ou en équipe.

La politique 2.0 c’est aussi écouter

On parle de politique 2.0, de la présence (ou de l’absence) des candidats sur les réseaux sociaux. Il n’est pas encore question d’écoute, du temps que les organisations prennent pour prendre connaissance des souhaits ou critiques exprimées sur cette grande place publique qu’est Internet.

Les institutions politiques et les administrations publiques tardent à entrer dans l’espace numérique pour écouter et échanger avec leurs concitoyens et leurs administrés. Ce sont ces derniers qui prennent les devants. Verra-t-on une autre façon de faire de la politique, par exemple, en ayant des groupes d’intérêt (autre que des lobbyistes) qui proposent les éléments des programmes politiques et qui se concertent autour de projets pour, par la suite, les présenter aux partis ?

 

 

 

Partage de l’information et capital social

Geek and Poke - How to make money on Web 2.0

Écosystèmes relationnels

Dans une économie où la surabondance d’information rend notre attention encore plus précieuse, les organisations qui comptent uniquement sur la refonte de leur site Internet pour accroître leur clientèle jettent leur argent par les fenêtres.

There’s a reason people don’t join your groups, subscribe to your mailing list, or share your content. It’s why they’re not telling friends about your business. It’s also why, in the long run, you will become the vultures and hyenas of the attention ecosystem.

Effective immediately, the reality of the new world is that if you build it, they won’t give a shit.

Extrait d’un billet de Julien Smith. Il est le co-auteur, avec Chris Brogan, du livre Trust Agents, lequel préfigure le déclin du marketing à l’emporte-pièce, la montée en puissance de l’écosystème relationnel et du nouvel actif de l’économie de l’attention : la confiance.

Pour la plupart des organisations, un site Internet est un complément aux autres supports marketing et promotionnels. On pratique sur Internet le modèle publicitaire des médias de masse. On s’accroche à la même façon de penser le marketing et les relations publiques; seul le médium est différent. Le relationnel est le maillon faible de ce marketing social que l’on prétend pratiquer. Le billet de  Julien est une mise garde adressée à ceux qui n’ont retenu que la mécanique du Web sans avoir compris l’importance du capital social dans l’économie de l’attention.

Confiance et diffusion de l’information

En permettant à chacun de s’informer et de s’exprimer publiquement, la révolution numérique modifie irrémédiablement les écosystèmes relationnels, en société et en entreprise. Ce nouveau paradigme pose un défi pour les institutions et organisations dont les écosystèmes relationnels reposent sur la hiérarchie et le contrôle.

Voici le concept de « wirearchy » (par opposition à « hierarchy »), tel que dénifit par Jon Husband :

“a dynamic flow of power and authority based on trust, knowledge, credibility and a focus on results enabled by interconnected people and technology.”

Comment générer du capital social ? En diffusant une information utile et de qualité afin d’entretenir un écosystème relationnel basé sur la confiance et la crédibilité.

 

 

Startup Festival : carte des interactions et pistes narratives

En facilitant le repérage de connections entre des sujets et des acteurs, l’analyse des conversations sur les médias sociaux permet de raconter des histoires.

La deuxième édition du Startup Festival (informations plus détaillées dans la version anglaise du site) avait lieu les 11, 12 et 13 juillet derniers, au bout du quai Alexandra. J’utilisais jusqu’à présent la technologie de Nexalogy pour filtrer et analyser les contenus et les interactions sur les réseaux sociaux.  Dès la fin de la première journée de conférences, la carte des interactions m’a permis de repérer les éléments d’une histoire à raconter.

Parler de startups et d’opportunités au festival des startups de Montréal

StartupFest sur Twitter_Interaction_Comptes les plus actifs
Startupfest sur Twitter - Carte des interactions (comptes les plus actifs) Les comptes du Festival sont au centre des interactions. Plus les autres comptes sont près de ces derniers, plus ils sont en interaction avec eux.

Plusieurs femmes ont participé à cet évènement. C’était remarquable car les technologies de l’Internet attirent relativement peu de femmes. Vers la fin de la première journée de conférence, la carte des interactions a révélé la présence active de plusieurs participantes dans l’espace numérique des conversations. Qu’elles développent des applications ou des contacts d’affaires, ces entrepreneures font tranquillement leur chemin dans un univers bien différent de celui des entreprises de l’ère industrielle.

Potentiel narratif: 6 femmes, 6 histoires d’entrepreneures

@christinerenaud
Fondatrice de E-180, une plateforme qui permet de faire connaître et partager votre expertise ou votre savoir-faire en rencontrant des gens qui ont les mêmes affinités.

@JessicaLChalk
Entrepreneure de l’Ontario, responsable au développement des affaires pour I Think Security qui offres des services et des solutions de protection des données.

@misskavita
Kavita Ajwani, née à Montréal et a vécu en Thaïlande et en Inde avant de revenir démarrer une startup, Taskhire.com, qui permet de trouver en ligne de l’aide pour effectuer diverses tâches et travaux.

@MorganeSuel
Étudiante en anthropologie médicale, originaire de la Silicon Valley (ce qui explique sa passion pour les startups) et animatrice de la communauté du Startup Festival.

@sarahQB
Sarah Queen Browning, diplômée de Stanford et co-fondatrice de Panafold, une startup qui développe des interfaces et des applications mobiles pour faciliter l’acquisition de connaissances.

@SuzanneMGrant
Entrepreneure d’Ottawa qui contribue à la croissance d’un écosystème pour les startups du monde arabe. Elle publie le blogue ArabStarts.

Les contenus échangés par ces participantes, ainsi que leur profil et leurs traces sur le web recèlent un potentiel narratif, une perspective différente sur l’univers des startups.

Sociofinancement : importance de la relation avec les créateurs

Qui dit relation, dit émotion. Entre l’illusion d’une relation affective (« J’aime ») avec une marque et le développement d’une relation avec des créateurs, basée sur l’engagement envers une cause, je privilégie la seconde option, sans aucune hésitation. J’ai contribué au financement d’un autre documentaire des productions du Rapide-Blanc, sur le fleuve Saint-Laurent, dans la même veine que le très engagé  Chercher le courant.

Sociofinancement - Projet Le fleuve Saint-Laurent
Sociofinancement – Projet Le fleuve Saint-Laurent

J’ai reçu un DVD en cadeau et l’équipe me tiendra au courant de l’évolution du projet. J’aimerais bien qu’il y ait un blogue de production : le making off en temps réel est beaucoup plus engageant, permet de documenter et conserver plusieurs aspects de la production qui, autrement, ne sont pas archivés et sert de dynamo la campagne de promotion du produit. Afin d’accroître le financement de son projet, Rapide-Blanc a fait appel à son réseau de contacts, à ceux qui ont apprécié ses documentaires, à ceux qui soutiennent les causes environnementalistes, bref à tous ceux qui pouvaient se sentir interpellés par la cause environnementale. En utilisant Haricot.ca, une plateforme de sociofinancement (crowdfunding), Rapide-Blanc a non seulement atteint son objectif, mais a également débuté la campagne de marketing de son prochain documentaire. Les plateformes de sociofinancement, dont la populaire Kickstater, sont des leviers incontournables pour le (micro) financement de projets. L’an dernier, Tara Hunt, une techno-entrepreneure basée à Montréal, avait trouvé grâce à IndieGoGo le financement nécessaire à une formation de perfectionnement. Le sociofinancement, c’est la culture du partage où la dimension émotionnelle de la relation (fréquemment occultée dans la logique marchande du marketing pourtant désigné « social ») a toute son importance. Un modèle économique basé sur l’engagement (love money) qui séduit peu à peu les artistes et autres intervenants du secteur de la culture.

Will crowdfunding completely replace the consumer model? No. The old consumer model will continue to retain a significant portion of economic activity—not every product, project, or idea is suitable for crowdfunding. Though just like we are starting to reclaim our relationships with the artists, we are called to participate in reclaiming our communities. We are invited to join not out of responsibility, but out of gratitude, a key emotion of the new paradigm. Crowdfunding is a model that better allows us to connect our personal gifts with receivers. This is aligned with the nature of the gift.

Charles Eisenstein, Why crowdfunding is just the beginning.