Un récent billet de Michelle Blanc a attiré mon attention parce qu’il fait référence à l’outil d’analyse des conversations sur les médias sociaux développé par Nexalogie. Je travaille avec l’interface de recherche qui permet de générer le rapport analytique des conversations sur Twitter à propos de la crise étudiante (http://hausse-fr.nexalive.com/)
Je ne m’étendrai pas sur ce qui fait qu’un contenu est de gauche ou de droite et qui peut être perçu comme intolérant par les tenants d’une opinion adverse. Je ne partage pas toutes les opinions de Michelle, mais je respecte son expérience des médias sociaux.
Je reviens plutôt sur deux éléments du billet qui sont en rapport avec l’outil d’analyse .
Les messages principalement véhiculés étaient ceux des médias traditionnels
Ce sont les utilisateurs qui deviennent les relayeurs de l’information produite par les médias et qui jouent un rôle important dans cette crise. Ces utilisateurs engagés ne sont pas de simples porte-voix; ils ne se contentent pas de retweeter les contenus des médias, ils les commentent. Dans le flux analysé, les contenus des médias qui sont les plus retweetés sont le plus souvent accompagnés de commentaires négatifs. Les médias sociaux amplifient l’expression du sarcasme et de la dérision envers les gouvernants et les personnalités qui prennent position (ou sont perçues comme telles) en faveur de ce dernier.
Finalement, si on transpose ces différentes données au Québec, on peut comprendre pourquoi, en partie, Twitter en particulier, Facebook et les autres médias sociaux sont maintenant devenus un champ de mines pour ceux « oseraient » exprimer une opinion divergente de la gauche casserole…
Je ne crois pas que les médias sociaux soient des champs de mines. Certains savent se positionner dans les conversations pour faire entendre leur message.
L’illustration ci-dessous est la carte des interactions entre les comptes sur Twitter qui est issue du même flux mentionné précédemment. Le gros point rouge, au centre de la nébuleuse, est le compte du Service de police de la ville de Montréal (@spvm). Tous les soirs, au cours des manifestations, ce compte est au centre des conversations. Contrairement au gouvernement, le SPVM n’est pas qu’un sujet de discussion, il est un acteur. Le compte @spvm n’interagit qu’avec des individus dont l’activité sur Twitter fait preuve de mesure, évitant ainsi toute confrontation. Ses messages, contenant de l’ information plutôt que des opinions, sont abondamment suivis, relayés et commentés, tant par ses supporteurs que ses détracteurs.
Une organisation ou un individu qui souhaite exprimer une opinion divergente sur les médias sociaux ne doit pas s’en priver. Une analyse fine des conversations permet de repérer l’expression d’opinions nuancées et d’identifier des relayeurs d’information. Il devient alors possible de diffuser un message en s’inscrivant dans une logique de discussion pour peu qu’on ait de l’information à partager.
Précisons que le @SPVM n’émet pas d’opinion, mais des informations utiles à tous. La meilleure façon d’avoir de l’influence sur les médias sociaux et dans la « société de l’information » en général, c’est donc d’y créer des contenus non seulement originaux, mais utiles. Ce que fait, évidemment, l’industrie des médias de masse; et ce qui explique qu’elle reste au centre de la conversation sur les médias sociaux.
Par ailleurs, le gouvernement chinois prouve, ces jours-ci, que les médias sociaux peuvent effectivement devenir des champs de mines pour les gens de droite. C’est probablement cet épouvantail d’une maoïsation imminente du Québec que notre amie Michelle agite, trahissant une paranoïa typiquement néolibérale. La différence, c’est qu’au Québec, la droite est au pouvoir et que c’est elle, à coups de balles en caoutchouc, d’éditoriaux féroces et de lois spéciales, qui impose son idéologie à une large frange de la population s’éveillant à la nécessité d’une vraie démocratie.
Devrait-on pour autant comparer la police, les médias et les lois-bâillons du Québec à leurs équivalents chinois? On n’en est pas là, fort heureusement, mais au vu de la radicalisation politique en cours à Québec et à Ottawa, tentons de garder la tête et la langue froides, et ce quelles que soient nos convictions.
Partager des contenus utiles permet de s’élever au-dessus de la mêlée, comme le rapporte cette étude sur la curation de contenus et l’engagement des consommateurs. Évidement, c’est un processus qui demande un certain investissement (recherche, sélection, ligne éditoriale).
Content Curation Can Inform, Engage Customers (eMarketer) : http://bit.ly/K77HQt
Très bon usage de la plate-forme d’analyse de Nexalogie et surtout très bonne mise en garde concernant la délimitation entre le factuel et l’opinion qui sont malheureusement trop souvent confondus dans l’esprit de bien des gens.
S’il est assez claire que la presse traditionnelle demeure somme toute généralement plus fiable quant à la circulation d’informations factuelles vérifiée, les réseaux sociaux en sont certes un puissant accélérateur de diffusion et ils peuvent avoir un impact important sur l’opinion.
Comme le fait remarquer Josée, pour bien comprendre ce qui se passe sur les médias sociaux on doit pouvoir déterminer le poids relatif d’une position donnée par rapport à une autre, qui circule quoi et surtout qui accapare volontairement l’attention en polluant les MS de certains courants d’opinion en ayant recourt à des techniques de diffusion de masse et de retransmissions programmées. Dans le s médias traditionnels on appelle ça le poids média.
Comme les Grecs l’ont souhaité sur la montagne athénienne bien avant l’arrivé d’Internet, tout citoyen a le droit d’émettre une opinion sur un sujet d’intérêt public. Les écoles de droits, les bonnes écoles de sciences po. et de journalisme nous enseignent d’ailleurs comment le faire avec discernement et surtout nous apprennent que pour être crédible et défendable toute opinion doit être convenablement appuyée et correctement argumentée.
Cette logique doit éventuellement s’appliquer aux réseaux sociaux qui sont en quelque sorte la place publique moderne. L’intention ici n’étant pas d’exiger que ceux qui prennent la parole, ou plutôt le clavier, accouchent d’un argumentaire juridique mais plutôt que la validation communautaire des propos de tous permettent non seulement l’expression d’une pluralité d’opinions mais favorise aussi la montée du bon grain au détriment de l’ivraie.
Wikipédia est par ailleurs un très bon exemple de ce phénomène d’autorégulation. Les réseaux sociaux sont jeunes, comme toute chose, ils vont certainement s’affiner avec le temps et la mesure n’en sera que meilleure.