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Nos contenus culturels sont absents du web des données

Ne pas être préoccupé de la présence et de la visibilité des contenus des industries culturelles et créatives sur le web, c’est, pour une institution: attendre d’être obsolète ou, pour une entreprise:  être bientôt ou déjà mise hors jeu par les grands intermédiaires technologiques.

Googlelisation des contenus culturels: captation de l'attention et des données des interactions. Tweet partagé lors du Congrès des milieux documentaires du Québec, 19 novembre 2015.
Googlelisation des contenus culturels: captation de l’attention et des données des interactions. Tweet partagé lors du Congrès des milieux documentaires du Québec, 19 novembre 2015.

 

Mais dans tous les cas de figure, c’est être les grandes perdantes de la guerre que se livrent les grandes plateformes pour occuper nos écrans et promouvoir les contenus qu’elles ont sélectionnés en fonction de leur stratégie. Cette stratégie repose fondamentalement le transfert de la création de valeur du produit à la plateforme. Dans ce modèle, ce sont les règles d’affaires ,et non les produits qui s’adaptent selon les besoins des marchés.  Ces règles d’affaires sont les algorithmes qui  traitent les métadonnées des catalogues, ainsi que les données générées par les interactions avec les consommateurs.

Dans un billet publié la semaine dernière,sur la découvrabilité des contenus culturels, j’ai dénoncé sur la faible exploitation des catalogues, répertoires et archives de contenus et sur la perpétuation des silos de données qui font que nos produits culturels n’ont pas de masse critique, et donc d’existence, dans le web des données.

Parler de découvrabilité sans s’interroger sur les conditions requises pour provoquer la rencontre de l’offre et la demande ou pour favoriser la fortuité du croisement entre une attention disponible et une offre, c’est chercher une médication sans avoir établi de diagnostic médical.

Bien sûr, la découvrabilité est un concept qui ne date pas d’hier. À tout le moins, dans le domaine des sciences de l’information, c’est un élément familier de l’économie du document. Et certainement, il y a différents parcours de découverte pour les contenus: critique, recommandation, promotion, en ligne et hors ligne.

Mais le parcours le plus rentable est celui qui permet de tracer les contenus, de suivre leur consommation, de collecter les données sur lesquelles reposent des décisions tactiques et stratégiques. Ce parcours est celui va de la mise en ligne du catalogue (ou pour les plus avancés, la mise à disposition des données du catalogue en mode public ou ouvert) à l’enrichissement des données d’usage par les consommateurs et, indirectement, par les partenaires.

C’est ce parcours que nos institutions culturelles , comme nos entreprises de la culture et du divertissement, ne perçoivent pas encore comme une condition essentielle de survie, mais surtout, d’autonomie et de contrôle sur le pétrole de l’économie numérique: la donnée.

Comme je le mentionnais, dans le blogue de Direction Informatique,  à propos du commerce électronique:

Le catalogue de produits demeure le maillon faible du commerce électronique au Québec. Pour trop d’entreprises, c’est encore une brochure ou, au mieux, une arborescence de site web. Mais pour les plateformes commerciales à succès, il s’agit plutôt d’un ensemble de données structurées s’adressant aux consommateurs afin de faciliter leurs décisions d’achat. Et pour celles qui sont entrées dans l’économie numérique, c’est aussi la composante d’un système d’information stratégique.

Pour avoir un aperçu de ce que pourrait être ce système d’information stratégique, en culture, il faut absolument lire le 3e cahier Innovation et prospective de la CNIL. Pendant ce temps, nos institutions de mémoire collective (bibliothèques, musées, archives) découvrent le web social et participatif et se demandent s’il faut ouvrir les contenus à la participation du public.

Alors, serons-nous uniquement les clients et utilisateurs des grandes plateformes ou deviendrons-nous les créateurs et bâtisseurs de cette économie numérique?

 

Découverabilité: nos contenus culturels sont-ils visibles?

Initialement publié dans le blogue de Direction informatique, le 20 novembre 2015.

Tout comme dans le commerce électronique, le catalogue est le maillon faible des industries culturelles et créatives au Québec. À lire l’invitation du Sommet sur la découvrabilité, il semble que nous n’ayons pas encore réalisé ce qui fait le succès des plateformes comme Amazon, Netflix, iTunes ou YouTube : une culture de la donnée qui favorise les rencontres entre l’offre et la demande.

Trop rares sont les entreprises qui, quel que soit leur secteur d’activité, exploitent leurs actifs informationnels sur le web ainsi que le font de nouveaux acteurs issus du numérique qui sont ou qui deviendront rapidement leurs plus féroces concurrents. À ceux-ci il faut ajouter les géants technologiques qui ont choisi le modèle de la plateforme, plutôt que celui du produit, et qui captent lors de chaque transaction, une valeur en micropaiement ou données.

Les fonds qui restent au fond des systèmes 

Pourtant, malgré les refontes de sites, les applications et les innovations technologiques, nos contenus culturels et créatifs sont pratiquement absents du web des données. Les répertoires, catalogues, fonds et archives ne sont accessibles aux humains et aux machines que par l’entremise d’un espace de recherche, souvent peu adapté aux besoins des utilisateurs. La diffusion des contenus dépend généralement de campagnes de promotion ponctuelles et plus ou moins bien ciblées dédiées aux nouveautés, laissant dans l’internet profond des actifs riches qui profiteraient bien de la longue traîne s’ils étaient visibles. Ceci expliquerait en partie le phénomène que décrit l’auteure Annie Bacon dans un récent billet intitulé « Une industrie de la nouveauté ».

L’industrie du livre se rapproche ainsi de l’industrie du cinéma dans laquelle les films n’ont plus que quelques fins de semaines pour convaincre les cinéplexes de les garder en salle. Un mauvais premier week-end et le film disparaîtra avant la fin du mois.

Combien de rendez-vous ratés avec le public et d’opportunités de développement de marché nos industries culturelles ont-elles raté sur le web? Combien de contenus n’ont pas rencontré leurs publics faute d’être visibles et découverts, par recommandation algorithmique ou par simple diffusion de métadonnées au bon endroit?

Le catalogue, actif stratégique?

Nous accusons un retard considérable en matière de diffusion et de distribution de contenu parce que nous ne maîtrisons pas les compétences nécessaires pour transformer nos catalogues et répertoires en données exploitables et interopérables. Si nous n’accordons pas la priorité à ces actifs stratégiques, nous risquons de nous confiner au rôle de fournisseurs et clients de l’économie numérique.  Cette économie est celle de la donnée, elle repose sur la diffusion des métadonnées, ces données qui fournissent une description détaillée d’un livre, d’une chanson, d’un film ou tout autre type de contenu. Ces métadonnées facilitent la recherche, favorisent la découverte et permettent aux entreprises d’enrichir leur connaissance du marché en les croisant avec les données résultant de l’interaction des utilisateurs.

La destination, c’est l’utilisateur

Il existe, bien sûr,  des programmes qui soutiennent le développement de sites internet et d’applications, ainsi que l’appropriation de nouveaux outils. Il s’agit cependant d’actions morcelées qui, en perpétuant les silos de données, obligent les consommateurs à multiplier leurs recherches ou limitent la découverte de nouvelles offres. Selon cette perspective, chaque site ou application est une destination. Dans une perspective numérique, l’utilisateur est au cœur du modèle par les requêtes qu’il adresse, directement, aux moteurs de recherche, ou indirectement, par ses actions et ses choix. L’utilisateur est devenu la destination.

Laisser le champ libre à Google et cie?

Être visible dans une économie numérique, c’est donc aller à la rencontre de son marché. Ne pas aller à la rencontre des consommateurs en mettant les contenus à leur portée, c’est laisser le champ libre à ceux qui ont compris comment, à partir du contenu intégral ou des métadonnées d’une oeuvre, on peut générer de l’information qui soit intelligible pour des lecteurs ou des applications. Voici pour preuve, cette observation partagée sur Twitter lors du Congrès des milieux documentaires du Québec qui avait lieu cette semaine, à Montréal :

McGill-GoogleScholar_tweet-cmd2015

La force des grandes plateformes technologiques repose sur la capacité d’agréger et de croiser des données de sources différentes, de les contextualiser à l’aide des données des utilisateurs et d’en faciliter le repérage et l’interprétation pour diverses applications.

Que faire pour entrer dans le web des données?

Il faut édicter une politique visant à encourager l’adoption,  par tous les acteurs des industries culturelles et créatives, d’un modèle de métadonnées harmonisées. En cela, nous pouvons nous inspirer de la Feuille de route stratégique sur les métadonnées culturelles qui a été publiée l’an dernier, par le ministère de la Culture, en France. Ceci permettrait de briser les silos technologiques et de rassembler les entreprises et institutions autour d’un projet numérique commun qui a une véritable portée stratégique.

Une politique de métadonnées culturelles constitue un instrument de gouvernance essentiel dans une économie de la donnée parce qu’elle requiert une collaboration active :

  • Élaboration d’une vision et d’une stratégie numériques qui soient partagées par les acteurs principaux.
  • Compréhension commune des objectifs et besoins de chacun. Définition et priorisation des enjeux sémantiques, techniques, juridiques et organisationnels.
  • Alignement de projets technologiques sur la stratégie (et non l’inverse).

La visibilité des contenus des industries culturelles et créatives devient un enjeu prioritaire pour le Québec qui se prépare à entrer dans l’économie numérique. Nous devrions, sans attendre, nous inspirer des démarches qui ont été entreprises ailleurs et développer nos compétences et notre maîtrise des données.

Entreprises et institutions culturelles, vos contenus sont-ils bien visibles?

Apple : intégrer la chaîne du livre, de l’auteur au lecteur

Serions-nous séduits par un jardin au point de ne pas nous inquiéter de l’absence de portes de sorties ?

Jardin d'Éden avec mur.

Le nouveau programme d’autoédition lancé par Apple propose un modèle de production très audacieux. Voici un premier aperçu et quelques commentaires à chaud, publié par Martin Lessard sur Triplex, le blogue techno de Radio-Canada.

 Apple à l’assaut du livre scolaire 2.0

Il est évident qu’Apple a compris depuis le début ce qu’il fallait faire : offrir gratuitement des outils de création et les gens s’y précipiteront pour y créer du contenu. Il faudra bien éventuellement qu’ils achètent la plateforme de production ou de lecture (l’iPad) et qu’ils passent par des tuyaux pour diffuser leur contenu (l’iTunes U). C’est à ce moment-là précis qu’Apple est à la caisse enregistreuse.

 

Une discussion sur les possibles avantages pour l’amélioration des pratiques dans le domaine de l’éducation s’est poursuivie sur mon fil Google+ avec Mario Asselin, spécialiste des technologies et de l’éducation (entre autres choses).

Apple à l’assaut du livre scolaire : modèle économique complètement fermé. Ensuite, ce sera la chaîne du livre.

Je suis prêt à modifier ma position si on me prouve que l’outil de l’écosystème iBooks 2, iBooks Author et iTunes U permet facilement la co-construction via la capacité d’adapter un manuel par un prof et des élèves qui l’utiliseraient, ceci dans une dynamique où l’interopérabilité des dispositifs serait au service de l’avancement des connaissances et des itinéraires pour les présenter à des apprenants qui n’intègrent pas tous en même temps les mêmes choses au même rythme.

 

Un autre commentaire, à chaud, par Clément Laberge, un des spécialistes québécois de l’édition numérique que je suis, (avec Christian Liboiron et Patrick M. Lozeau). Un commentaire prudent qui résonne comme une mise en garde.

Et si Apple était devenu éditeur ?

Non, décidément, je ne reproche rien à Apple. Et je n’en suis pas moins admiratif. Je juste un peu préoccupé de l’absence de produits/services/approches alternatives pour éviter une hégémonie qui me semble incompatible avec ma vision de l’éducation et de la culture en général.

 

Apple détournerait-il le standard de l’édition numérique, EPUB, à son profit ? Des questions adressées à Apple par un des collaborateurs de ZDNet, Ed Bott. Les réponses sont attendues.

How Apple is sabotaging an open standard for digital books

So, for nearly two years, Apple has wooed digital book publishers and authors with its unconditional support of an open, industry-leading standard. (The EPUB standard is managed by the International Digital Publishing Forum [IDPF], of which Apple Inc. is a member.)

With last week’s changes, Apple is deliberately sabotaging this format. The new iBooks 2.0 format adds CSS extensions that are not documented as part of the W3C standard. It uses a closed, proprietary Apple XML namespace. The experts I’ve consulted think it deliberately breaks the open standard.

À jouter dans mes liens sur la guerre de l’Internet ?

La guerre de l’Internet ce sont des batailles pour la propriété intellectuelle et le contrôle des utilisateurs (contrôle de ce à quoi on accède et du comment on y accède). Apple est la plateforme technologique, l’éditeur, le responsable du marketing et le détaillant. Les acteurs de l’écosystème de l’édition doivent analyser les avantages et les risques (ou concessions) qui sont présents dans un tel système.

Le livre: pirates et conquérants – Bookcamp Montréal 2011

Celui qui pille avec un petit vaisseau se nomme pirate ;
celui qui pille avec un grand navire s’appelle conquérant.
Proverbe grec.

Isaac le pirate, Christophe Blain - Bande dessinée

Il y a un an, lors du précédent évènement, l’émotion était perceptible pendant les discussions. On la sentait moins, cette année, cette inquiétude face au renversement des modèles établis. Était-ce en raison d’une certaine acceptation (résignation) ou plus simplement parce que les principaux tenants du statu quo n’y étaient pas ?

Aux abonnés absents

Absence remarquée des représentants des organisations suivantes:

  • Grands groupes d’édition, apparemment tous partis au Saguenay (Salon du livre).
  • Chaînes de librairies.

 Bibliothécaires = médiateurs ou passeurs

Les bibliothécaires toujours aussi présents et intéressés. Dommage qu’on ne leur donne pas suffisamment de place (peut-être devraient-ils/elles la prendre).

À l’opposé du cerbère de la bibliothèque du roman d’Umberto Ecco,  les bibliothécaires d’aujourd’hui sont les médiateurs de l’écosystème de l’édition (garants de l’accès aux livres, experts des catalogues et métadonnées, vigies de l’évolution du système).

Verrous numériques

Les bibliothèques publiques et académiques semblent être le dernier Klondike de certains groupe d’édition. L’usage des DRM constitue un enjeu important pour l’accès à la culture et aux connaissances et les bibliothécaires n’ont (jusqu’à présent) pas d’autre choix que de faire avec.

En réduisant considérablement l’accès, cette technologie nuit aux consommateurs, aux éditeurs et aux créateurs en étouffant le marché. À qui profitent les DRM alors ? Aux entreprises de logiciels.

Les liseuses sur les tablettes ?

Alexandre Enkerli a remarqué qu’on a peu parlé des liseuses, alors qu’Amazon vient tout juste de lancer son Kindle Fire.

Et les auteurs dans tout ça ?

Bruno Boutot, communicateur-journaliste-vrai-spécialiste-des-communautés a énoncé la plus belle opportunité pour les auteurs. Je l’ai condensée en moins de 140 caractères:

La communauté autour de l’auteur et non du livre. L’auteur passe au numérique pour être le gestionnaire de sa communauté.

Moments de poésie

Au cours des éternelles discussions sur le piratage, réminiscences d’Aragon et Vialatte.

@karlpro les auteurs, les poètes sont les plus grands pirates. Ils volent à chaque coin de rue, les baisers, les colères, les émotions. #bcmtl

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@joplam #bcmtl Les pirates sont aussi des consommateurs (@culturelibre) #hygrade

@sebprovencher @joplam J’ai envie de répondre « ils achètent des perroquets, des navires et des cache-oeil » mais je ne le ferai pas… 🙂

Marie-Christine Lemieux-Couture, auteure : « Je me pirate moi-même. Je donne mes livres à ma famille, mes amis. »

Pour rattraper le fil des échos sur Twitter : #bcmtl.

 

Bookcamp Montréal: le livre a-t-il été enterré ?

En retournant au Bookcamp Montréal cette année, je me demande si nous (participants) saurons porter plus loin notre exploration des possibles avenues pour la transformation du secteur du livre. Malgré l’inégalités des prestations (normal, dans un camp), j’avais beaucoup apprécié la plupart des échanges de l’édition précédente, notamment ceux autour de l’intevention volontairement provocante de Karl Dubost (voir ci-après).

Stay calm - Get excited

Retour sur le Bookcamp 2010

Pour ceux qui souhaitent reprendre la conversation sur certains points chauds, voici le billet de Karl Dubost: Aujourd’hui, on enterre le livre. C’est une perspective que les acteurs du livre ne partagent pas tous, cependant, il y a des questions qui sont des coups de sonde pour les fondations du  système. Karl rapporte également dans son billet les principaux sujets de discussion du Bookcamp de 2010.

Mes avenues de recherche (ou de discussion) pour le Bookcamp 2011:

Quels changements ?

Internet change irrémédiablement les modèles économiques, les contenus et les usages. Un changement qui devrait ébranler tous les secteurs d’activité humaine et économique.

  • Quels sont les éléments de la chaîne du livre  et les usages (créateurs et consommateurs de contenus) qui changent réellement ?
  • Doit-on protéger une industrie (et les conventions et privilèges ou favoriser un environnement propice à la création ?

Consomm-acteurs de contenus

La plupart des jeunes de la prochaine génération auront probablement grandi les deux pouces sur les manettes de jeu, les yeux passant d’un flux de messagerie instantanée à une vidéo sur le Web et les oreilles remplies d’un fond musical issu de fichiers mp3.

  • Que signifiera écrire un livre pour la plupart des créateurs de cette génération ?
  • Comment créeront-ils des récits, des guides d’apprentissage, des oeuvres d’art avec les mots ?

Comment hausser le niveau des échanges ?

J’ai trouvé beaucoup de connexions concernant nos rapports ambivalents à l’ère dans laquelle nous vivons dans les capsules vidéo de la série L’édifice sur la culture contemporaine. L’intro musicale est un peu longuette et on apprécierait entendre les interventions de Vincent Olivier, mais c’est une de rares séries qui m’a accroché.

Le virage numérique c’est pour quand ?

Lors de la présentation du budget du Québec, en mars dernier, le Ministre des Finances, Monsieur Raymond Bachand, a annoncé des mesures pour « poursuivre le virage numérique ».

Nombre de publications américaines encouragent les entreprises qui font du commerce électronique à mieux cibler le marché canadien. Pendant ce temps, au Québec, nous investissons dans la numérisation de contenu et dans les infrastructures, mais pas dans l’appropriation des technologies et la connaissance des usages numériques. Notre commerce électronique et notre économie numérique sont en retard. À quand un programme pour le transfert de l’expertise numérique vers nos gestionnaires d’entreprises ?

Patrice-Guy Martin, directeur général du Réseau ActionTI, a fait une remarque en ce sens dans son billet Les premiers jalons d’une stratégie numérique pour le Québec :

/../ trop peu de PME québécoises disposent d’un site Web transactionnel. Bien qu’un meilleur réseau, plus rapide, constitue un outil pouvant favoriser le développement du commerce électronique, nous croyons à la nécessité d’autres mesures originales et structurantes pour soutenir l’usage stratégique des TIC.

Élément révélateur rapporté par Direction Informatique : absence du mot « informatique » dans l’allocution du ministre. Est-ce l’amorce du passage d’une vision essentiellement technologique à une culture numérique issue d’un métissage de champs de pratiques (technologies, sciences humaines, arts visuels, administration des affaires, etc.)

Passages : la tablette n’est pas la bouée de sauvetage de l’imprimé

Survey finds iPad negatively affecting print media

Article repéré par l’agence web TP1.

Se servir de supports électroniques pour vendre plus de publications imprimées est une mauvaise idée. Cette stratégie n’exploite pas les avantages spécifiques du numérique et ne tient pas compte du changement de comportement d’une partie grandissante des consommateurs.

Inclure les tablettes numériques dans votre stratégie de distribution (ou de visibilité par la diffusion) est une meilleure idée.

While this trend may ultimately curtail print editions, it also creates a new distribution method for those newspapers willing to move out of their comfort zone. Several large newspapers, including the WSJ, The New York TImes, and the London-based City A.M., are making that transition and have released iPad apps.

Et alors ?

  • Les habitudes des consommateurs évoluent plus rapidement que l’industrie des médias. N’oubliez pas vos utilisateurs actuels et potentiels lorsque vous élaborez votre stratégie de marché.
  • Cessez de tenter de reproduire ce que vous connaissez, vous n’êtes plus en territoire connu (les nouvelles technologies n’ont peut-être pas encore changé votre façon de voir les choses, nous ne sommes qu’au début d’une vague de changements). Comme bien d’autres, sortez de votre zone de confort en explorant de nouveaux usages.
  • Attention aux mirages : le modèle de distribution d’Apple n’est pas avantageux pour tous les éditeurs de contenu (iPad au secours des vieux modèles ?).

Dépasser les limites du livre – BookCamp Montréal 2010

Retour sur mes notes prises lors du BookCamp Montréal, 26 novembre 2010 au Salon b Bibliocafé.

BookCamp_Montreal_2010
Particularité du «camp» (anti-conférence) : élaboration collective du programme de la journée.

Cette première édition semble déjà un succès : la salle est pleine et l’assistance est diversifiée (secteurs d’activité, groupes d’âge).

Pour suivre le fil des commentaires sur Twitter:  #bcmtl.

Oser

Il semble qu’il soit difficile de sortir du modèle du livre imprimé (et même du support papier). Quelques exemples:

  • Utiliser l’iPad pour faire vendre plus de copies papier.
  • Utiliser une application pour produire une version numérique d’un document papier.
  • Créer une application pour tablette qui imite le livre.

Évidemment, rien n’oblige un éditeur ou un auteur à délaisser le livre pour se jeter sur les pixels. Mais si on tente l’expérience du numérique, pourquoi ne pas s’en servir pour aller au delà des limites de l’imprimé et explorer les possibilités du nouveau médium ?

Comment accroître son potentiel d’innovation et trouver des solutions à ses problèmes quand on se cantonne à ce qu’on connait ?

Quand les frontières entre les pratiques deviennent floues

La dématérialisation de l’objet «livre» et l’élargissement des horizons du monde de l’édition dans l’espace numérique effraient. C’est une réaction naturelle; ces changements questionnent la pertinence des métiers et des façons de faire. L’antidote à l’incertitude est l’acquisition de connaissances pour se fixer de nouveaux repères (et pas nécessairement pour changer radicalement sa pratique).

Qu’est ce qu’un livre ?

J’ai perçu l’inconfort de plusieurs intervenants face aux définitions mêmes des objets qui sont remises en question. Un livre interactif est-il un livre ou un jeu ? Ou ne serait-ce pas plutôt une application ? On peut s’interroger sur ce qui motive cette volonté de marquer les frontières entre les manifestations créatives.

Notre définition de l’objet limite-t-elle notre capacité d’innovation ? C’est une question que pose Mitch Joel dans un billet tout juste publié : When The Definitions Are Wrong.

Analphabétisme numérique

Beaucoup d’acteurs de monde de l’édition (dont beaucoup d’éditeurs) ne sont pas encore familiers avec les nouvelles technologies. Comment parler des enjeux de distribution numérique quand on ne sait pas faire la différence entre un fichier et une page web ? Comment interpréter les changements, identifier les menaces, oui, mais surtout les opportunités d’innovation ?

Des paroles qui dérangent (pour notre bien)

Karl Dubost (@karlpro), qui contribue activement à l’exploration des possibilités du web  a bien tenu le rôle de catalyseur (ou «brasseur de cage») qu’il avait déjà joué, face à un auditoire en partie ravi et en partie sur la défensive, aux rencontres de l’Espace Infusion, lors du Festival du nouveau cinéma.

On pourra longuement réfléchir sur ce constat: « La technologie modifie les comportements, le marché et donc la culture. L’infrastructure n’est pas neutre.»

Voir le compte-rendu de cet évènement par Karl Dubost, sur son carnet.

Formation oui, mais vers qui se tourner ?

Les artistes sont ceux qui ont le moins à craindre des  changements du numérique, contrairement aux éditeurs, distributeurs qui sont menacés par de nouveaux intermédiaires comme iTunes et qui devront nécessairement se réinventer. Cependant, où les créateurs peuvent-ils acquérir les connaissances requises pour profiter des avantages du numérique ? Les organisations associatives ne devraient-elles pas prendre rapidement l’initiative et offrir à leurs membre une formation aux outils et pratiques des nouvelles technologies ?

Où sont les bibliothécaires ?

Malgré une assistance diversifiée, nous n’avons pas entendu de bibliothécaires, exception faite d’Olivier Charbonneau qui s’en est tenu à la dimension juridique (voir plus bas). Les bibliothèques constituent des points d’accès publics et gratuits à l’information. Cette profession a pourtant un rôle actif à jouer dans l’écosystème de l’édition, tant par son expertise spécifique que sa position privilégiée d’intermédiaire entre les utilisateurs/lecteurs et l’offre.

Où sont les sociétés de gestion collective ?

Il a beaucoup été question de propriété intellectuelle, il aurait été intéressant d’entendre les commentaires de représentants des sociétés de gestion collective de droits d’auteur.

Protéger la création et encourager la diffusion

À lire et à méditer par tous les intervenants concernés par la diffusion et la distribution de contenus culturels à l’ère numérique, et plus spécialement, les sociétés de gestion collective de droits d’auteur.  Selon Olivier Charbonneau (@culturelibre), il est plus payant, pour les éditeurs, de vendre un droit d’accès unique; c’est une économie de bien privé. Le numérique nous offre une économie de bien public.

Présentation d’Olivier Charbonneau : Le droit du livre.

Un grand absent: celui/celle qui fait sonner la caisse

Acteur central et élément clé du modèle économique, le consommateur était absent des présentations. Le numérique a-t-il changé nos usages et notre consommation de contenus culturels ? Si oui, comment ces changements se traduisent-ils ?

Culture, médias et divertissement: des enjeux communs

L’édition, la musique, les journaux et magazines, le cinéma: toutes les industries culturelles, même le jeu vidéo (voir le billet sur les conférences du Sommet international du jeu de Montréal) ont des enjeux communs et des expérimentations à partager. Internet change irréversiblement la façon dont nous créons, produisons, promouvons et consommons des produits culturels. Pour s’adapter (ou survivre) aux bouleversements, les entreprises et créateurs doivent accroître leur capacité d’innovation. C’est possible, avec des rencontres du même type que celles de vendredi dernier qui favorisent les échanges entre spécialistes, industries et initiés et non-initiés.

Passages : Modèles économiques du livre numérique

Modèles économiques d’un marché naissant: le livre numérique

Analyse des différentes configurations possibles du marché du livre numérique incluant les marchés émergents (dont le Canada). Étude publiée par le Ministère de la Culture et de la Communication (France)

Effets de la dématérialisation sur les modèles

  • La dématérialisation du livre entraîne la disparition éventuelle de certains acteurs (distributeurs et diffuseurs) et l’apparition de nouveaux acteurs sont les agrégateurs et les opérateurs de téléphonie mobile (plateformes de distribution).
  • Une autre conséquence de la dématérialisation est le déplacement de la valeur: de l’objet à l’accès, du contenu au service.

Marchés émergents : Canada, Québec

Aperçu de différents marchés et de leurs particularités dont ceux du Japon, des États-Unis et du Canada. Spécificité culturelle oblige, le Québec se démarque du reste du pays.

Canada :

Le marché du livre numérique reste très modeste, dans un contexte de marché global stagnant (– 0,8% de 2005 à 2008) sans éditeur tête de proue du numérique ni d’équipementier ayant développé une offre de terminaux spécifiques. Le Canada anglophone se construit en partie dans le sillage des États-Unis avec une offre plus modeste − les leaders sont des acteurs de la distribution de livres imprimés au premier rang desquels l’enseigne Indigo Books & Music, présente avec le libraire américain Borders au capital de Kobo.

Québec :

Dans un marché de taille modeste, les éditeurs, soucieux de se développer sur le segment numérique, ont engagé une politique volontariste et spécifique par l’intermédiaire des organisations professionnelles, l’Association nationale des éditeurs (Anel) et l’Association pour l’exportation du livre canadien (AELC), à l’instar de la politique publique volontariste existant pour le livre imprimé. En juin 2009, la création concertée d’un entrepôt numérique met à disposition des librairies et éditeurs une plate-forme professionnelle unique.

Passages : Le numérique est une chance pour la presse


    L’«hyperjournaliste» Plenel et Internet – Le numérique doit dorénavant se situer en amont de la chaîne | Le Devoir

    Parallèle avec l’enquête sur la présence web des magazines où le numérique n’est encore, dans la plupart des cas, qu’une extension de l’édition imprimée avec toutes les contraintes et les faiblesses que cela impose à l’émergence de nouveaux médias.

    Le numérique doit être au cœur de la production de contenu (imprimé et en ligne).

    Après, on pourra faire un journal, un magazine ou autre chose. Le journal en papier doit bouger, car il s’adresse à un public qui a déjà eu de l’information. Il doit comprendre que le numérique n’est pas la déclinaison du papier. La crise des médias n’est pas une bataille de support. C’est une crise de l’offre. La presse doit se recentrer sur sa plus-value, sa spécificité, son identité éditoriale.

    Un changement qui suscite des craintes chez ceux qui n’ont pas compris (ou ne veulent pas comprendre) les nouveaux usages et pratiques du web.

    Les médias doivent se recentrer sur leur plus précieux actif: une information de qualité, à valeur ajoutée et originale (marque).

    Article du cahier spécial du Devoir publié en marge du colloque Le journal indépendant: vue de l’esprit ou phare de la démocratie? qui aura lieu vendredi le 12 mars, à la Bibliothèque nationale du Québec.