Dépasser les limites du livre – BookCamp Montréal 2010

Retour sur mes notes prises lors du BookCamp Montréal, 26 novembre 2010 au Salon b Bibliocafé.

BookCamp_Montreal_2010
Particularité du «camp» (anti-conférence) : élaboration collective du programme de la journée.

Cette première édition semble déjà un succès : la salle est pleine et l’assistance est diversifiée (secteurs d’activité, groupes d’âge).

Pour suivre le fil des commentaires sur Twitter:  #bcmtl.

Oser

Il semble qu’il soit difficile de sortir du modèle du livre imprimé (et même du support papier). Quelques exemples:

  • Utiliser l’iPad pour faire vendre plus de copies papier.
  • Utiliser une application pour produire une version numérique d’un document papier.
  • Créer une application pour tablette qui imite le livre.

Évidemment, rien n’oblige un éditeur ou un auteur à délaisser le livre pour se jeter sur les pixels. Mais si on tente l’expérience du numérique, pourquoi ne pas s’en servir pour aller au delà des limites de l’imprimé et explorer les possibilités du nouveau médium ?

Comment accroître son potentiel d’innovation et trouver des solutions à ses problèmes quand on se cantonne à ce qu’on connait ?

Quand les frontières entre les pratiques deviennent floues

La dématérialisation de l’objet «livre» et l’élargissement des horizons du monde de l’édition dans l’espace numérique effraient. C’est une réaction naturelle; ces changements questionnent la pertinence des métiers et des façons de faire. L’antidote à l’incertitude est l’acquisition de connaissances pour se fixer de nouveaux repères (et pas nécessairement pour changer radicalement sa pratique).

Qu’est ce qu’un livre ?

J’ai perçu l’inconfort de plusieurs intervenants face aux définitions mêmes des objets qui sont remises en question. Un livre interactif est-il un livre ou un jeu ? Ou ne serait-ce pas plutôt une application ? On peut s’interroger sur ce qui motive cette volonté de marquer les frontières entre les manifestations créatives.

Notre définition de l’objet limite-t-elle notre capacité d’innovation ? C’est une question que pose Mitch Joel dans un billet tout juste publié : When The Definitions Are Wrong.

Analphabétisme numérique

Beaucoup d’acteurs de monde de l’édition (dont beaucoup d’éditeurs) ne sont pas encore familiers avec les nouvelles technologies. Comment parler des enjeux de distribution numérique quand on ne sait pas faire la différence entre un fichier et une page web ? Comment interpréter les changements, identifier les menaces, oui, mais surtout les opportunités d’innovation ?

Des paroles qui dérangent (pour notre bien)

Karl Dubost (@karlpro), qui contribue activement à l’exploration des possibilités du web  a bien tenu le rôle de catalyseur (ou «brasseur de cage») qu’il avait déjà joué, face à un auditoire en partie ravi et en partie sur la défensive, aux rencontres de l’Espace Infusion, lors du Festival du nouveau cinéma.

On pourra longuement réfléchir sur ce constat: « La technologie modifie les comportements, le marché et donc la culture. L’infrastructure n’est pas neutre.»

Voir le compte-rendu de cet évènement par Karl Dubost, sur son carnet.

Formation oui, mais vers qui se tourner ?

Les artistes sont ceux qui ont le moins à craindre des  changements du numérique, contrairement aux éditeurs, distributeurs qui sont menacés par de nouveaux intermédiaires comme iTunes et qui devront nécessairement se réinventer. Cependant, où les créateurs peuvent-ils acquérir les connaissances requises pour profiter des avantages du numérique ? Les organisations associatives ne devraient-elles pas prendre rapidement l’initiative et offrir à leurs membre une formation aux outils et pratiques des nouvelles technologies ?

Où sont les bibliothécaires ?

Malgré une assistance diversifiée, nous n’avons pas entendu de bibliothécaires, exception faite d’Olivier Charbonneau qui s’en est tenu à la dimension juridique (voir plus bas). Les bibliothèques constituent des points d’accès publics et gratuits à l’information. Cette profession a pourtant un rôle actif à jouer dans l’écosystème de l’édition, tant par son expertise spécifique que sa position privilégiée d’intermédiaire entre les utilisateurs/lecteurs et l’offre.

Où sont les sociétés de gestion collective ?

Il a beaucoup été question de propriété intellectuelle, il aurait été intéressant d’entendre les commentaires de représentants des sociétés de gestion collective de droits d’auteur.

Protéger la création et encourager la diffusion

À lire et à méditer par tous les intervenants concernés par la diffusion et la distribution de contenus culturels à l’ère numérique, et plus spécialement, les sociétés de gestion collective de droits d’auteur.  Selon Olivier Charbonneau (@culturelibre), il est plus payant, pour les éditeurs, de vendre un droit d’accès unique; c’est une économie de bien privé. Le numérique nous offre une économie de bien public.

Présentation d’Olivier Charbonneau : Le droit du livre.

Un grand absent: celui/celle qui fait sonner la caisse

Acteur central et élément clé du modèle économique, le consommateur était absent des présentations. Le numérique a-t-il changé nos usages et notre consommation de contenus culturels ? Si oui, comment ces changements se traduisent-ils ?

Culture, médias et divertissement: des enjeux communs

L’édition, la musique, les journaux et magazines, le cinéma: toutes les industries culturelles, même le jeu vidéo (voir le billet sur les conférences du Sommet international du jeu de Montréal) ont des enjeux communs et des expérimentations à partager. Internet change irréversiblement la façon dont nous créons, produisons, promouvons et consommons des produits culturels. Pour s’adapter (ou survivre) aux bouleversements, les entreprises et créateurs doivent accroître leur capacité d’innovation. C’est possible, avec des rencontres du même type que celles de vendredi dernier qui favorisent les échanges entre spécialistes, industries et initiés et non-initiés.

5 réflexions sur « Dépasser les limites du livre – BookCamp Montréal 2010 »

  1. Moi-même, je fais partie de ceux qui trouvent qu’un livre trop interactif (et quand je dis « trop », je sous-entend qu’il s’intéresse davantage à l’interactivité qu’au texte qu’il présente) se rapproche beaucoup du jeu ou de l’application. Si je souligne souvent ce fait, ce n’est pas parce que j’ai peur qu’on « dénature » le livre, comme certains pourraient le penser. C’est plutôt parce que les jeux et les applications existent depuis des dizaines d’années! Je ne vois aucune raison de s’exciter avec ça.

    Un livre numérique, c’est d’abord et avant tout un texte. Et c’est pourquoi on semble avoir tant de difficulté à se détacher de la métaphore « livre ». Les deux vont rester intimement liés, je crois. Si on s’éloigne trop du texte, on tombe dans l’application… et ça existe déjà depuis fort longtemps.

  2. Bonjour Dominique,
    Dans un livre, il y a des mots qui servent un récit. Ce récit peut prendre les formes que son créateur veut bien lui donner.

    Je constate un évanouissement progressif des frontières entre les pratiques. C’est ce qu’ont vécu les beaux-arts dès le milieu du XXe siècle: des artistes intégrant dans leur démarche créative d’autres pratiques artistiques (danse, théâtre, musique) et des technologies. Ce qui n’empêche pas d’autres artistes de peindre encore des toiles ou de sculpter la matière.

    Ce sont les créateurs, qui explorent et apprivoisent les nouvelles technologies, qui jouent un rôle actif dans la transformation des pratiques. Cela entraînera forcement une mutation de la définition du «livre» et/ou l’émergence d’un autre concept. Tout comme un phonogramme, qui a été un rouleau de cire, désigne également un fichier MP3.

  3. Pour enrichir cette conversation, j’ajouterais qu’il y a belle lurette que le livre n’est pas simplement « un texte ». Parfois, il y en a plusieurs: préface, introduction, index, appendices, etc. Certains livres sont enrichis de photographies. D’autres (je pense à notamment La chute des géants de Ken Follett que je suis en train de lire) comprennent un index des personnages auquel je me réfère souvent.

    J’aime également beaucoup le « journal », sorte de blog d’auteur imprimé, que l’on trouve à la fin de certains romans d’Éric-Emmanuel Schmidt, comme le journal d’un roman volé qui précise le contexte de création et enrichit la lecture globale de L’Évangile selon Pilate, par exemple.

    Ces précisions ne disqualifient nullement l’affirmation de Dominique qui affirme que « un livre numérique, c’est d’abord et avant tout un texte ». Reste qu’il y a longtemps, et ce même dans l’univers imprimé, que ce n’est plus simplement un texte.

    Certains livres utilitaires ou didactiques, tels qu’une encyclopédie ou un guide pratique (cuisine, bricolage) sont même, je crois, des « applications » plus ou moins bien adaptées à la forme livresque — personnellement, je ne consulte plus de livres de recettes, j’utilise mon téléphone pour les consulter à la demande sur Internet, sans même me soucier de leur provenance.

    Bref, des enluminures du Moyen-Âge aux livres de recettes en passant par l’Encyclopédie de Diderot, on ne peut réduire le livre à sa simple dimension textuelle. Le livre imprimé a été un médium commode pendant six siècles, mais il serait dommage que nos sens soient à ce point limités par l’habitude que nous ne sachions en sortir allègrement, ne serait-ce que pour consommer moins de matière physique et pour nous simplifier la vie 😉

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