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Les femmes en TIC et le syndrome de l’imposteur

Initialement publié dans le blogue de Direction informatique, le 23 mai 2014.

Hedy Lamarr - Actrice, productrice et inventrice.
Hedy Lamarr – Actrice, productrice et inventrice d’un système de codage des transmissions (GPS, Wi-Fi)

Pourquoi hésitons-nous, nous les femmes, à faire notre place dans le domaine des TI? Notre présence en plus grand nombre dans les technologies de l’information et des communications (ce dernier élément est trop souvent omis) représenterait pourtant une opportunité de transformation pour un secteur qui, comme tant d’autres, doit s’adapter à la nouvelle culture et aux usages numériques. Le 14 mai dernier, le Réseau Action TI se penchait sur cette question lors de la soirée Femmes en TI : place au leadership qui était organisée dans les bureaux montréalais de Google. Une conférencière et cinq panélistes étaient invités à partager leurs expériences et perspectives sur les enjeux d’une plus grande mixité dans le domaine des TIC. Pourquoi les femmes y sont-elles toujours aussi peu nombreuses, alors qu’elles ont déjà investi d’autres domaines où elles étaient minoritaires et que le web a élargi l’accès aux outils de conception numérique? Voici quelques pistes de réponses.

Diminution généralisée des inscriptions en TIC

D’abord, il ne faut pas sous-estimer la tendance générale : selon les statistiques publiées par TechnoCompétences, près de 12 ans après l’éclatement de la bulle techno, le bassin d’étudiants inscrits en TIC n’est pas encore remonté au même niveau et ce, malgré une demande toujours croissante. Si la filière attire moins les garçons, il n’est guère étonnant que les filles ne s’y précipitent pas non plus.

Mode d’apprentissage à adapter

Ensuite, il faudrait s’intéresser d’un peu plus près aux milieux d’apprentissage. Si la programmation informatique ne semble pas très attrayante pour les femmes, c’est peut-être parce que l’enseignement actuel ne convient pas à bon nombre d’entre elles. L’approche décontractée des groupes d’apprentissage Ladies Learning Code, plus pratique et moins compétitive, apporte peut-être une piste de solution.

Environnement de travail inclusif

Le monde du travail et les entreprises s’adaptent progressivement aux spécificités et aux attentes d’une main-d’œuvre plus diversifiée. Cette adaptation est-elle plus lente à se concrétiser dans le secteur des TIC ? Certaines entreprises, comme Google Montréal ou Desjardins, ont modifié leurs environnements de travail et leurs programmes de développement professionnel afin d’attirer des candidatures de choix parmi les femmes intéressées à faire carrière dans le domaine.

De l’informatique au numérique

Dans une perspective strictement technologique, il y a effectivement peu de femmes qui programment. Mais dans une perspective plus large, celle des projets numériques, elles sont nettement plus nombreuses : chargées de projets, analystes d’affaires, conceptrices d’interfaces, ergonomes, pour ne nommer que quelques fonctions. Parmi les conférencières et panélistes, Viviane Gravel, entrepreneure en série (Metix Capital), Luce Julien, journaliste (Radio-Canada), Nancy Naluz, coordonnatrice de formation (Ladies Learning Code), Maha Lebbos, chef de produits (Pages Jaunes) et Danielle Savoie, gestionnaire (Desjardins) ne sont pas issues de l’informatique, mais elles détiennent cependant la diversité d’expertise et de perspective que requièrent les organisations à présent pour innover et se renouveler.

Le syndrome de l’imposteur

Si la programmation n’est pas l’unique voie d’accès et de réussite des femmes dans les métiers du numérique, certains croient que sa maîtrise est une compétence essentielle pour qu’elles puissent jouer pleinement leur rôle au sein de l’équipe. À la soirée Femmes en TI : place au leadership, certaines panélistes ont évoqué cette impression de ne pas se sentir à leur place, de ne pas avoir ce qu’il faut pour occuper un poste convoité, de ne pas être assez performante. Ce « syndrome de l’imposteur » évoqué par l’une d’entre elles serait probablement moins susceptible de se manifester dans un milieu de travail plus ouvert à la diversité des compétences et des pratiques. Ceci dit, chacun sait que le secteur des technologies de l’information et des communications n’échappe pas à la vague de changement qui affecte la plupart des activités humaines. Les problèmes et les solutions étant de plus en plus complexes, il faut multiplier les perspectives, concevoir et travailler dans une plus grande interdisciplinarité. La mixité est probablement l’un des moyens permettant d’y arriver. Quelle vision du secteur des TIC préférez-vous : traditionnelle et monoculturelle ou transformatrice et diversifiée?

Serons-nous clients ou bâtisseurs de la nouvelle économie?

Initialement publié dans le blogue de Direction informatique, le 8 avril 2014.

Program or be programmed - David Rushkoff

Il y a plus d’avantages à être celui qui contrôle un système que celui qui l’utilise.

L’intense compétition entre les acteurs mondiaux des technologies de l’information et l’importance des investissements consentis par plusieurs gouvernements témoignent du passage de l’ère industrielle à celle du numérique.

Malheureusement, il semble qu’au Québec et au Canada, nous ayons choisi d’être des clients plutôt que de figurer parmi les bâtisseurs de la nouvelle économie.

La semaine dernière, on apprenait que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) se prépare à remettre la gestion de son catalogue à OCLC, une organisation basée aux États-Unis, faute d’avoir trouvé chez nous un fournisseur capable d’effectuer la modernisation de son système de gestion. Comme c’est le cas dans la plupart des organisations, BAC est aux prises avec un système qui est désuet et ne répond pas aux exigences d’interopérabilité et de flexibilité des réseaux d’information collaboratifs.

Les professionnels des sciences de l’information connaissent bien OCLC (Online Computer Library Center), un organisme à but non lucratif à qui on doit, entre autres, WorldCat, l’agrégation des catalogues de bibliothèques publiques du monde, et Dublin Core, le schéma de métadonnées normalisé qui permet de décrire des ressources numériques. Il ne fait aucun doute que le développement du nouveau système de BAC serait ainsi entre de bonnes mains, même s’il n’est pas souhaitable que les données du patrimoine documentaire et culturel canadien soient hébergées hors de nos frontières.

Cette nouvelle soulève par ailleurs trois enjeux importants pour notre avenir dans une économie numérique :

1. Les systèmes collaboratifs et les données connectées

Il est inquiétant qu’aucune entreprise canadienne du secteur des technologies de l’information ne puisse satisfaire les besoins de BAC. Ce sont des besoins très similaires à ceux des administrations publiques, notamment, dans le contexte des systèmes collaboratifs et du partage de données.

2. L’expertise de l’information

L’exploitation de données n’est pas uniquement une question de technologie. C’est également la maîtrise des principes, méthodes et normes d’organisation des données et des contenus que l’on retrouve en bibliothéconomie et en sciences de l’information. Il y a encore trop peu de spécialistes de l’information là où il le faudrait, notamment en amont des grands projets numériques.

3. La présence numérique

Étrangement, lorsqu’on recherche sur Internet nos créations artistiques et notre patrimoine culturel, les sites des grands acteurs du commerce électronique devancent généralement ceux de nos institutions culturelles. Quand ils ne sont pas inaccessibles aux internautes, les catalogues de nos bibliothèques, musées et autres diffuseurs sont en effet invisibles pour les moteurs de recherche.

4. La dépendance technologique

En sous-traitant la maîtrise d’oeuvre et l’hébergement de projets numériques, les gouvernements privatisent peu à peu l’information, fragmentent des ensembles de données qui devraient être interconnectés et renoncent à développer une expertise interne. De ce fait, en augmentant leur dépendance à des fournisseurs externes, les administrations publiques vont à contre-courant de la nécessaire appropriation des compétences et des usages numériques par les organisations.

Les données, leur valorisation et leur exploitation, sont au cœur de l’économie de l’ère numérique. Nous avons encore le choix entre devenir les bâtisseurs ou rester les clients d’outils technologiques, tout comme nous avons encore le choix entre exploiter nos contenus et en céder le contrôle.

Tout comme le système du catalogue de BAC, combien de temps nous reste-t-il avant de devenir numériquement obsolètes?

Promesses du «BI» et réalités de l’information

Initialement publié dans le blogue de Direction informatique, le 13 novembre 2013.

Si les collections des bibliothèques étaient gérées comme on gère l’information dans les organisations, nous aurions des bibliothèques du Moyen-Âge, où seul un moine érudit pourrait trouver l’information dont vous avez besoin.

Avec ses innombrables répertoires de fichiers, ses nomenclatures incompréhensibles, ses cachettes et ses cul-de-sac, l’écosystème de l’information en entreprise ressemble bien plus à la bibliothèque cauchemardesque du roman Le nom de la rose qu’à un centre de données parfaitement bien organisées. L’informatique décisionnelle ou business intelligence en anglais réaliserait-elle des prodiges ?

Statistiques et indicateurs

La réalité de la gestion et de l’exploitation de l’information dans une organisation a peu changé depuis des décennies. Si la capacité de traitement et d’analyse de l’informatique décisionnelle a considérablement évolué, les problématiques de la gestion stratégique de l’information sont demeurées les mêmes :

Les silos informationnels

C’est l’un des défis les plus importants de l’informatique décisionnelle. Produire une information exacte et complète à propos d’une situation ou d’un événement requiert la mise en relation de données et d’informations diverses et en provenance de différents systèmes et unités d’affaires.

C’est un parcours qui comporte des barrières structurelles (directions, divisions, services), culturelles (rétention de l’information, lutte de pouvoir) et technologiques (systèmes fermés et incompatibles, absence de formats de métadonnées standards).

La partie immergée de l’iceberg

Tel que commenté dans un précédent billet, les organisations investissent davantage dans l’informatique que dans l’information. Rares sont les entreprises qui ont su instituer une véritable culture qui valorise sa gestion et son partage. Le repérage, la collecte et le traitement de l’information sont pourtant des activités quotidiennes : aux courriels, échanges verbaux, annotations de document, présentations et rapports auxquels s’ajoutent aujourd’hui les contenus transitant sur les plateformes collaboratives et les réseaux sociaux.

Cette information n’est pas constituée de données structurées, elle n’est pas catégorisée, elle n’est pas toujours explicite (plus souvent implicite ou ambiguë) et elle est difficilement repérable à l’aide d’un moteur de recherche. Elle a pourtant autant de valeur que celle qui se trouve parmi les données structurées et unifiées dans un entrepôt de données.

L’absence de contexte

La mise en contexte des données est essentielle à une information de qualité. Les indicateurs des systèmes d’aide à la décision projettent une réalité : celle qui provient des données structurées, des calculs et des rapports. On peut s’interroger sur leur capacité à traduire la complexité des multiples facettes d’une organisation. Prenons par exemple la baisse des ventes d’un produit qui peut être liée à un ensemble de facteurs et dont les indicateurs avancés sont, entre autres, des données non explicites et des contenus non structurés comme des échanges de courriels, le tout en provenance de sources diverses :

  • La gestion du personnel (roulement élevé du côté des représentants);
  • Le service à la clientèle (réclamations des consommateurs);
  • La veille stratégique (succès d’un produit concurrent);
  • Le marketing (dénigrement sur les médias sociaux);
  • La gestion des stocks (difficulté d’approvisionnement);
  • La production (baisse de la qualité des pièces d’un fournisseur);
  • Les ventes (commentaires d’acheteurs: produit vieillissant).

Pour contextualiser l’information, il faut pouvoir faire des liens entre les ensembles de données. Une tâche quasi impossible, compte tenu des silos informationnels.

Intelligence collective et informatique décisionnelle

L’intelligence collective d’une organisation repose sur une approche méthodique de la gestion de l’information qui s’appuie sur des standards reconnus, comme les formats de métadonnées descriptives. Elle devrait recourir à des compétences spécialisées dans le traitement et l’organisation des contenus. Elle concerne par ailleurs tous les membres de l’organisation. À cet égard, il faut développer une culture de l’information qui encourage la participation de chacun à la qualification (signalement, validation, modification) et à la gestion des contenus (sélection, mots clés).

L’informatique décisionnelle repose essentiellement sur des données structurées. La technologie ne constitue donc qu’un élément de la solution. Ce sont l’expertise et l’expérience humaine qui contribuent à enrichir cette matière brute en l’organisant, en la reliant à d’autres informations, en la contextualisant et en la partageant.

Tant que les silos informationnels perdurent et qu’il n’y a pas de véritable culture de la gestion de l’information, l’informatique décisionnelle ne peut être vraiment efficace.

Dans ces conditions, ne croyez-vous pas qu’une prise de décision éclairée relève du miracle ?

L’information n’est pas la priorité des organisations

Initialement publié dans le blogue de Direction informatique, le 31 octobre 2013.

On dit que Lewis Platt, PDG de Hewlett-Packard dans les années 80, se serait un jour exclamé : « Si, au moins, HP savait ce que HP sait, nous serions trois fois plus productifs. »

Chef d’entreprise clairvoyant et progressiste, Platt reconnaissait que la technologie, seule, ne peut apporter de solution à la difficulté d’accéder à l’information dans son organisation et de faire les connexions nécessaires pour faire du sens.

Si l’offre de solutions technologiques est aujourd’hui abondante, l’information ne semble toujours pas un enjeu prioritaire pour bon nombre d’organisations.

Un actif stratégique, vraiment?

Selon le célèbre théoricien du management Peter Drucker, les données, sans la perspective que donnent les connaissances et l’expérience, ont peu de valeur dans le cadre d’un processus de décision:

Information is data endowed with relevance and purpose

Traduction libre :

L’information c’est des données pertinentes et qui ont une utilité.

Les enjeux et usages stratégiques de la gestion de l’information sont nombreux et distribués dans toute l’organisation :

  • accès à l’information – soit la bonne information, au bon moment;
  • connexions entre les données et les ensembles de données;
  • des données qui font du sens (contexte sémantique);
  • moteurs de recherche  performants;
  • intranets facilitant les échanges de connaissances et le partage d’expertise.

Si l’information est un actif stratégique, rares sont pourtant les entreprises et gouvernements qui accordent autant de ressources à son organisation, son traitement et son analyse qu’à l’acquisition de technologies permettant de la stocker et de la manipuler.

Où sont les ressources?

Thomas Davenport est l’auteur de Information Ecology, le premier ouvrage sur l’approche intégrée de la gestion stratégique de l’information. Selon lui, il y a confusion entre « information » (le contenu) et « informatique » (le contenant).

Despite titles like  » Information Services », « Chief Information Officer » and « Information Center », most such functions are preoccupied  with technology – if not hardware, then software, applications development, and communications. /…/ If you approached the Information Systems help desk of the typical company and asked, « Where can I find information on our competitors in South America? » I doubt you’d get more than a blank stare. 

Traduction libre :

En dépit de titres comme « Services d’information », « Directeur principal de l’information » et « Centre d’information », la plupart de ces fonctions sont concernées par la technologie – voire par le matériel, puis les applications, le développement de logiciels et les communications. /…/ Si vous vous adressiez au service d’assistance technique du service informatique de n’importe quelle entreprise et que vous demandiez, « Où puis-je trouver de l’information sur nos compétiteurs d’Amérique Latine ? » je doute que vous n’obteniez plus qu’un regard déconcerté.

Une piste pourtant maintes fois invoquée, mais rarement mise en œuvre, consisterait à implanter une gouvernance de l’information réunissant les spécialistes de l’informatique et de l’information. Il s’y élaborerait une vision commune de la gestion des actifs informationnels. La gouvernance des projets numériques est un sujet que j’ai d’ailleurs abordé récemment.

Le mirage de la solution technologique

L’informatique n’est pas une fin en soi : c’est une affirmation souvent entendue, mais les pratiques des entreprises et des administrations publiques traduisent une toute autre réalité. Yves Marcoux, spécialiste des documents structurés et professeur à l’École de Bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal, observe dans une étude de la gestion de l’information au gouvernement :

On vivait avec l’impression que la solution résidait dans des investissements toujours plus grands en ressources technologiques (matériel d’abord, puis programmeurs, analystes, infrastructures réseau et logiciels ensuite). Il est maintenant généralement admis que cette façon de concevoir les choses est un cul-de-sac. À la rescousse se sont succédés des courants comme la programmation structurée, l’orientation-objet et une multitude de méthodologies d’analyse, de modélisation, de développement et d’évaluation de systèmes.

Le rapport d’étude a été déposé à l’intention du Directeur principal de l’information, en 2004. Il recommandait entre autres:

La gestion de l’information devait être abordée avec un mélange de pragmatisme et de méthodologie, mais surtout, en mettant l’accent sur les humains qui produisent et utilisent l’information plutôt que sur les technologies qui les aident à le faire.

Sommes-nous prêts pour l’économie du savoir?

Aucune solution de Big data ne pourra toute seule venir à bout d’une accumulation de données et de documents non structurés et sans attributs communs. Nous persistons à ne voir que le volet technologique de la solution. Or, nous passons actuellement d’une ère industrielle à une ère numérique au cours de laquelle le savoir aura autant de valeur que la production.

Si l’information est réellement le carburant de l’économie du savoir, alors il semble que nous soyons en train de construire des réseaux de pipelines sans nous soucier de l’approvisionnement en pétrole !

Appels d’offres, le maillon faible des projets numériques

Initialement publié dans le blogue de Direction informatique, le 2 octobre 2013.

Les systèmes informatiques et les sites Internet sont des parties intégrantes d’écosystèmes complexes. Or, demander à des fournisseurs de répondre à un appel d’offres pour la réalisation de projets numériques sans effectuer au préalable une véritable démarche d’analyse revient à demander à différents médecins de prescrire un traitement, basé uniquement sur une description de notre état de santé, sans examen, ni test. Un tel choix de traitement ne se ferait pas sans inquiétude.

Brouillard

Visibilité presque nulle

Il n’est pas surprenant de trouver dans les médias de nombreux cas de dépassement de coûts, comme celui du remplacement du système de commande de la Société de transport de Montréal. Bien que perçu comme un instrument de contrôle des coûts, le contrat à prix fixe est depuis longtemps décrié – cherchez « fixed cost projects » sur Google – comme un des principaux éléments qui contribuent à l’échec des projets en technologie de l’information. Cependant, peu de spécialistes se sont intéressés au problème de visibilité qui est courant dans un processus d’appel d’offres. Tim Bray, un développeur canadien qui a dirigé l’unité des technologies Web chez Sun Microsystems et qui travaille à présent au service des développeurs chez Google, s’est exprimé ainsi sur son blogue :

[…] that kind of thing simply cannot be built if you start with large formal specifications and fixed-price contracts and change-control procedures and so on. So if your enterprise wants the sort of outcomes we’re seeing on the Web (and a lot more should), you’re going to have to adopt some of the cultures and technologies that got them built.

Traduction libre :

Ce genre de chose ne peut être conçu si vous débutez avec de grandes spécifications formelles, des contrats à coûts fixes, des procédures de contrôle des changements et autres. Alors si votre organisation souhaite le genre de résultats que nous voyons sur le Web (et il y en aura plus encore), vous allez devoir adopter les cultures et technologies qui les ont rendus possibles.

À une note de veille que j’ai publiée en 2010, sur les projets dinosauresSylvain Carle avait ajouté, en commentaire, cette réflexion qui tient toujours la route :

Donc plus de petits projets, qui fonctionnent ensemble, sur des protocoles et standards web, small pieces loosely joined. Si c’est assez sécuritaire et « scalable » pour Amazon qui gère des millions en transaction chaque année, ça devrait être bon pour un gouvernement (en tenant compte des spécificités comme la vie privée, bien entendu, autre débat).

Complexité accrue

Les projets sont complexes parce qu’ils répondent à une variété de besoins et d’enjeux, dans un contexte qui change constamment. Ainsi, à une administration qui souhaitait faire développer une application pour publier des documents électroniques, j’ai soumis une liste d’éléments nécessaires à produire, dont voici un aperçu :

  • Analyse détaillée du contenu (propriétaires, audiences cibles, besoins spécifiques, typologie des documents);
  • Documentation de l’environnement technologique existant;
  • Sélection d’un format de publication;
  • Structure de classement;
  • Modèle de métadonnées;
  • Processus de traitement documentaire;
  • Sélection d’un logiciel de gestion documentaire;
  • Politique de gestion du système;
  • Interfaces Web et gestion des accès.

S’agissant d’un projet qui semblait limité à la seule dimension technologique, ce fut pour certains une grosse surprise. Ces éléments constituent pourtant des informations essentielles afin d’assurer la visibilité nécessaire à la préparation des offres de services. Ils contribuent également à évaluer le degré de complexité d’un projet pour mieux s’y préparer. Devrait-on encore faire des appels d’offres pour la réalisation de projets numériques d’une façon similaire aux appels d’offres pour l’achat de mobilier de bureau ou le pavage des routes? Est-il possible de rédiger une proposition sans pouvoir effectuer une analyse et un diagnostic précis? Les appels d’offres sont le maillon faible de nombreux projets numériques. Sommes-nous trop peu nombreux à partager cette opinion?

Mise à jour – 3 octobre 2013

Merci pour la large diffusion et les commentaires reçus; ceux-ci témoignent de la pertinence du sujet. Mais selon vous, comment s’assurer de la réussite d’un projet (échéancier, budget, atteinte des objectifs)? Quels sont les obstacles à l’amélioration du processus d’appel d’offres?

Gouvernance des projets numériques: une question de perspectives

Initialement publié dans le blogue de Direction informatique, le 14 août 2013.

Cloisonnement - Équipe en silo

Le numérique, c’est plus que de l’informatique. Alors, pourquoi la plupart des projets numériques sont-ils encore gérés uniquement dans une perspective « TI » ? Je ne suis pas la seule à poser cette question ni à croire qu’une gouvernance de projet élargie permettrait de composer avec la réalité complexe des organisations et de la société.

L’outil est-il la solution ?

Pour Evgeny Morozov, spécialiste de l’implication politique des technologies de l’information, les géants des technologies nous enferment dans un « solutionnisme » illusoire. Leur objectif ? Préserver un écosystème qui les avantage :

To Save Everything, Click Here : The Folly of Technological Solutionnism.

Il n’est pas nécessaire de partager ses opinions pour reconnaître que l’informatique est un outil de développement et non une fin en soi. Comment proposer une solution unidimensionnelle (technologie) à une problématique multidimensionnelle (enjeux politiques, changement organisationnel, approche cognitive, etc.) ?

Une perspective limitée

La politique interne, la culture organisationnelle et les silos informationnels ne sont que quelques exemples d’enjeux critiques qui sont occultés par une perspective de gestion de projet qui est essentiellement technologique. Cette problématique a d’ailleurs fait l’objet d’une étude conjointe des revues Harvard Business Review  et The Economist. Il en ressort que les chefs d’entreprise s’interrogent sur la capacité de leurs directeurs principaux de l’information (CIO) à comprendre les enjeux d’affaires à l’ère numérique.

A number of the conversations started with the assumption that social engagement, collaboration and analytics were not part of IT, but the responsibility of marketing.

Traduction libre: « Nombre d’entretiens ont débuté avec la présomption que l’engagement social, la collaboration et l’analyse d’audience web ne faisaient pas partie des TI, mais qu’ils relevaient du marketing. » (Jim Stikeleather, The CIO in Crisis: What You Told Us)

Déconnexion

Autre son de cloche : Dan Hill est consultant en intégration des pratiques des domaines de la technologie, des médias, du design et de l’urbanisme. Dans un essai qu’il a écrit à la demande de la London School of Economics sur le thème des villes intelligentes, il partage sans ménagement ce que plusieurs d’entre nous constatent dans divers secteurs d’activité.

Observe how Amazon and Net-A-Porter are changing the physical fabric of the high street; how Nike+ is changing how we exercise; how Kickstarter is changing the structure of the creative industries; how Apple has changed media; how Google is altering basic literacy, almost extending cognition; how Facebook and Twitter helped drive last years’ Peak News events.

Compare to your average municipality’s IT department: do we have the right people, the right culture, around the decision-making table?

Traduction libre: Observez comment Amazon et Net-A-Porter transforment les grandes enseignes commerciales; comment Nike+ transforme la façon dont nous faisons de l’exercice; comment Kickstarter transforme la structure des industries créatives; comment Apple transforme les médias, comment Google modifie l’alphabétisation, et même le processus cognitif; comment Facebook et Twitter ont contribué aux grands titres des actualités de l’année.

Comparez cela au service des TI de n’importe quelle municipalité : avons-nous les bonnes personnes, la bonne culture autour de la table où se prennent les décisions ? (Dan Hill, Essay : On the smart city; Or, a  » manifesto  » for smart citizens instead)

Multiplier les perspectives sur une problématique permet de trouver de meilleures pistes de solutions. Sortir du confort d’un système de référence unique favorise à coup sûr l’innovation. Si donc, un projet numérique est bien plus que de l’informatique, ne serait-il pas nécessaire d’adopter une approche transdisciplinaire pour une meilleure gouvernance de projet numérique ?

Poser la question, c’est… attendre vos réponses.

Plan numérique ou révolution de l’information ?

Moi aussi je suis étonnée. Pas tant en raison du retard numérique du Québec (les appels pour l’adoption d’un plan numérique ne datent pas d’hier), mais en regard des demandes exprimées au travers des propositions contenues dans la lettre.

Je suis tout aussi étonnée de la démarche choisie, par les tenants du web 2.0, pour les formuler et les communiquer publiquement. Comment faire la leçon du web 2.0 et de la démocratie ouverte aux entreprises et administrations publiques lorsqu’on emploie la même stratégie de communication ?

Agence gouvernementale

Proposer une nouvelle structure me semble d’un autre âge: celui du « on va mettre un homme là-dessus ». Ceci est une façon commode de déléguer le problème à un appareil administratif; on l’extériorise et on démobilise et on déresponsabilise ceux qui devraient être les acteurs des solutions de changement.

 Priorité au « numérique »

Le « quelque chose » numérique est un outil, un moyen d’arriver à des fins spécifiques. Je crois que c’est le changement de culture qui constitue la priorité. Sans ce changement, dans nos usages personnels, en société, en entreprise et, surtout dans nos administrations publiques, nous ne pourrons profiter pleinement des avantages des technologies de l’information. C’est comme être organisés comme des moines copistes à l’ère de l’imprimerie.

On ne peut pas critiquer une solution sans apporter de contribution à la démarche de résolution de problème. En prévision de l’ouverture du blogue annoncé par un des signataires de la lettre, Mario Asselin, voici comment je décrypte le problème et quelle est la piste de solution proposée.

Appel au changement

Cet appel au gouvernement pour un plan numérique est un appel au changement. Ce changement n’est pas de nature technologique, mais de nature profondément humaine. Les technologies de l’information, contrairement à ce qui est prétendu par les vendeurs de « solutions » ne sont que des instruments ou, au mieux, des catalyseurs: votre prochain projet numérique pourrait changer votre entreprise.

Donc, ce changement c’est revoir nos rapports:

  • comme citoyens, avec ceux à qui nous accordons la permission de nous représenter pour gérer nos collectivités dans notre intérêt commun.
  • comme employés ou patrons, au sein des organisations afin d’être reconnus pour nos compétences et nos contributions, et non pour le contrôle que nous exerçons sur l’information .
  • comme individus sociaux afin d’être connectés au monde qui nous entoure pour que nous réalisions que nos choix et nos actions individuels ont des conséquences à l’échelle planétaire.

Au coeur du plan numérique: l’information

« Privilégier le savoir sur l’avoir », énonce la 5e des 6 demandes, mais ce n’est pas le savoir, c’est l’information qui est au coeur de cette transformation. Une information surabondante qui est, paradoxalement, si difficile à trouver et à exploiter pour nos objectifs humains.

C’est le développement de nos capacités à analyser l’information, à la synthétiser et à raisonner et à prendre des décisions que nous devrions cibler derrière ce plan numérique. « Education is the new oil » a lancé Jim Whitehurst, le PDG de Red Hat, au cours d’une conférence TED sur l’économie de la révolution de l’information. Le savoir résulte de l’interaction de nos capacités intellectuelles avec l’information.

Si nous choisissons de privilégier le savoir sur l’avoir, c’est l’accès à l’information qu’il faut assurer par les moyens suivants:

  • Gouvernance de l’information
  • Gouvernance de projets
  • Ouverture des données publiques
  • Choix de technologies libres autant que possibles
  • Accessibilité de l’information pour tous : personnes handicapées, moins nanties, vivant en région éloignée.

Startup Festival : carte des interactions et pistes narratives

En facilitant le repérage de connections entre des sujets et des acteurs, l’analyse des conversations sur les médias sociaux permet de raconter des histoires.

La deuxième édition du Startup Festival (informations plus détaillées dans la version anglaise du site) avait lieu les 11, 12 et 13 juillet derniers, au bout du quai Alexandra. J’utilisais jusqu’à présent la technologie de Nexalogy pour filtrer et analyser les contenus et les interactions sur les réseaux sociaux.  Dès la fin de la première journée de conférences, la carte des interactions m’a permis de repérer les éléments d’une histoire à raconter.

Parler de startups et d’opportunités au festival des startups de Montréal

StartupFest sur Twitter_Interaction_Comptes les plus actifs
Startupfest sur Twitter - Carte des interactions (comptes les plus actifs) Les comptes du Festival sont au centre des interactions. Plus les autres comptes sont près de ces derniers, plus ils sont en interaction avec eux.

Plusieurs femmes ont participé à cet évènement. C’était remarquable car les technologies de l’Internet attirent relativement peu de femmes. Vers la fin de la première journée de conférence, la carte des interactions a révélé la présence active de plusieurs participantes dans l’espace numérique des conversations. Qu’elles développent des applications ou des contacts d’affaires, ces entrepreneures font tranquillement leur chemin dans un univers bien différent de celui des entreprises de l’ère industrielle.

Potentiel narratif: 6 femmes, 6 histoires d’entrepreneures

@christinerenaud
Fondatrice de E-180, une plateforme qui permet de faire connaître et partager votre expertise ou votre savoir-faire en rencontrant des gens qui ont les mêmes affinités.

@JessicaLChalk
Entrepreneure de l’Ontario, responsable au développement des affaires pour I Think Security qui offres des services et des solutions de protection des données.

@misskavita
Kavita Ajwani, née à Montréal et a vécu en Thaïlande et en Inde avant de revenir démarrer une startup, Taskhire.com, qui permet de trouver en ligne de l’aide pour effectuer diverses tâches et travaux.

@MorganeSuel
Étudiante en anthropologie médicale, originaire de la Silicon Valley (ce qui explique sa passion pour les startups) et animatrice de la communauté du Startup Festival.

@sarahQB
Sarah Queen Browning, diplômée de Stanford et co-fondatrice de Panafold, une startup qui développe des interfaces et des applications mobiles pour faciliter l’acquisition de connaissances.

@SuzanneMGrant
Entrepreneure d’Ottawa qui contribue à la croissance d’un écosystème pour les startups du monde arabe. Elle publie le blogue ArabStarts.

Les contenus échangés par ces participantes, ainsi que leur profil et leurs traces sur le web recèlent un potentiel narratif, une perspective différente sur l’univers des startups.

Industrie culturelle et littératie numérique

Friendly computer - Publicité Commodore VIC-20

 Why 2012 will be year of the artist-entrepreneur

Le Web a démocratisé l’usage des technologies de l’information en offrant à tous l’accès aux outils de création et de diffusion numérique.

Sans aller aussi loin que Douglas Rushkoff, spécialiste de la cyberculture, qui affirme program or be programmed, je crois effectivement qu’une certaine maîtrise du Web fait désormais partie de notre apprentissage, comme savoir lire et compter. Cela ne veux pas dire connaître les arcanes des langages de programmation et des entrailles des machines.

J’entends plutôt acquérir des connaissances et adopter des comportements :

  • connaître l’écosystème du Web (machine, application, serveur, Internet, site, base de données, hébergement, fournisseur d’accès Internet,…);
  • connaître les usages (utiliser le Web de façon sécuritaire, prévenir les fraudes, différencier un blogue d’une page Facebook, …);
  • comprendre les modèles d’affaires (logiciels ouverts, libres et propriétaires, license d’utilisation, systèmes ouverts et fermés, …).

… qui permettent de développer un esprit ouvert et critique :

  • Qu’est ce qu’on m’offre comme valeur (accès, usage, diffusion, …) ?
  • Qu’est-ce que j’offre en échange (argent, données personnelles, production de code ou de contenu) ?
  • Quelle est la valeur créée pour ma collectivité, la société, la planète ?

Une littératie à développer, non seulement dans l’intérêt de tous les entrepreneurs du domaine culturel (artistes, producteurs, diffuseurs, agents), mais dans celui de l’ensemble des citoyens

 

Big data : ces données que nous ne savons pas exploiter

Les barrières technologiques et organisationnelles sont des freins à l’exploitation des données. Ajoutons à ceux-ci l’absence de compétences. Un problème qui n’est pas spécifique au commerce de détail.

Retail’s BIG Blog | 5 digital retail trends to watch in the next 5 years

Data

We all know analytics are important. Heck, we’ve been trying to use them for years! But Joel predicts a massive transition in which retailers combine their current very linear relationship with data with the more cyclical silo that comes from gathering data from many different places.Social CRM is imminent (and we probably won’t be calling it that for very long!). The problem Joel foresees is that retailers just aren’t staffed for this kind of analytics yet. (Mitch Joel)

À  l’ère de la fragmentation des marchés et des audiences, la problématique de l’exploitation des données est une tendance lourde.

Big data: The next frontier for innovation, competition, and productivity (McKinsey)

There will be a shortage of talent necessary for organizations to take advantage of big data. By 2018, the United States alone could face a shortage of 140,000 to 190,000 people with deep analytical skills as well as 1.5 million managers and analysts with the know-how to use the analysis of big data to make effective decisions.

Un nombre incalculable d’applications et de technologies analogiques et numériques recueillent des données dont le volume est en croissance exponentielle. Il y a de nombreux enjeux, dont la sécurité, la protection des renseignements personnels et la censure. La meilleure façon d’y faire face est l’ouverture.

The Economist - The Data Deluge

The Data Deluge (The Economist)

The best way to deal with these drawbacks of the data deluge is, paradoxically, to make more data available in the right way, by requiring greater transparency in several areas. First, users should be given greater access to and control over the information held about them, including whom it is shared with. Google allows users to see what information it holds about them, and lets them delete their search histories or modify the targeting of advertising, for example. Second, organisations should be required to disclose details of security breaches, as is already the case in some parts of the world, to encourage bosses to take information security more seriously. Third, organisations should be subject to an annual security audit, with the resulting grade made public (though details of any problems exposed would not be). This would encourage companies to keep their security measures up to date.

Reconfiguration des professions de la « gestion du savoir » (bibliothécaires, documentalistes, archivistes) dont les compétences sont codifiées et qui font une place importante aux enjeux d’éthique.

Vers des architectes de l’information

L’enjeu pour ces nouveaux professionnels sera de concilier les pratiques des différents mondes du document. Il leur faudra, de façon très pragmatique, construire à la fois des prestations et des institutions qui soient réellement dédiées à la communauté qu’ils servent, reprenant à leur compte la longue tradition des infrastructures épistémiques, sans l’inféoder aux stratégies industrielles qui visent à verrouiller le Web ni la réduire à la logique performative des ingénieurs. (Jean-Michel Salaün)

J’adore mon métier.